Expériences et projets divers
Cette page regroupe des mentions d’expériences, surtout d’écritures, et des projets en cours, en jachère ou en voie de garage.
De l'impact de l'observation distanciée de territoires autres en direct via les technologies de visio mais aussi les cartes, la mémoire géographique et topographique, sur la perception des lieux au présent, le sentiment d'attachement et le développement d'une nostalgie augmentée, sans casque. Les lieux comme des madeleines à cheval sur le passé tout comme le présent.
Ce questionnement difficile encore pour soi à énoncer clairement part sur l'idée de nostalgie augmentée (“remise à jour” sans doute plus approprié comme “augmenté” évoque maintenant invariablement un dispositif technologique alors qu’il s’agit ici de dispositif d’écriture) qui se développe et s'entretient - c'est une hypothèse et une pratique - par l'observation soutenue de cartes en lignes et de divers inputs qui nourrissent la connaissance à distance de lieux autrefois habités ou vécus sur le cours terme. Ces madeleines font accessoirement revenir le passé, mais laissent aussi entrer parce que tel est le dessein le présent perceptible via ces outils, la cartographie en haut de liste mais pas que. Il est question de mémoire des lieux, de mise à jour de cette mémoire par proaction visant à retrouver voire étendre la connaissance à distance de lieux pour lesquels existe un attachement. Un corolaire se trouve dans l'usage plus spécifique de la visio et des intrants que celle-ci diffuse et impacte, à la fois dans la nostalgie, ses ressentis, et l'entretien ou la connaissance de présents éloignés, qui n'est pas le sien au quotidien.
Vient s'ajouter récemment à cette réflection une branche pour soi nouvelle qui, pour tenter de faire simple, est la question de ce que deviennent ces savoir-lieux-distants accumulés et les ressentis associés quand les circonstances font que l'occasion de retourner sur ces lieux physiquement a lieu. Il se déroule alors une foultitude de sensations d'y être qui entrent en collision avec ce qui a été su, perçu et entretenu à distance. La géographie et la topographie semblent y jouer des rôles d'affects considérables.
Car sur place, par exemple après 14 heures de vol, c'est une véritable vague de présent qui déferle sur soi y étant et change la donne tout comme elle est changée par le travail en amont, c'est à dire avant d'y être allé. Mes écrits sont plus souvent que jamais tiraillés par ce questionnement encore opaque depuis 2025.
Projet fini. Menus de la maison - Faire à manger - Faire manger - Le fait maison
Il s’agit d’une liste chronologique de menus consommés à la maison à Tokyo, actuellement plus poursuivie, une expérience d’écriture blanche associée à la nourriture familiale, une forme d’expression anti-hédoniste du discours gastronomique hégémonique au vocabulaire entre onguents cosmétiques, substances en flux et connotations pornographiques relevés de signes de connivence tout au service de l’agroalimentaire où tout le monde se doit de devenir faire-valoir perroquet homme-sandwich. Pas de recettes, de poses, de promotion produits, juste les faits du faire manger maison, du fait maison dans un foyer où la cuisine est essentiellement faite par soi-même.
La cuisine familiale du quotidien est absente des conversations de ceux qui ne parlent que de gastronomie, ou de chefs - name dropping - ou des deux. Elle mérite l’exposition moins le narcissisme, pour voir ce que cela fait, de quoi cela parle. Peu de nourriture en fait, mais cela peut parler par exemple de séparation, de recomposition familiale, de départ de progéniture, de retours à table trop brefs, d’amitiés. Cela se compte en nombre d’assiettes et de couverts. Cela parle d’hospitalité, de saisons aussi beaucoup.
Cela parle de tous ces menus que l’on n’aura pas mangés ensembles.
Cela parle du très banal du quotidien, mais aussi parfois de la beauté intrinsèque des routines.
La cuisine familiale est affaire d’accueil, d’hospitalité plus que tout. Savoir nourrir donc, c’est savoir recevoir, savoir faire face au besoin de manger dans des circonstances improvisées en particuliers, trop rares, heureusement pas sous les bombes et dans la famine de camps ailleurs. C’est savoir contenter, trop rares occasions, des enfants.
