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####La nostalgie augmentée

C’est d’une nostalgie augmentée dont il s’est agi dès le début. My First Sunday in Paris quand Miller écrit en marche son périple élégiaque d’une journée complète de déambulation à Paris. Une journée est complète dès lors que ses bouts, matin et soir avancé, sont expressément mentionnés de par leurs densité et textures singulières respectives. La nuit est hors sujet, autre sujet, autre univers. Ce n’est pas grandiose comme texte, juste excellent. Lafcadio Hearn aussi écrit sur sa première journée à Tokyo, mais sans doute bien après l’action que Miller à Paris. Il faudrait réunir des textes ainsi de toutes les époques, recueil intitulé My first Day in the City.


Miller pose le regard de l’étranger à Paris, ma condition inconsciente à l’époque de la première lecture pour poser un regard éloigné sur la ville qui ne soit pas seulement un regard nostalgique. Je n’écris pas “ma” ville, malaise du possessif.


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Défaire voir - Littérature et politique de Sandra Lucbert est constitué de trois chapitres :

- Ce que peut être une littérature politique, page 9

- Manger les riches, une décomposition, page 39

- Se faire voyant, page 73 à 105


Le chapitre médian est une sorte d’application des premier et troisième. Si l’on réunit le premier et le troisième chapitre, on obtient un manuel, un manuel d’écriture-décillement appliqué. Un manuel à déplier.


C’est l’an passé je crois que lors de la préparation et l’annonce d’une session d’Ecrirea.tokyo, j’avais recommandé la lecture de l’entretien de Sandra Lucbert Pour une littérature contre-hégémonique paru dans la revue Contretemps - Revue de critique communiste. On m’avait en retour - une? deux personnes? - remercié pour le lien vers cette lecture ébouriffante, réaction exceptionnelle, unique en fait et depuis, lecture totalement ébranlante donc, qui exige la relecture, le surlignage, le retour en arrière, s’en gargariser, humer en boucle des phrases qui éclatent la pensée anesthésiée. La longueur du propos est inversement proportionnelle à sa densité. Et c’est encore le cas avec Défaire voir. 


Je verrais bien, plutôt que d’arracher les pages du milieu, avoir accès à une version “manuel” réunissant les chapitres 1 et 3. Avis aux Editions Amsterdam qui ne me lisent pas. Mais la production d’écrits dans l’espoir d’être lu est totalement dépassée. En été si le temps le permet, on s’offrira une étude poussée de ces deux chapitres, une lecture en profondeur, avec des boucles, des aller-retours, des graphes et cartes, des listes de stratégies. Dommage que la version numérisée n’existe pas, qui devrait faciliter ce travail d’exégèse pour soi.


####EHPAD 1


Le taxi fait un détour pour passer au dernier convenience store à distance. Calme sur le parking. Les établissements de fin de vie et au-delà, mais aussi pour les grands handicapés se trouvent éloignés dans les hauteurs.


####Prague


Piqué ce qui suit sur The New Yorker, dans une interview bisounours d’un auteure américaine à Prague.


_So is there something about Central Europe that you’re drawn to?_

_No, not necessarily. If I could live anywhere, it’d be Seoul. Every time I visit Seoul, it’s different. I remember the first time that I went there; it was because my book had been translated into Korean. There’s a replica of the Prague Astronomical Clock there. It felt like a blessing from Prague, like the places that I love were connected in some way, by some rubric that I am not aware of yet._


_We’re talking about literature that isn’t tied down to one particular place, that’s of many places. _


En attendant, il faut lire d’urgence Espèces d’espaces de Pérec. Pérec apparaît ces temps-ci partout, dans les lectures sélectionnées, tout comme les lectures au hasard. Un signe.


####Ecrire, être dans l’écriture


Nouveau plutôt qu’ancien, comme cela chante, une personne a écrit en 2008 un papier universitaire intitulé Devenir habitant : médiations de la ville dans les blogs d’expatriés au Japon, Becoming a Resident: Mediatizing the City through Expatriates' Weblogs in Japan. Elle s’appelle Julia Bonaccorsi. Elle a bifurqué sur d’autres sujets depuis bien sûr. Je serais curieux de discuter avec elle.


Dans ce texte que j’avais noté déjà il y a quelques années se trouve mentionné le Tokyo Journal de résidence sur Lemonde.fr, parmi d’autres exemples d’écrits blogs de l’époque d’avant le tsunami des Facebook et consorts. Oui bien sûr, le terme expatrié me dérange tout autant que dans le passé, mais ce malaise est nourri d’une quantité considérable de lectures et considérations multiples depuis, et l’époque aussi qui changent totalement la donne. Ce terme sent le vieux, le moisi.


