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Affichage des articles du 2023

Modes d’appropriation de Tokyo

Décidément, cette fiction sur Swingle revient sur le carreau en mode non-fictionnel et imprévu. J’avais tantôt osé envoyer une missive à un comité d’étude du Hassaku sur son île natale Innoshima, d’où l’on m’avait signifié sèchement avant le covid que je n’étais pas bienvenu, missive signalant mon doute sur cette photo de groupe montrant un grand dadais blanc, caucasien donc, comme étant Swingle lui-même en visite sur les lieux dans les années 15 et quelques. J’arguais qu’il ne ressemblait pas du tout à Swingle qui était au contraire et certainement l’auteur de la photo, et donc invisible sur le cliché. Je le mentionnai dans un courrier spontané. Cela créa une commotion. On me fit miroiter une demande de conférence, mais sur quoi donc, n’ayant aucune qualité? Dans le mail reçu à cet effet, on m’écrit que quelqu’un qui a des connaissances, 知識人, assure que Swingle serait bien venu au Japon en 1900, et donc que sa visite en 1915 serait la seconde, et qu’une visite en 1910 releverait vraim

Ce que seraient les conditions d’écritures à Tokyo

La photo dit en quelque sorte : c’est maintenant ou jamais. C’est confus comme de bien entendu mais tout a débuté par cette bribe de phrase dans La littérature embarquée de Justine Huppe, en page 105 dans le si bien nommé chapitre Le raffinement de la brute. Ce moignon est ceci, qui manque certes de contexte, mais laissez-vous porter :  “A première vue, ces dynamiques atteignent donc directement nos puissances de luttes mais aussi nos capacité de figuration.” Il faut lutter contre le vague pour saisir ce que seraient les conditions d’écritures à Tokyo, lutte dont l’absence entretient le flou qui empêche mais si peu somme toute d’entrevoir des figurations de narrations possibles; lutte dont le synonyme serait lucidité, donc lutter contre les brumes. Quelque chose en parallèle est venu percer l’abcès qui une fois la première douleur passée expose un paysage de possibles autres. J’y viens de ce pas. Récemment, pour contrer la dépendance oxycontinique aux fils d’informations tendu(es) qui

Le quotidien 1

B nous a fait parvenir une cargaison de ces mochi de riz complet, comme si à peine battu, qui offrent une texture peu élastique et surtout ne stresse pas l’idée de déglutir. Il faut 10 minutes pour faire un plat principal de mochis revenus à la poêle, avec de l’huile d’olive, un ponzu express avec l’acide du moment - une grenade qui allie le sucré du mirin et l’acide d’un agrume et permet de faire d’une pierre deux coups - et en parallèle un daikon, de préférence un karamidaikon pas nécessairement fort au goût mais peu riche en eau et donc qui ne suinte presque pas - inutile d’essorer - qui une fois râpé constitue une salade rafraîchissante à lui seul.  La râpe en bois récente qui est probablement d’un modèle ancien pas ergonomique et qui entre dans cette tendance strictement urbaine de nostalgie écologique consumériste s’affabulant sur des objets en bois - beaucoup d’efforts musculaires requis - produit un râpé brisé qui permet de manger beaucoup de ce légume sans que la bouche se las

Familiarité

En arrivant à la boutique de saké, je vois le local mouchoir de poche attenant, lumières éteintes et remplis d’un fatras de cartons et caisses de liquides. Comme la mission consiste à choisir une bouteille de Noël, je signale à S. que goûter dans ce bordel ne me dérange en rien. Le lieu fétichisé avant et pendant le covid sur la base de l’expérience d’une fréquentation avide, et donc avant la transformation en micro Apple Store qui suivit de peu la fin apparente du virus et cette course en surplace essentiellement, signature classique du mouvement dans l’espace de bureau japonais tant de fois observé et consistant à exposer aux collègues l’énergie et la probité dépensées à cet instant même dans un théâtre de l’inutile, mouvement théâtral donc qui se traduisit par une reprise en main du présent signifiant l’effacement total et sans consultation aucune des habitués du passé ribosome dans le présent routinier agréable et réparateur d’un lieu apprécié par ceux-ci parce que justement immuab

En ruralité

L’homme du chai de saké enclenche le monologue en zappant les courtoisies d’usage. La visite d’un groupe d’étrangers déshumanise les deux bords. Au-delà de trois visiteurs, il n’y a plus d’introduction de soi en tant que porteur d’un nom de famille, d’un prénom et d’une identité sociale succincte mais singulière par définition. Pour interpréter l’intro de manière à produire une narration qui tient la route, le début d’une histoire, il faut vite des réponses à qui quoi quand où depuis quand. Pourquoi viendra plus tard. Presque systématiquement il faut aller à la pêche aux éléments absents pour faire sens. Mais lui a franchi un pas de plus. Il zappe tout. Il évoque d’abord avec moi seul comme témoin la situation menaçante de la production de saké. Son monologue semble tourner en une boucle dont le mouvement circulaire a débuté avant même notre arrivée sur les lieux. Le réchauffement qui s’est accumulé au cours des années précédentes a maintenant un impact sensible et déstabilisant. Il me

