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Routines urbaines (bribes, premiers pas)





A Oji sur la colline, cette maison plaquemurée placardée a-squattable et heureusement toujours sur pieds me rappel le Cantal. Des vaches paissent derrière. 

####Routines urbaines

Marquer une pause à l’un des deux comptoirs de boissons lactées sur les deux quais de la ligne JR Sobu à la station Akihabara constitue une routine d’ancrage. Un signifiant pour soi d’y être.

Au même titre que prendre un espresso au kiosk AMT Coffee à la station Marylebone à Londres.

Au même titre que prendre une liqueur de cerises avec ou sans noyaux à Ginjinha sur Largo Sao Domingos à Lisbonne.

Les conditions minimales sont donc :

- Un lieu de consommation rapide
- Ouvert sur la rue
- Et donc un promontoire d’observation sans ostentation

Qu’est-ce alors qu’une routine urbaine qui n’est pas de l’ordre de la consommation?

Un passage, un choix préférentiel de parcours, une sélection du bon trottoir qui n’est pas nécessairement liée aux conditions climatiques du moment. Cela se passe dans le mouvement. C’est de l’ordre du détour, de l’éventualité de ne pas choisir le chemin le plus court.

Grammaire de Tokyo : inscrire la question des routines dans le plan de l’ouvrage. 

####Maquis

Dans Eloge de l’émeute de Jacques deschamps, que je voudrais bien lire tantôt, est énoncée une série de stratégies d’évitement résumées sous l’injonction de prendre le maquis mental. Je reprends ce que l’auteur expose sur ce point dans une interview en ligne. Cherchez sur Diacritik.

- `Commencer par résister aux « passions tristes » par le moyen desquels les dominants assurent aussi leur pouvoir sur les dominés (voir tout le jeu du Pouvoir autour des grandes peurs sociales), `
`- résister à l’enlaidissement du monde (laideur des banlieues, des campagnes détruites par l’agriculture industrielle, laideur de nos corps déformés par la mal-bouffe, etc.) en promouvant le « luxe communal » qui était au programme des Communards et qui consistait à remettre la beauté à la disposition du peuple (rappelons-nous du Bauhaus), `
`- se battre contre le pessimisme paralysant qui peut nous décérébrer et auquel il faut opposer un « optimisme nerveux ». Je propose pour ce faire de prendre le maquis dans nos têtes, `
`- de promouvoir dans sa vie, autant que faire se peut, des formes d’émeutes « au ralenti ». L‘émeute n’est pas une force d’accélération, elle est au contraire la tentative d’arrêter le temps du Pouvoir, de saboter pour ralentir. La vie biologique elle-même est une dynamique de freinage, comme le disait Bichat, le grand médecin qui inaugure l’anatomo-physiologie moderne, « la vie est l’ensemble des forces qui résistent à la mort ». `
`- Retrouver le sens de la lenteur, se ménager des moments de rêverie, de contemplation, d’oisiveté – voire d’ennui, dont je dis qu’il est un moyen éminemment subversif de prendre son temps. `
`- Le capitalisme a assis sa domination sur les esprits en s’acharnant à lutter contre toutes les manifestations de la joie populaire, le sens de la fête, fêtes des fous ou messes des ânes, du carnaval, des danses, des charivaris, etc., qui rythmaient le quotidien de la vie populaire paysanne et ouvrière. L’émeute, à sa façon, est aussi une explosion de joie, de joyeuse colère, d’une colère toujours conquérante.`

Etrangement, la question intergénérationnelle n’est pas mentionnée, en tout cas à travers l’interview d’origine. Le non-dialogue intergénérationnel  

J’ajouterais autour de la nourriture deux choses et bien plus :

