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Articles

Affichage des articles du juin, 2023

Ecritures allochtones : l’aride Japon? (décembre 2022)

En août 2006, Richard Lloyd Parry, journaliste et écrivain britanique au Japon, publie dans le London Review of Books une recension des Japan Journals: 1947-2004 de Donald Richie. Le propos est moins intéressé par ces journaux eux-mêmes que par les circonstances de Richie à Tokyo, et plus précisemment par l’argument que Tokyo, et le Japon ne sont pas des terreaux d’écriture pour quiconque d’écrivain ou avec une telle velleité s’aventurerait à y venir s’y poser. Foreign writers have been visiting Tokyo since the 1860s, but for such a vast, thrilling and important city it has proved barren as a place of literary exile. Among those who made Japan their home, as well as their subject, there are to be found only minor talents, chief among them the Greek-Irish writer Lafcadio Hearn, whose retellings of native ghost stories have made him more famous in Japanese translation than in English. The most interesting writing has been in sketches by those who have passed by and peered in without eve

Cette passion si française pour le Japon

“si nous voulons transformer notre rapport au  monde, cela ne se fera pas sans effort dans la langue, pour  la déplacer.”  
 J’emprunte à la lumineuse Sandra Lucbert des termes et diagnostiques langagiers percutants sur l’acte de rendre lucide, donc lisible, l’état du monde, à commencer par le sous-titre au dessus.  Il s’agit de passer ici brièvement à la moulinette cette expression concaténation automatique, la-dite PassionSiFrançaisePourLeJapon. Concaténation parce que agencée en un bloc monolithique qui s’impose, qui impose, qui ne se discute pas sinon qu’en mode enjoué sidéré pâmoison. Ce bloc-sens, comme tout bloc-sens est . Il ne s’agit pas pour autant de dédier beaucoup d’énergie à cet effort, de faire de l’objet passé à la moulinette une bête noire. Il s’agit justement de passer par-dessus, ne pas trop s’y attarder, comme le vrai sujet de mes écrits récents est le déplacement du rapport à la ville, Tokyo.  Concaténée ou pas, cette expression n’est visiblement pas fausse. En la

Rendez-vous manqué à Saemonbashi

La mousson, son début. Sortir en queue. C’est ultrabéton. Sur la devanture en hauteur du restaurant presque en face figure l’énorme postérieur d’un boeuf, avec la queue et les muscles saillants. Contrairement aux crabes à pinces motorisées, aucune machinerie ne rend cette queue mobile et fouettante de mouches invisibles.  Au carrefour, traverser et tourner à gauche en direction du pont Saemonbashi. Ne pas le traverser celui-ci, mais longer cette large rue à droite qui suit la rivière canal. Qu’elle est large! Remarquable! Que signifie donc historiquement cette largeur hors norme? Comment se fait-il qu’elle n’offre pas de trottoirs? Que s’y trouvait-il autrefois? Chemin de hallage, entrepôts, hangards, zones de stockage, noeud logistique. L’établissement est immédiatement visible. Il y a l’avant et l’après. Seuls les imbéciles parlent du _retour à la normal_. Il n’y a pas de _retour_ mais une cavalcade vers le mur de l’énormité de toujours plus de normalité. On n’a jamais vu autant d’av

Berlin-Tokyo

Munificence du square Minami-Ikébukuro ####Nullostalgie.  Après [Berlin Calling] de Paul Hockenos, [Coming to Berlin] de Paul Hanford, c’est maintenant le [Burning the Haus] de Tim Mohr. Ces lectures offrent exactement ce que je cherche : d’autres angles sur les villes grises, à commencer par Berlin, et un discours contemporain sur la ville vécue aux marges. L’aspect punk techno constitue une porte d’entrée vers d’autres vues de la ville, même quand hors de mes centres d’intérêt. Le punk expose le béton, le cradingue, les squats, l’usine abandonnée transfigurée, tout dans la grisaille qui se voit rehaussée par “la rage de vivre” autrement. 
 `Pas une usine mais dans la famille brutaliste m’est revenu l’énorme surface et bâtiment de la centrale de bus à Myogadani qui a disparu depuis une paye.`
 Une autre vue, c’est par exemple ceci, cette phrase somme toute banale issue de Coming to Berlin : `East of Ostkreuz in a taxi, along Hauptstraße, the dawning sun rising over buildings as they a

Déjeuner tôt le matin

Vaguement éveillé à 5h36, debout à 5h48. Souvenir à 6h11 que Matsumura ouvre à 7h, et que contrairement à ma recommandation de vivre Tokyo tôt le matin, comme dans Paris s’éveil, je n’y suis jamais allé à l’ouverture. Départ vers 6h26. Rues clairsemées tout comme dans le métro. Trajet plus rapide qu’envisagé. Il est 6h49 quand je débouche sur la rue. Par acquis de conscience, je passe devant Matsumura. Ça s’affaire à l’intérieur comme les rideaux vénitiens pas frais et un espèce de drap au niveau de l’entrée cachent mal ce qui se trame dedans. Petit tour des ruelles en attendant où là je ne croise au mieux que trois personnes. Rebroussement de chemin. Deux hommes font la queue, mais seront entrés dans la boutique après avoir plié leur parapluie alors que je ne suis plus qu’à 20 mètres. Vraiment humide mais pas encore chaud. La saison des pluies s’annoncent ainsi. Matsumura le matin à l’ouverture. Il fallait y penser mais les présentoirs sont encore peu fournis. Ceci permet justement de