Marcher vite à Kyoto

Portes closes au Café Indépendants, ce qui n’est pas totalement un mal, bien compensé par le Tully’s de Sanjo en face. Lieu studieux rempli d’étudiants. Ensuite, c’est le choc, le malaise, la redécouverte de la galerie marchande Teramachi Kyogoku en mode post-covid. La signature japonaise s’y est considérablement édulcorée. Jeans, sucre et bêtisiers.  Aussi, opticiens et chaînes nationales. Koenji à Tokyo dépasse maintenant Teramachi Kyogoku au rayon charme. Même Tonkatsu Buta Gorilla a basculé dans la viande reconstitué pour les touristes majoritaires. Seule méthode pour compenser : marcher vite, adopter un rythme de croisière autre que le tout venant touristique, prétendre être kyotoïte affairé, et s’échapper au sud.  Dans les jours qui suivent, c’est quantité d’aller-retours pressés de Kiyamachi-dori presque au niveau de Len jusqu’au pont de Shijo puis à l’est jusqu’aux abords de Gion. Enoncer les noms des lieux, et marcher vite, pour se refamiliariser avec le territoire en jouant l

Description minutieuse de la réalité

La préfecture de Fukushima prend en charge (rembourse) jusqu’à 1,53 million de yens de bourse universitaire pour des candidats qui s’engagent à travailler au moins cinq ans dans un secteur industriel désigné, et à s’installer dans le département. On trouve tout un tas de posters atterrants dans le métro de Tokyo.  ####Agrumes design Au point d’osmose de la production agricole et du milieu urbain spectaculaire, on trouve le design, de la boîte, au Hikarié de Shibuya, haut lieu du spectaculaire vide. Au supermarché du coin, alors que le pic de distribution des mandarines satsuma bat son plein, les boîtes compactes d’environ 3 kilos de fruits sont devenues la norme, donc bien plus réduite qu’au temps de good old Showa. K m’en a envoyé tantôt directement du verger. Une partie dans le frigo mais le reste dans la boîte en carton va rapidement flancher - moisir - même s’il est possible de ruser un peu avec des feuilles de papier journal en intercalaire. Et puis en ville, on n’a pas de “remise

Dormir pas loin

  Somme toute, cette idée de passer une nuit dans un hôtel proche dont la disparition est annoncée s’est traduite par une étrange expérience. D’abord un gros coup de cafard, du au lieu, au savoir de la disparition annoncée, au suranné, aux tapis rouges en étage comme dans une cinémathèque qui perdure dans son vieux jus, à d’autres soucis indépendant de l’expérience aussi, à la chambre de conception japonaise sauf les meubles, mais pas les fauteuils en rotin et coussins le tout trop bas de centre de gravité qui fait souffrir au niveau des cols de fémur et du bas du dos, le sol à niveaux pluriels qui exigent de faire très attention, en permanence, à où les pieds se posent machinalement, niveaux pluriels qui rendent la circulation machinale qui est gage de confort impossible parce que risquée. Se déplacer dans cet espace de huit tatamis, à peu près, est source de tension qui finit par épuiser. Retirer ses chaussures avant que de monter sur les tatamis, veiller à ne pas trébucher en entran

Hedge géographique : stratégie de couverture en mode mobilité

####Changer de quartier : éclipses et disparitions ####Plus récent Photo : le Hilltop Hotel à Ochanomizu va fermer, pour démolition sans doute.  ####Addendum en entête Il existe toute une littérature de recherche autour de l’attachement aux lieux. Les lieux d’attachement ne sont pas des destinations banales, pas seulement des destinations. Elles participent à quelque chose qui est de l’ordre de la connivence, et de l’intentionalité, celle de chercher à déveloper un attachement. Celui-ci ne vient pas seul, non sollicité. Il ne tombe pas des nues tout près à l’emploi, avec les cordes. L’attachement étant une construction, il peut partir sur une base négative, un à-priori, une première expérience pas baignée dans la plénitude. Cela peut mal démarrer. C’est souhaitable d’ailleurs, plutôt que le scénario de l’envoûtement instantané, le crush.  ####Texte d’origine Matinée de travail dans une cafétaria à Futako Tamagawa. Pour évacuer le malaise invariable à visiter ce quartier, rien ne vaut

C’est marrant, ça m’arrive jamais

  Suspendu à l’usage des applis, le quotidien se plie, et se plisse aussi, arcquebouté aux process. tu vois? tu fais comme ça ... succession d’énoncés de lignes, de lignes de code tu appuies là tu cliques là Plis défroissés démultipliés qui étalés exposent l’ensemble de la feuille de route Vous avez complété la procédure en ligne Vous pouvez maintenant faire la queue au guichet 2 sans faire la queue au guichet 1. Scanner le code barre Excusez-nous mais nous ne reconnaissons pas ce code barre Nous allons vous mettre en contact avec un agent (Le gredin à l’écoute de ce message raccroche précipitamment ) C’est marrant, ça m’arrive jamais Sur le process qui cloche, qui (dé)génère un message d’erreur. PIN faux PAN! Pin masculin Féminin PINE Comme eh! pine! PROT O COL E Veuillez réitérer votre requête ultérieurement. Veuillez signifier l’objet de votre requête. CET OBJET N’EST PAS UNE REQUÊTE  Nous sommes désolés mais nous n’entendons pas votre silence. Veuillez raccrocher. C’est un ordre. N