- Cuisiner chez soi, ou chez les autres.
- Avoir une dizaine de recettes à son répertoire et la moitié de techniques (suites logiques globalisables de procédures), assocations d’ingrédients et substituants, techniques de cuisson à formules génériques s’appliquant aux produits en toutes saisons. Comme la guitare jazz, connaître dix airs suffit à offrir un concert avec deux encores, ou un buffet exquis avec peu.
- Cuisiner chez soi et inviter. Faire, ou refaire du repas et de l’invitation spontanée au repas (tu viens manger à la maison?) l’évidence même de son style d’hospitalité.
- Dans la spontanéité culinaire comme acte de résistance, ne prendre que Dumas Père pour modèle.
- Veiller à ne pas être un homme-sandwich de l’industrie alimentaires, de ses des objets, physiques, mentaux, personnalités, jingles et formules du moment. Contrôler, avec difficulté bien sûr, ses discours automatiques.
- Comme Francis Bacon, ne pas hésiter à se fâcher avec ses amis, et chercher la réconciliation honorable, sans se parjurer, s’abaisser, concéder, comme quelque chose qui va de soi.

La citation est celle-ci, mentionnée dans le livre Tales from the Colony Room de Daniel Coffield : _If you can’t be rude to your friends, who can you be rude to?_

Le 21 février 2021, j’écrivais ceci qui n’a pas pris une ride, hormis le café Rim qui a fermé depuis. 

`Imaginez une esclandre suivi d’un vide, d’une séparation, d’une bonne dizaine d’années. Et puis voilà que la question se pose certes aidée par un saké Junmaïshu très correct: _au fait pourquoi on s’était engueulé?_ Amnésie de part et d’autre. Mais ce qui est important pour moi est ce qui suit, les circonstances louches d’une reprise de contact comme marchand d’abord sur des oeufs, puis la rencontre fortuite typique dans un marchand de chaussures à Ueno où je ne trouvais pas comme d’habitude la pointure 28.5. Et puis un café chez Rim (PQ6G+G7 Taito City, Tokyo) qui est un peu cher mais avec un quelque chose d’urbain européen appréciable comme l’est la gare d’Ueno en face qui est la Gare du Nord de Tokyo.`
`
Je tourne autour du pot pour exposer la chose suivante en partant d’un cas particulier à une réflexion étendue: rare est la possibilité de se rabibocher, non pas porté sur le tapis magique, en fait miteux et troué imbu d’un halo mystique quasi-religieux où le terme _pardon_ serait pris comme le facteur essentiel d’une reprise de contact. Car il n’en est rien. Le pardon est une perte de temps. La rancune un stigmate qui fonctionne comme l’huile sur la brûlure, d’autant plus quand elle est soulignée. Rien de pire que l’expression _sans rancune_ pour ne pas en guérir. La citer l’encourage. Le courage est donc de passer à autre chose, et reprendre un verre. Au fait pourquoi on s’était engueulé donc? Aucune idée. Et nous passâmes à autre chose. Si les conflits pouvaient se résoudre ainsi, passer à autre chose sur la base d’une franche amnésie réparatrice...`

Prendre le maquis mental en ville? Bien sûr, et en ville d’abord.

####Fil d’actualité URGENT

Une jeune femme de profile assise sur la terrasse à 15 mètres, d’une beauté à couper le souffle. Ne jamais mentionner ces choses là. Ne pas manquer de les mentionner. C’est d’écriture dont il s’agit.

Fin du fil.

####Sur la nourriture, suite

Sur la nourriture, concevoir une écriture autre, post-chefs, post-suppôt de l’agroalimentaire, post-hédoniste. Réunir tous ces posts, façon d’éviter antis, les réduire en boule comme morceaux de papier, et les balancer du pont. La Sumida fera l’affaire. Ensuite, continuer à marcher.

Encore une chose à ajouter à liste : 

Evacuer “la vacuole de la plainte” (c’est du Sandra Lucbert), et son corollaire compagnon de bas-fonds : le cynisme. Il s’agit de dépasser la colère, la rage.
De torcher s’il en reste encore le dernier fond d’enthousiasme niais. La passion est du même registre que le sport des extrêmes. Extrêmement chiant.

L’ayant délaissé depuis des mois maintenant, je ne savais pas que le réfectoire de Waseda refonctionne. Voilà un rare exemple de retour à la normale très bienvenue. 

Ecrit à Tokyo donc.