Alexandre Dumas m’est l’écrivain modèle dans ce sens, en voyage en Espagne où il prend en main un dîner compromis dans une auberge, ou sous la mitraille quand les mousquetaires décident d’aller picniquer. Il bravarde comme Dumas, mais le Père se fait à l’occasion mère-nourricière de ses compagnons (les compagnonnes n’apparaissent pas…). Savoir nourrir devrait faire partie des mentions de vantardise dans un c.v. Ici, c’est fait.
Ici donc, pas de date, hormis le 1er janvier, pas de recettes surtout, des jours avec des trous, souvent liés à des circonstances où les repas n’ont pas eu lieu à la maison, ou des repas solitaires pas mentionnés, ou tout simplement par trou de mémoire. C’est fou ce que l’on oublie ce que l’on a mangé pas plus tard que la veille. Un repas par jour, parfois deux, et dans ce cas le premier est un déjeuner. Si un seul, il peut s’agir soit du dejeuner, soit du dîner. Le petit-déjeuner est invisible qui ne le mérite pourtant pas.
Ecriture blanche donc mais pas neutre, quand il est fait mention d’un repas fait à la maison pour des amis, ou fait de mes mains chez quelqu’un d’autre parfois, quand il n’est pas fait mention que la cuisine s’est soudain réduite en l’absence d’un fils parti ailleurs, ce qui se reflète énormement dans le manger du quotidien. Une assiette et des couverts en moins et tout est dépeuplé. Quantités réduites aussi, tout une évolution drastique de la gestion des vivres qui met un temps long à s’installer.
Cette factographie culinaire et écriture du quotidien est donc aussi l’écriture des absences, des présences manquées, des repas silencieux, des remontrances diverses à table, des appréciations aussi. Surtout des appréciations. Et cela se passe à Tokyo mais pourrait être énoncé ailleurs.
Cela constitue-t-il matière à lecture? A écriture certainement. Dans la description de la banalité du quotidien - des autres - le manger me semble être un volet des plus intéressants. A lire ici.
Où écrire à Tokyo
Il s’agit d’un guide parfois mis à jour accessible ici. La question soulevée prend pour prétexte l’écriture, mais il s’agit en fait de proposer des lieux pour intensifier le sentiment d’y être, de s’ancrer à Tokyo, et maintenant un peu ailleurs au Japon lors de voyages. Où écrire à Tokyo est un mécanisme anti-tourisme frénétique à usage personnel, qui ne concerne que soi et n’a pas vocation à changer la donne, où j’invite à sortir des schémas pour être enfin à destination. Tokyo n’est pas Berlin.
Le voleur de yuzus
Pas de contenu à exposer ici qui a été diffusé dans une version antérieur de Tokyo, Journal de Résidence. Le voleur de yuzus est à l’origine une tentative avortée de se lancer dans la fiction, qui a été rattrapée heureusement et bien vite par l’étrangeté de la réalité, et l’apparition bien plus étrange encore de collisions répétées entre l’idée de fiction et les circonstances réelles, au point que ce sont les coïncidences qui deviennent les héros vrais de l’affaire. Le voleur de yuzus émane d’une expérience professionnelle dans les agrumes qui perdure en fond d’écran. Est venu s’y greffer un intérêt aux origines peu claires pour Walter Tennyson Swingle, botaniste fonctionnaire américain qui a fait plusieurs visites au Japon dans les années 10 et 20 du siècle dernier. Le voleur de yuzus a ouvert les chakras de réflexions sur ce que je nomme l’uchronie intersticielle, à savoir l’antithèse de l’Uchronie avec un grand U qui change hypothétiquement le monde. L’uchronie intersticielle a soin de ne laisser aucune trace dans l’Histoire avec un grand H, tout comme la visite incognito de Proust au Japon qui n’a pas eu lieu, mais qui aurait pu. Il cherchait une poudre miraculeuse pour soigner l’asthme. Le voleur de yuzus nourrit encore le Journal de résidence et certaines discussions qui ont lieu à Ecrirea.tokyo.
Laver le regard : Journal de l’artisanat japonais
Un bloc-note en sourdine sur des expos au moins d’artisanat japonais. Bref, sans élucubrations, génuflexions et autres autres expressions ésotériques mystérieuses. Le titre du bloc-note est à géométrie variable tout comme ce qui entre à mon sens dans l’idée d’artisanat. Il s’agit de se laver le regard en portant attention à un pan du quotidien très présent à condition de le voir. Cela change de Takéshitadori, le carrefour de Shibuya, et Ikéa. A voir et suivre ici.