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Articles

Affichage des articles du septembre, 2023

Transition

Au sortir de la station Madeleine nuit noire. Le bâtiment de l’église sombre indistinct tranche avec la perspective des boutiques illuminées. La première réaction flash est de se remémorer Yurakucho, mais c’est une erreur d’appréciation. C’est de Marunouchi, de la totalement artificielle rue Marunouchi Naka-Dori dont il s’agit, à condition bien sûr de porter le regard uniquement au niveau des rues et oublier les perspectives des immeubles qui offrent dans une capitale européenne la patine vraie de l’âge, ce qu’aucun développeur ne peut et n’a d’intérêt à simuler, sinon qu’en mode cheap prétentieux, comme sur la Marunouchi Naka-Dori qui jamais ne connaîtra la patine. Gens bien habillés, ce qui tranche totalement avec le paysage vestimentaire global ambiant, staff de boutiques de luxe, dans une desquelles en transparence a lieu un événement qui suinte sur la rue. Tout est poussiéreux sablonneux et porte atteinte aux bronches à Paris. Comme on arrive trop tôt, je me pose sur un banc dans

Devenir étranger (extraits)

Les photos d’illustration ont disparu. Sous le viaduc à Koenji, temporairement bien dégagé derrière les oreilles.  ####Assistant Bientôt est apparue une nouveauté dans le paysage humain urbain. Alors que l’écran du mobile accaparait le regard sans pour autant se traduire sur le visage atone des usagers par la moindre expression d’un ressenti, on voit maintenant dans le métro comme dans les cafés des visages brièvement souriants, on entend parfois de petits gloussements retenus à peine. Chacun a enfin trouvé avec son assistant IA un ami idéal, avec qui échanger et être flatté, consolé. Dans l’espace public, à Londres comme à Tokyo, personne n’utilise l’input vocal alors que sous certaines latitudes, parler à son écran et lui rire au nez ou le tancer est devenu un spectacle banal. Pour les silencieux, l’interprétation automatique des expressions du visage se développe au point que le système engage un dialogue sur la base de l’analyse des traits, un dialogue soucieux  et empathique : tu

La chambre du Carmel

La chambre du Carmel est réminiscente d’une chambre privée d’hôpital austère. Pour viser la simplicité, on peut au choix se faire hospitaliser ou entrer dans les ordres le temps de deux nuits. Dans les deux cas, on doit laisser le superflu ailleurs pour de pures raisons logistiques qui obligent à l’abstinence. Je lis justement dans le prologue du livre de Razmig Keucheyan Les besoins artificiels quelques lignes passionnantes - on se calme avec ce vocabulaire là merci - sur le droit à l’obscurité. Singapour est la ville la plus illuminée en permanence au monde. La population ne connaît pas la nuit noire et partant, ne sait rien des étoiles et de la voie lactée. Ici, le large couloir où s’égrainent les chambres des nonnes n’est pas éclairé, tout comme nombre de locaux au rez-de-chaussée, tant et si bien que la pénombre est la norme, et une des expériences de séjour les plus intéressante. Elle met à mal le pas qui craint de manquer une marche. Elle implique l’usage de la lampe de poche e

Murailles de mots

Le voiturier sur l’avenue Jean Jaurès, polo jeans et sneakers noirs sur semelles blanches se fourre un doigt dans le nez.  Le menu petite faim propose un steak de 200 grammes. La boutique de téléphonie avec cabines est des plus louches.  Il y a un malaise palpable quand j’y entre pour demander un adapteur USB-C USB.  Ne plus être de cette ville est ne plus savoir lire le louche. Les discours sur la ville ne permettent pas de faire évoluer une vision à distance.  Le paysage le long du tramway est atroce.  Des clés devraient permettrent de le lire pourtant autrement.  Elles ne sont pas dans les ouvrages.  Eriger des murailles de mots pour décrire les murailles qui se succèdent.  La signature auditive des avenues est la grande absente des évocation écrites.  Toute une rééducation à la ville, à imaginer, s’impose.   Dans quelle mesure les applis modifient-elles les grilles de lecture de la ville non-vécue in situ sinon qu’à l’occasion d’un bref séjour? Ou ne serait-ce pas tout simplement

