Cette page regroupe des mentions d’expériences, surtout d’écritures, et des projets en cours, en jachère ou en voie de garage.
Menus de la maison - Faire à manger - Faire manger - Le fait maison
Il s’agit d’une liste chronologique de menus consommés à la maison à Tokyo, actuellement plus pourvuivie, une expérience d’écriture blanche associée à la nourriture familiale, une forme d’expression anti-hédoniste du discours gastronomique hégémonique au vocabulaire entre onguents cosmétiques, substances en flux et connotations pornographiques relevés de signes de connivence. Pas de recettes, de poses, de promotion produits, juste les faits du faire manger maison, du fait maison dans un foyer où la cuisine est essentiellement faite par soi-même.
La cuisine familiale du quotidien est absente des conversations de ceux qui ne parlent que de gastronomie, ou de chefs - name dropping - ou des deux. Elle mérite l’exposition moins le narcissisme, pour voir ce que cela fait, de quoi cela parle. Peu de nourriture en fait, mais cela peut parler par exemple de séparation, de recomposition familiale, de départ de progéniture, de retours à table trop brefs. Cela se compte en nombre d’assiettes et de couverts. Cela parle d’hospitalité, de saisons aussi beaucoup.
Cela parle de tous ces menus que l’on n’aura pas mangés ensembles.
Cela parle du très banal du quotidien, mais aussi parfois de la beauté intrinsèque des routines.
Ce que j’ai appris : savoir cuisiner est avant tout savoir nourrir - et surtout savoir pourvoir à la faim des petits enfants plus que celle des adultes. Cela peut être fait très simplement. Pour faire attendre les enfants, du pain et du beurre, même à Tokyo. Pour faire attendre les adultes, des amandes rissolées rapidement dans l’huile d’olive, drainées et juste salées. Un verre, de manzanilla ou de saké.
La cuisine familiale est affaire d’accueil, d’hospitalité plus que tout. Savoir nourrir donc, c’est savoir recevoir, savoir faire face au besoin de manger dans des circonstances improvisées en particuliers, trop rares, heureusement pas sous les bombes et dans la famine de camps ailleurs.
Alexandre Dumas m’est l’écrivain modèle dans ce sens, en voyage en Espagne où il prend en main un dîner compromis dans une auberge, ou sous la mitraille quand les mousquetaires décident d’aller picniquer. Il bravarde comme Dumas, mais le Père se fait à l’occasion mère-nourricière de ses compagnons (les compagnonnes n’apparaissent pas…). Savoir nourrir devrait faire partie des mentions de vantardise dans un c.v. Ici, c’est fait.
Ici donc, pas de date, hormis le 1er janvier, pas de recettes surtout, des jours avec des trous, souvent liés à des circonstances où les repas n’ont pas eu lieu à la maison, ou des repas solitaires pas mentionnés, ou tout simplement par oubli. C’est fou ce que l’on oublie ce que l’on a mangé pas plus tard que la veille. Un repas par jour, parfois deux, et dans ce cas le premier est un déjeuner. Si un seul, il peut s’agir soit du dejeuner, soit du dîner. Le petit-déjeuner est invisible qui ne le mérite pourtant pas.
Ecriture blanche donc mais pas neutre, quand il est fait mention d’un repas fait à la maison pour des amis, ou fait de mes mains chez quelqu’un d’autre parfois, quand il n’est pas fait mention que la cuisine s’est soudain réduite en l’absence d’un fils parti ailleurs, ce qui se reflète énormement dans le manger du quotidien. Une assiette et des couverts en moins et tout est dépeuplé. Quantités réduites aussi, tout une évolution drastique de la gestion des vivres qui met un temps long à s’installer.
Cette factographie culinaire et écriture du quotidien est donc aussi l’écriture des absences, des présences manquées, des repas silencieux, des remontrances diverses à table, des appréciations aussi. Surtout des appréciations. Et cela se passe à Tokyo mais pourrait être énoncé ailleurs.
A l’origine de cette expérience est la soudaine réalisation que manger, manger bien et plutôt sainement, et varié, et plutôt de saisons, et avant tout sans complexité, et sans livraison aucune, n’empêche pas d’oublier ce que l’on a mangé la veille, même quand on a à charge de faire la cuisine, qui n’est pas une charge, pas un boulet. Il s’agissait donc de prendre notes “pour voir ce que cela donne” et évoque.
Cela constitue-t-il matière à lecture? A écriture certainement. Dans la description de la banalité du quotidien - des autres - le manger me semble être un volet des plus intéressants. A lire ici.
Où écrire à Tokyo
Il s’agissait d’un blog à article unique. Il s’agit maintenant d’un livret au fomat epub rafraîchi de temps en temps. La question soulevée prend pour prétexte l’écriture, mais il s’agit en fait de proposer des lieux pour intensifier le sentiment d’y être, de s’ancrer à Tokyo, et maintenant un peu ailleurs au Japon lors de voyages. Où écrire à Tokyo est un mécanisme anti-tourisme à usage personnel, qui ne concerne que soi et n’a pas vocation à changer le tourisme, où j’invite à sortir des schémas pour être enfin à destination. A lire ici.
Le voleur de yuzus
Pas de contenu à exposer ici qui a été diffusé dans une version antérieur de Tokyo, Journal de Résidence. Le voleur de yuzus est à l’origine une tentative avortée de se lancer dans la fiction, qui a été rattrapée heureusement et bien vite par l’étrangeté de la réalité, et l’apparition bien plus étrange encore de collisions répétées entre l’idée de fiction et les circonstances réelles, au point que ce sont les coïncidences qui deviennent les héros vrais de l’affaire. Le voleur de yuzus émane d’une expérience professionnelle dans les agrumes qui perdure en fond d’écran. Est venu s’y greffer un intérêt aux origines peu claires pour Walter Tennyson Swingle, botaniste fonctionnaire américain qui a fait plusieurs visites au Japon dans les années 10 et 20 du siècle dernier. Le voleur de yuzus a ouvert les chakras de réflexions sur ce que je nomme l’uchronie intersticielle, à savoir l’antithèse de l’Uchronie avec un grand U qui change hypothétiquement le monde. L’uchronie intersticielle a soin de ne laisser aucune trace dans l’Histoire avec un grand H, tout comme la visite incognito de Proust au Japon qui n’a pas eu lieu, mais qui aurait pu. Il cherchait une poudre miraculeuse pour soigner l’asthme. Le voleur de yuzus nourrit encore le Journal de résidence et certaines discussions qui ont lieu à Ecrirea.tokyo.