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Articles

Affichage des articles du juillet, 2023

Le bowling de Sun Square à Oji

J’ai ajouté en urgence absolue le bowling du bâtiment Sun Square à Oji dans la liste des lieux où écrire à Tokyo. C’est plus un lieu d’observation que d’écriture. C’est un lieu remarquable. On n’imagine pas de l’extérieur comment un bowling figure derrière ces murs au troisième étage un oasis d’air conditionné glacial, un village déconnecté du dehors, avec une joie sensible des joueurs qui s’adonnent à une pratique pas vraiment ancrée dans la contemporanéité du record, de l’endurance, de la recherche de la douleur ou de l’épuisement. Le geste de lancé de la balle, ou dit-on boule? - est de l’ordre du mouvement sur terrain de tennis d’il y a un siècle. Il est dénué de nervosité. Il est fait dans le meilleur des cas d’élégance qui évoque une salle de danse sociale. Seul le fracas d’une boule bien lancée qui culbute les quilles avec perfection est source de surprise, surtout quand on ne perçoit pas de quelle ligne ce fracas émane. L’immeuble est remarquable donc, celui du fond. Les nombre

Faire corps avec la ville

 `I could go to Java, on my own, for a coffee or something to eat on weekends or after work and **feel like I was part of city life.** It was so comfortable and welcoming.` Maison anonyme. Déferlante de vert.  ####Hyperprésence Cette phrase, je l’ai extraite d’un des quelques 350 commentaires d’un article paru le 21 juillet dans les pages gastronomie du The Guardian, intitulé ‘_It’s not just the food we missed’: three writers remember beloved restaurants that closed down_. Il y est question de la disparition de lieux de restauration et de socialisation en ville, de ce qu’est l’attachement à ce type de lieux. Dans leurs rôles d’écrivains, les trois auteurs font preuve de beaucoup trop de verbiage pour dire à peu près la même chose, alors que la plupart des commentateurs sont beaucoup moins prolixes en nombre de mots, mais bien plus émotifs en mode élégiaque. Et aussi bien plus à même de dire en peu de termes combien y être là où le lieu n’est plus était chargé du sentiment d’hyperprése

Sortir pour un stylo

Personne sans doute n’évoque aussi justement que Virginia Woolf en 1930 ce qu’est sortir en ville avec une soudaine obsession joyeuse clairement énoncée comme un prétexte pour écarter la lassitude. _No one perhaps has ever felt passionately towards a lead pencil. But there are circumstances in which it can become supremely desirable to possess one; moments when we are set upon having an object, an excuse for walking half across London between tea and dinner. _ Cette entrée en matière vibre de la décision soudaine d’une envie tout à l’heure encore retenue par l’ancre de la procrastination qui soudain se libère de sa chaîne. _As the foxhunter hunts in order to preserve the breed of foxes, and the golfer plays in order that open spaces may be preserved from the builders, so when the desire comes upon us to go street rambling the pencil does for a pretext, and getting up we say: "Really I must buy a pencil," as if under cover of this excuse we could indulge safely in the greates

Taxonomie idéalisée de la rue marchande japonaise

Article de literie, jouets, miso parmi les boutiques spécialisées devenues rarissimes. Une rue commerçante, en particulier les versions couvertes, doivent être évaluées à l’aune de cette longue sélection. Au dernier moment passant en tram devant un réparateur de vélo, je me suis osuvenu que j’avais oublié de l’inscrire dans la liste. Il doit certainement manquer encore quelque chose. J’exclus les chaînes et vendeurs de téléphonie mobile. 