L’élusif du loup

  La guerre n’apparaît jamais dans les conversations. Quels que soit les conflits. Comme le passé qui n’apparaît guère. K se souvient avoir travaillé deux mois à l’hôtel Mampei à Karuizawa. C’était l’été, boulot d’étudiant, années 70. Les clients de la chambre 5 ont appelé la réception pour commander un bento. C’est K qui a été chargé de l’apporter. Petits coups à la porte, qui s’ouvre. John Lennon en bermuda prend le bento et signe le récépissé. Fin de la narration. K m’a gentiment proposé de venir manger au comptoir une prochaine fois que je passerai prendre un quelque chose à la boulangerie Poéshi. La table devant la boutique installée dans le couloir de l’immeuble est en plein courants d’air qui se rafraîchit enfin. N’ayant pas le livre sous la main au moment de ces lignes, je ne peux que citer de mémoire encore vive au risque de détournement de sens, mais à la fin de l’Eloge de l’émeute de Jacques Deschamps, l’auteur enjoint le lecteur à être élusif, dans l’espace, et à même d’êtr

Informer son moi antérieur

.  T veut informer son moi antérieur, bien plus jeune, que les choses se déroulent somme toute (bien) mieux qu’envisagées dans les affres de l’adolescence. Je soutiens le projet, un essai, un scénario de BD ou de film d’animation, une lettre dans une bouteille à la mer, à la mère aussi. G marche tenant par la main de part et d’autres ses deux filles qui ont l’âge de marcher seules. Il y a quelque chose de poignant dans cette démarche. H me dit avoir aimé Milan, une fois évacué le cirque du Duomo. J’ai oublié de lui demander s’il est allé s’asseoir dans le jardin Brera. Kochi fait monter la mayonnaise autour de la (re)découverte d’un botaniste natif du coin, Toshichika Tamura (1856-1934). Le professeur N a décliné ma proposition d’aller ensemble au colloque l’an prochain. Il n’est pas question d’y aller seul et de subir encore le déprimant ostracisme affable au mieux de province que seules les visites en vergers sont capables de dissoudre. Cherche un accompagnant.  Pour préparer la sess

L’usage logistique du monde

####Ginza 8 Le toujours plus jeune coiffeur m’avait annoncé discrètement, juste avant ou après la finale du sèche-cheveux, comme un secret à ne pas ébruiter, qu’il allait quitter le salon-ci pour travailler dans un relativement nouvel établissement. Toujours à voix basse, j’avais posé des questions de comploteur, sur le tarif à escompter d’abord, d’autant plus qu’il m’avait dit sans élaborer qu’il s’agissait d’un salon constitué de quatre sièges séparés et privés, un coiffeur en alcôves. De l’extérieur, ce salon de coiffure ressemble à un restaurant japonais, tempura ou sushi, bâti la veille en trois semaines. Même l’enseigne de coiffeur tricolore à rotor - signature visuelle de la coiffure offrant aussi la coupe de base au tarif agrée mais pas du tout bradé - adopte des tons pastels sans tomber dans l’anémie étiolement en manque de fer et de conversations à la MUJI.  Il m’accueille sur le perron, il est vêtu d’une veste style samué (si, si, le correcteur d’orthographe va devoir ingére

Notes architecturales en chemin à Tokyo

 Un architecte serait bien aimable de m’expliquer ce qu’ont ces immeubles en commun dans leurs lignes et associations de coloris, de matériaux de surface et leurs textures visuelles conséquentes et singulières qui en font des exemples de bâti satisfaisant et respectable vis à vis du passant observateur à la recherche perpétuelle de beauté urbaine. Ningyocho sur la grand rue. Ningyocho, ruelle. Tokyo ouest : fabrique de saké Fussa Ginza 8-chome Ginza 8 chome

Le réparateur du broyeur de l’évier

Il a 81 ans et en fait 65. Pas une ride. Juste un peu vouté. Il porte cette fois-ci avec un confrère des sacs de matériel qui dépassent certainement les 20 kg chaque. Comme toujours dans cette saynète plaisante, il s’agit de jouer la répartie - s’étonner, le congratuler sur sa santé, sa jeunesse, suggérer à mi-mots une petite pointe de jalousie en comparaison avec son soi physique. Il annonce sourire en coin son âge sans être questionné sur le sujet, qu’il répond présent 24h sur 24 en cas de panne - même le 1er janvier? même le 1er janvier, mais je ne me déplace pas. Il a le monopole du matériel et des pièces de rechange, y compris le bouchon filtrant dont on ne trouve effectivement aucun modèle approchant nulle part. Il fait une fleur et ne le facture pas. La réparation n’a pas durée dix minutes qui coûte très cher mais cela se comprend. La courtoisie est commerçante. ####Aojiru et yokan Au parc proche de la mairie de l’arrondissement d’Arakawa - celui le moins touristique de Tokyo di