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S’attache-t-on aux planètes lointaines?




####A Dream Coffee


Bientôt la fin du calvaire. Cinq pots de fleurs sur la table commune. Manque un livre d’or, de condoléances, des bâtons d’encens. Ne subsistent au menu que du blend coffee, et selon les heures, des oeufs durs. Cela finira-t-il pas un verre d’eau ou rien, le retrait des sièges?  Il n’est écrit nulle part que l’établissement ferme. 

J’avais remarqué plus d’une fois ce jeune estudiantin accro des lieux, et hésité plus d’une fois à lui adresser la parole, mais aujourd’hui, je l’ai assis en face de moi et comme le temps presse, je m’enquiers de savoir s’il est étudiant de Rikkyo, ce qui le fait sourire. A. travaille en entreprise - avec beaucoup de liberté de mouvements - et est issu de Todai, du Kentucky à l’origine. 11 ans de Japon. Un scientifique. Il habite à 10 minutes. Je lui demande comment il compte survivre à la fermeture de Dream Coffee. Il me répond qu’il n’a aucune destination de rechange, qu’il n’y a aucune chance de survie, que seul nous contemple le vide.  

Je comprends plus tard que A est astrophysicien de formation. Le vide, il connaît. S’attache-t-on aux planètes lointaines? Là, ce qui git devant soi, c’est le trou noir. Jamais le quotidien n’a été riche de narrations à ce point. D’où, l’inutile du roman. 

Nous avons un long dialogue de cognocentis sur l’attachement aux lieux, la beigisation de cette putain de ville de Tokyo, l’impossibilité de s’attacher à un Starbucks, de se lever le matin en se disant, il faut que j’y aille, y aille nourrir l’auto-fétichisation sur le lieu chambre d’échos. 

Lui aussi n’a pas envisagé une seule fois de venir samedi dernier sachant le lamentable spectacle prévisible et incontournable qui allait s’exposer devant l’établissement, mais il ne s’est pas empêché non plus de venir voir à distance la très longue queue des en-quête-d’enterrements-annoncés-de-lieux-vintages, croque-morts paisibles, dociles et patients, et jeunes. Faire la queue, sport du week-end dans cette société de pénurie majeure de temps libre. 


####Café oeuf dur


Rien de plus urbain qu’un café oeuf dur le matin dans un lieu qui se conjugue du lundi au vendredi au présent du quotidien sans histoires, avec vue sur les vas et viens, le pouls du quartier. 


Nous avons des connaissances communes sur les alternatives impossibles dans Ikebukuro. Il ne connait pas Takasé mais connait Racine to Farm, cette infection qui n’a d’intérêt que pour la vue sur la pelouse en hiver. Dream Coffee, le seul café d’obédience européenne imaginaire ferme, et c’est le vide qui s’installe.