Tokyo compact, une prescription - extrait - juillet 2022


Une dose de Nishi-Ikébukuro Un shoot de Higashi-Shinjuku Deux cuillerées de Shin-Okubo. Répéter si nécessaire. Une lampée de Koenji le matin. Une autre au coucher. Trois gouttes de sirop d'Oji. Trois grains d’Améyoko. Un sniff de Golden Gaï avant l’ouverture des tavernes. Une once de Kappabashi. Cinq cuillères à soupe de Takadanobaba. Une ampoule d’Asakusa. Une injection de Shintomicho. Un bol de Minowabashi. Deux lignes du tram Arakawa en poudre. Un cachet de Machiya. Un cataplasme d’Ueno. Deux hanaps de Kappabashi. Un joint de Kuramaé. Un soupçon de Mukojima. Une once de Sékiguchi-Mejirodai. Une portion de Waseda. Une giclée du campus de Todai. Deux traits de la rivière Kanda. Trois brins d’Ikédayama. Un mercredi à Ningyocho. Un gobelet de Shimbashi. Deux tranches fines du quai entre Asakusabashi et Asakusa. Trois tranches épaisses de Nérima-Shakujii. Une amphore d’Akabané. Une fumigation de Kitasenju. Un coup de Kaméari derrière le col. Une cuillère à pot en cachette de Tatéis

L’art de la fuite

Un guide pour s’exfiltrer.

A l’EHPAD

Dans le train. J’espere qu’ils les amènent à la piscine les mômes et pas à crapahuter comme des perdus. Il n’est pas nécessaire d’aller à l’Acropole pour tomber dans les pommes sèches de l’insolation. Ils elles ont moins de 10 ans, rose pour les fillettes, bleu pour les garçonnets. Les accompagnateurs et accompagnatrices ne portent pas de chapeaux.Courage. Arrivée à l’EHPAD sur la colline. Chaleur massue qui sera pire au retour. On a débarqué un peu tôt. Peu de voitures dans le parking. Avant même de pénétrer dans le bâtiment, on m’indique cet indice vraiment peu remarquable, une petite lanterne de papier blanc sans aucune inscription suspendue au-dessus du porche de côté, qui signifie qu’un résident est devenu une divinité. Ce n’est pas une visitation façon l’ange Gabriel, mais bien le passage de vie à trépas qui fait d’un humain un esprit. Ceci est d’une grande solitude si les esprits ne viennent pas à votre rencontre. `Le Monde a donc un chroniqueur blanc moine boudhiste au Japon qu

En ordre de bataille

- Au Kudankaikan, nouvelle version. - La vue n’est pas belle. Juste très impressionnante. - Il y a du sordide dans les lotus, tout comme à Ueno. - Mais ici un quelque chose de guerrier, comme si en ordre de bataille. - Comme si l’infanterie allait débouler des pentes.  - Un lieu bien trop intranquille pour y écrire. - Cette étendue d’eau qui cache son eau peut cacher bien d’autres choses. - Terrasse promenade longue et très artificielle qui devrait être intéressante en hiver. - La présence des employés de bureaux est le facteur qui gâche.  - Ils participent à leur insu à l’artificialité des lieux, de bureaux. - Comme les moquettes neutres. Comme les revêtements de sols des terminaux d’aéroport. - Le misoshiru du restaurant attenant façon cantine est sucré, étrangement. - Le hall au moment d’y entrer est ce qu’il y a de plus d’authentique. - Somptueux. Une beauté. Du même ordre que le Gakushi-Kaikan. - Avec marbres d’origine. - Mais une fois les escaliers gravis, on pénètre dans le rec

Si la présence (extrait)

La présence des touristes - uniformité des tenues, bermuda teeshirt, que l’on retrouve localement portés presque exclusivement par des étudiants asiatiques - est remarquable dans la ville (toutes les villes) de par l’uniformité du paraître. On sait que les modes de consommation de celles-ci tendent à se confondre entre les styles des visiteurs venus de loin et celles des locaux. Ce qu’il y a d’authentique qui échappe au visiteur - ou dont la valeur lui échappe quand bien même il y passerait - réside donc pour un temps seulement encore (?) dans les interstices, parmi les ignorés de ce que la ville offre de difficilement compréhensible, ou d’intimidant de prime abord. La vie quotidienne des autres à destination est ce qu’il y a de plus intimidant, et ce qui m’intéresse avant toute autre chose. ####Hulk Je les ai vus attablés au KFC de Koenji sous le viaduc des trains, trois hulks blancs, des corps de coach de salle de gym. A rebrousse chemin plus tard presque arrivé au niveau de la stati