Bien plus à même d’éveiller une réflexion est le sentiment que la plupart des bloggeurs cités - et sans compter les autres - à deux exceptions près disparus, ou invisibles, n’étaient pas dans l’écriture, mais dans l’expression écrite. On n’est pas dans l’écriture quand on quitte ce flux plus ou moins constant d’écriture pour bifurquer sur les réseaux sociaux. L’écriture n’était pas le centre d’intérêt. Le marketing ayant prix le dessus, ce qui reste de visible est de la communication, essentiellement. On voit même des blogs de promotion annoncer après de longues plages de silences que le trop plein d’algorithmes dans les machines à broyer le temps disponible fait qu’il est temps de revenir ici - le site blog - et de murmurer avec un peu de lancinance que peut-être qu’ici se trouve encore une âme perdue pour lire et le signaler. Le post de blog promotionnel auquel je pense annonce cette couleur quelque part en 2021, puis plus rien.


C’est 

comme qui dirait

le retour de d’Artagnan

Suivi de sa disparition immédiate.


C’est qu’il y a deux erreurs dans la démarche :

- pour écrire en continue, il faut être dans l’écriture

- et dans ce contexte, il ne faut pas écrire dans l’intention - l’espoir - d’être lu


####Ouverture prochaine du Laboratoire expérimental d’écritures de Tokyo (LEET)


On ne le nommera pas “Base”, et le comptoir virtuel ne viendra pas d’Ikea.


En fait, qu’importe le sigle, ce laboratoire est déjà ouvert.


Ne pas se leurrer : il faut jeter le roman, l’idée du roman dans, au, au sujet de, autour de, avec pour fond, avec chambre d’écho, dans la perspective de, colorisé par, etc. le Japon.


Le seuls possibles dans l’immédiat sont de remplir les cases vides des écritures de non-fictionalité. Et la poésie. 


Le roman, à ce stade, on s’en fout. Il ne peut venir qu’après l’expurgé. N’y a-t-il pas un meilleur substantif du verbe expurger?


Il y a plus urgent. Et comme il s’agit d’un laboratoire, il s’agit de tester. Tester quoi? Le sang et l’urine de ce qui n’a pas été écrit - ou alors pas vu/lu. Des formules qui forcent à lucidement écarter toute forme de sentimentalité, d’orientalisme, d’hédonisme, de nombrilisme, d’affabulisme de soi et des lecteurs, de fétichisation donc sous toutes ses formes. Il faut, même une Ernaux à Tokyo, mais pas en invité dans la Villa. Il faut un Charles Reznikoff. Et puis bien sûr, il faut, avec tout le sérieux associé, une approche pérecquienne de l’écriture allochtone. Un laboratoire qui commence par établir le vide dans la capsule d’expérimentation. Le vide, c’est l’expurgé. 


Donc, il faut tester, habillé d’une veste longue blanche d’un laborantin, tout ce qui a été cité jusque là, et le reste :

- Factographies japonaises

- Ecritures du quotidien, de l’infra-ordinaire japonais

- Listes, énumérations japonaises

- Observations d’un point fixe vers la rue japonaise

- Comptes-rendus du non-événementiel japonais

- Ecritures en mouvement dans l’espace japonais

- Ecritures dénuées d’affects, sans doute la formule la plus coriace. Même Ernaux n’y arrive pas. 

- Ecritures d’enquêtes au Japon

- etc,.


####Wim sort des toilettes ému, une serpillière dans une main, un balai brosse dans l’autre



Notre sponsor : Ajax, héros grecque d’avant le crash, prétendant d’Hélène


A Tokyu, l’espace évacué par un commerce, au sujet duquel ne reste qu’une petite annonce scotchée sur un pilier élaborant sur la fermeture déjà bien antérieure à aujourd’hui, est remplacé, le verbe plus précis est “rempli, par une batterie de machines Gatcha Gatcha, machines placées au fin fond de l’ennui du quotidien duquel il faut drainer des sous. Il existe des livres d’analyses économiques au sujet de la formule Gatcha Gatcha puisque tout ce qui rapporte est respectable. Le paysage étant constituée de figures imposées, l’imposition se doit de provoquer réaction. Ce qui n’est pas le cas. Je comprends que Gatcha Gatcha est l’équivalent du parking qui vient s’installer en deux temps trois mouvements sur un terrain hier encore recouvert des ultimes gravats de l’édifice précédant, en attendant le prochain. La visibilité accrue des îlots de machines font que je les remarque récemment seulement, alors qu’ils figurent dans le paysage urbain depuis les années 2010. Ils sont désormais inévitables, s’étalant dans les espaces vides de flux intenses des sous-sols ferroviaires - à Ikébukuro par exemple. Cette visibilité est un indice de la déprime économique, celle du bas, celle qui n’est pas concernée par l’indice boursier.


A Tokyu, l’îlot est proche des toilettes où j’attends en vain de voir Wim sortir l’air attendri - lui qui aurait voulu naître japonais - affublé d’un bleu de travail, serpillière à la main, balai-brosse sur l’épaule. Bien plus sexy qu’un livreur Uber.

####EHPAD 2



Au bas de la montagne avec l’EHPAD en haut se trouve une colline hightech, solaire au couchant. Près de l’arrêt de bus se trouve une ultime maison au toit de chaume. Le jardin attenant et les pots de fleurs autour de la porte d’entrée suggèrent qu’elle est entretenue, mais on ne perçoit aucune vie et les fenêtres sont bouchées. C’est beau une maison en toit de chaume, même si on ne voudrait pas y habiter.