Ville jouxtant périphérie

Une soudaine nouvelle bifurcation du zig zag pour délester le blocage et je me retrouve dans une foule de vols en provenance d’Afrique. Les vêtements sont superbes d’élégances, les coiffures sont époustouflantes. Les femmes sont parfumées peaufinées. Elles sentent bons. Je pue. Guérites contrôles passeports vous n’avez pas les mêmes lunettes que sur la photo mais ça ira merci.  Mais que font-ils sur l’avenue de l’Opéra? Ces couples en bermudas teeshirts voutés peaux plissées âgées dénués du moindre bagage épuisés marchant sans fin parce que marche ou crève sinon le voyage c’est pas gagné. C’est aussi défilé de décolletés manipulations répétées de seins et hulks sur e-scooters qui passent magistraux fiers comme dans du beurre bio ils ont tétons sur pectoraux pignon sur rût qui pointent à travers l’étoffe fine. Vous pouvez me payer?parce que je vais finir mon service une heure après il est toujours présent. Louboutin voit rouge il a tous les immeubles comme Anièce B, l’anesse-B ta nièce

Sauna sous le toit

Au départ, la dame au comptoir ne m’adresse pas la parole comme je prends son quasi-monologue en cours, mais dans l’habitacle à trois au comptoir, il est impossible de ne pas suivre son discours. Elle parle de sa satisfaction d’avoir ce café à proximité de chez elle, pour la conversation , la convivialité , comme on devrait cesser de dire. La conversation est le terme suffisant. Elle bifurque sur son enfance à Gunma, sur le nom d’une agglomération que je ne retiens pas, qui est célèbre pour ses pics de chaleur. Ce n’est pas de Maébashi dont il s’agit. Elle cite des nom de lieux. Kiryu, qui sonne agréablement, que je répète mentalement. Elle parle de la culture des vers à soie, qui était la grande activité semi-industrielle, foultitudes de petits ateliers familiaux je suppose. C’est là que j’interviens pour qu’elle m’en dise plus.  Les femmes comme les hommes étaient habillés en kimono, même les femmes du commun. Elle n’explique pas comment elle a atterri - mariage? - jusqu’à Minami-Sen

Tôt

Réveil involontaire à 4h30.  Encore 2h30 avant que Matsumura ouvre.  Temporiser pour y arriver plutôt vers 8h. A gauche en entrant, dans l’espace café, le fils de la patronne, le gamin de 8 ans, est affalé sur deux chaises.  Il dort en tenue d’écolier.  Un pack de jus avec paille est posé à son côté. Quelques minutes plus tard, il colle des étiquettes sur des pains emballés tout juste sortis de l’atelier en retrait. Quelques minutes plus tard encore, sac à dos sur le dos, il part seul à l’école.  Culottes courtes en tissus façon tergal avec plis à l’ancienne.  Chemisette blanche.  Tenue d’été. Bruit de ferry.  La clim ancienne monopolise l’espace sonore.  Ne manque que le roulis. Au moins trois quarts d’heure pour que l’effet de la caféine se fasse sentir. Hésitation sur la suite, ce qui permet de tourner et virer dans les ruelles adjacentes de Ningyocho. Un peu grogui, inconscient encore de comment le climat exacerbé taxe le corps. La moiteur n’arrange rien. En bordure d’Améyoko encor

A Nérima-nord

  Mais d’abord sortie ouest flanc sud. Couloir intérieur qui donne sur la ruelle en contre bas. A gauche. Passer la boulangerie café Denmark Bakery qui n’a de danoise que le nom. Elle offre une ample salle à l’étage, rare dans le quartier. Traverser au carrefour puis à gauche le long de la 439 qui courre parallèle au train surrélevé.  Produits secs Komatsuya. Ma destination première. Un hangard tapissé de bois. J’en pince pour les intérieurs commerciaux en bois, les drogueries, les kanamonoya, certains rares garages réparateurs d’autos, tous plaqués en bois. Dans le cas des produits secs, ça tient sous le sens : ça absorbe l’humidité.   Etrange accueil. D’un oeil, je constate que la vaste devanture de caisses accolées est presque vide de produits. De l’autre, je vois au fond à droite le patron, son fils, la troisième génération, enfin, je n’en sais rien. Il me fait un signe de sémaphore bras croisés ostentatoires comme si un parking était plein. Owari. Owari quoi? Peut pas parler qu’en