Injure à Kabukicho

Les photos d’illustration ont disparu. La Tokyu Kabukicho Tower, vaporeuse crénelée en son sommet, est le paragon de la culture pop ultraconsumériste japonaise contemporaine, c’est à dire une injure et une déclaration de mort finale du Kabukicho de surface, et de sous-sol. Cette tour node dénuée de sexe explicite  - deux hôtels, pas de bordel - offre par exemple un food-court qui s’accapare l’expression yokocho. Lanternes et jeux de lumières survoltées-. Sans être le premier exemple de ce détournement, elle amalgame le game center à la Las Vegas mais sans les jeux d’argent explicites au duty free des aéroports et les complexes “culturels”  de type hypermarchés Aeon en provinces péri-urbaines - dans le cas présent, des salles de cinéma-spectacles de faible capacité d’accueil d’abord par manque de contenu prévisible vu le néant décervelé de la production de spectacles vivants locaux - il y aura du taiko exploité jusqu’à l’usure parce que ça déménage avec la bière et les graillons de pou

Où écrire à Tokyo

Si la question d’écrire à destination vous importe et la qualité des lieux appropriés vous inspire …  la suite ici .

Routines urbaines (bribes, premiers pas)

A Oji sur la colline, cette maison plaquemurée placardée a-squattable et heureusement toujours sur pieds me rappel le Cantal. Des vaches paissent derrière.  ####Routines urbaines Marquer une pause à l’un des deux comptoirs de boissons lactées sur les deux quais de la ligne JR Sobu à la station Akihabara constitue une routine d’ancrage. Un signifiant pour soi d’y être. Au même titre que prendre un espresso au kiosk AMT Coffee à la station Marylebone à Londres. Au même titre que prendre une liqueur de cerises avec ou sans noyaux à Ginjinha sur Largo Sao Domingos à Lisbonne. Les conditions minimales sont donc : - Un lieu de consommation rapide - Ouvert sur la rue - Et donc un promontoire d’observation sans ostentation Qu’est-ce alors qu’une routine urbaine qui n’est pas de l’ordre de la consommation? Un passage, un choix préférentiel de parcours, une sélection du bon trottoir qui n’est pas nécessairement liée aux conditions climatiques du moment. Cela se passe dans le mouvement. C’est de

La ville décontinuée (extrait)

####Gueule de quartier A Koenji, cette cavité buccale sous palais du viaduc des trains offre une perspective temporaire parodontique urbaine rare. Un MacDo et affiliés ont disparu qui seront remplacés par un MacDo et affiliés. En attendant et si le temps était offert, on pourrait s’y voir développer en quelques semaines un terrain vague verdoyant. ####Rares sont les quartiers … … qui s’articulent même à distance par un sentier d’approche cohérent, et vivant. De Shibuya à Jingumaé fait figure à mon sens de rare exception. Dans trop de cas, la déperdition de la densité d’un quartier phare est assez brusque et l’on tombe alors dans une zone glâbre et grise, sans texture pour quiconque marche, sur les avenues dominées par les voitures. Infamie de la transition pédestre Omotesando-Akasaka. La longue avenue Yasukuni a de ces portions atroces d’envies de fuir. Seule la brève exception au niveau de Jimbocho la rend tout juste aimable. Ikebukuro au sud cesse brutalement, ce qui permet aussi un

Hors-lieu

Le pavillon de pêche à la ligne et embarcadère Benkeibashi à la pointe sud du New Otani est un de ces lieux hors-lieux figé dans une autre dimension, indifférent au milieu immédiat, à l’autoroute, au bruit considérable du quartier qui n’est pas charmant. Lui l’est.