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Dram Coff


Est arrivé par la poste le livre Geisha de Liza Dalby. La notice énonçant en japonais l’état des lieux de l’ouvrage d’occasion avant achat était comme si souvent peu engageante, une liste de petits maux, de microdéliquescences, bref, une invitation à ne pas acheter. Y manquait aussi comme d’habitude l’énoncé somme toute important que “ce livre n’a probablement jamais été lu”. Il est temps de le lire, comme il y a des temps et des moments pour toutes les lectures. Le papier jauni, acidification qui est l’équivalent sans doute de l’inflammation du corps, est le seul signe du temps remarquable, d’un ouvrage qui n’a pas été lu donc. 

Maintenant qu’il y a nécessité de s’informer sur le sujet hors tout affect, dégagé du moindre engouement - le COVID a tué l’enthousiasme, et ce n’est pas une perte - reste une certaine dose de curiosité et d’attente intriguée. L’ouvrage d’origine date de 1983, en plein dans la bulle qui n’en avait plus que pour dix autres années à peine. La seconde préface de l’auteure intitulée Twenty-four Years Later date de 1998. L’objet lui-même, la version poche de chez Vintage Random House, date de 2000. Après lecture des deux introductions, je parcours rapidement les pages pour y observer les quelques photos et illustrations. Elles sont remarquables, mais je me contenterai de ces deux là. D’abord celle de Gerald Ford en visite officielle entouré de deux maïko, visiblement pas à l’aise avec les baguettes qu’il tient mal en main, ce qui rend la préhension des aliments encore plus risquée. Mais cela arrive à tout le monde, et l’exposition médiatique de l’étranger maladroit dans un acte culturel local reste un classique ici de la manipulation des masses. Il ne s’agit pas d’une microagression mais d’une méthode de rassérénement et de désamorçage à la fois. 


Le regard en coin des maïko est extraordinaire. Sans affect.


L’autre illustration qui ouvre des conjectures est ce plan précieux de la répartition de l’époque des maisons de geïsha dans le quartier Pontocho, avec mention du parcours d’un ancien tramway circulaire et une certaine réduction des distances bienvenue qui permet de saisir l’imbrication avec la fourche que forme la Kamogawa plus au nord. C’est même aujourd’hui un plan valide pour composer une promenade au présent dans Pontocho, promenade que j’imagine très matinale, comme celle à Gion il y a quelques mois, quand les rues sont vides, juste quelques minutes en allant au turbin, sous forme d’un petit détour en partant de l’hôtel, détour réalisé deux matins de suite, parcours en passant qui continue à résonner à l’occasion, qu’il suffit d’un rien pour s’en remémorer. Quand on n’est pas du soir, se saisir des matins ouvre des perspectives, comme à Tokyo, Ningyocho, Golden Gaï ou Kabukicho tôt le matin, mais aussi tous les nodes de flux encore assagis.


####Une explosion de Pérec


Ça monte en intensité, une explosion de Pérec à tous les carrefours de lectures, nombreux les carrefours, intersections, recoupements. Dans le sac, le livre de Maryline Heck, Ecriture et expérience de la vie ordinaire, une merveille, sent le café moulu et le miso. J’ai mis les légumes dans un autre sac d’où émane une odeur de poireau, comme j’ai demandé à la marchande de me le couper en deux avec le céleri branche. Quand j’ai demandé à la dame de la boutique de miso si le blanc est sucré, elle a paru interloquée. Je lui ai précisé ma question en lui demandant s’il y a adjonction de sucre, à quoi elle m’a répondu “absolument pas”. Je ne lui ai pas dit que le miso blanc standard au supermarché est lacéré de sucre, au minimum, quand ce n’est pas de MSG, dès fois que cela n’aurait pas suffisamment de goût. Elle me recommande de l’utiliser en adjonction d’une cuillère à café dans le misoshiru standard des familles, que cela a un effet modérateur du goût de l’autre miso central. Vous cherchez sur Google Maps 味噌屋, et vous comprenez combien c’est devenu rare.


####Dram Coff


Ça donne quoi Pérec à Dream Coffee? Il suffit de lui retirer les e pour confirmer que c’est un drame, un Dram Coff. On, je, voudrait des pleureuses, des lamentations, un corps étendu sur la table commune où ne restent que trois pôts de fleurs, et où cette extraordinaire cafetière orientale a disparu depuis plusieurs jours, j’imagine préemptée par un avide collectionneur. Mais de la possession, on s’en fout. Le patron est en mode galurin et guilleret. Je n’ai pas fait médecine mais patient, et je pense que vu la complexion de son visage, il a des problèmes reinaux. Le staff lui est éternellement cryptique et inarticulé, quand malgré l’habitude, voyant le petit pannonceau suspendu toujours fidèle au poste énonçant Straight Coffee, je demande bredouillant la bouche pleine de points d’interrogation si par hasard il y aurait du … non, non me coupe-t-on la chique qu’il n’y a que du blend, mais sans jamais dire qu’il n’y en a PLUS. 


En n’a plus est une sorte de tabou. Ce qui n’empêche pas un jeune couple de touristes occidentaux de demander au comptoir des boissons, elle avec frénésie prenant photo du menu affiché sur le mur où la plupart de l’offre est désormais cachée par des bouts de papiers sommaires blancs.


En a PLUs, de toasts.

En a pluS, de pâtisseries industrielles


Ensuite, je saurai entendant la demande d’une cliènte seule que


eN a PlUs, de thé


La raison de l’escamotage - disparition - des e comme de la moitié des éléments du menu n’est évoquée nulle part.


Nulle part, ça sonne comme


Faire-part.


Et même de cela, en a pas.


Samedi 9 est la der des ders, hypothèse 1

Le 15 est la der des ders, hypothèse 2


Dans le rayon désinformation c’est très fort. Dram Coff ferme, et l’impression est - fausse impression -


QuE

Tout le monde s’en fout


Ni Dram, ni Dream


Demain vendredi pluie ou neige, samedi radieux. Y en a qui feront la queue pour un verre d’eau.


C’est pas un Dram.