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Marcher vite à Kyoto


Portes closes au Café Indépendants, ce qui n’est pas totalement un mal, bien compensé par le Tully’s de Sanjo en face. Lieu studieux rempli d’étudiants. Ensuite, c’est le choc, le malaise, la redécouverte de la galerie marchande Teramachi Kyogoku en mode post-covid. La signature japonaise s’y est considérablement édulcorée. Jeans, sucre et bêtisiers.  Aussi, opticiens et chaînes nationales. Koenji à Tokyo dépasse maintenant Teramachi Kyogoku au rayon charme. Même Tonkatsu Buta Gorilla a basculé dans la viande reconstitué pour les touristes majoritaires. Seule méthode pour compenser : marcher vite, adopter un rythme de croisière autre que le tout venant touristique, prétendre être kyotoïte affairé, et s’échapper au sud. 

Dans les jours qui suivent, c’est quantité d’aller-retours pressés de Kiyamachi-dori presque au niveau de Len jusqu’au pont de Shijo puis à l’est jusqu’aux abords de Gion. Enoncer les noms des lieux, et marcher vite, pour se refamiliariser avec le territoire en jouant l’indifférant, pour se le réapproprié. Gion au petit matin quand les gens vont au turbin, c’est charmant mais sans s’épancher. Juste charmant, et cela suffit. Agnes B. y a une boutique. Arrogance. A quand un fromager? Le soir aussi quand on sort d’un restaurant heureusement à la hauteur des attentes, on aperçoit au bout qui s’évanouit bientôt une maïko resplendissante qui elle aussi va au turbin et qui, alors que l’on presse le pas jusqu’au carrefour espérant saisir son sillage, elle s’est déjà évanouie dans la pénombre. On se fait un de ces cinéma, je ne te dis que cela. Un peu plus loin, ce sont deux geishas rieuses avec leurs clients en costards qui ont l’air totalement habitués à cet accompagnement joyeux, que nous croisons, encore. 

Ce parcours signifie aussi passer et repasser via l’étroite Saiseki-dori devant la série de salons de massage et prostitution entre Ginsui et Chimoto dont je ne me lasse pas du contraste aberrant d’avec l’environnement enjôleur immédiat. Sur Google Maps, c’est un bloc grisé sans aucune indication alors que des malfrats en costards infra haut de gamme comme des salarimen sous-payés d’une pme sans envergure semblent jouer à la fois les cerbères et les rabatteurs. Une fois lors d’un second passage en moins d’une heure, je croise un malfrat masqué blanc correct sanitaire qui fait le poisson pilote d’une jeune femme visiblement fatiguée qui évite les regards pour s’engoufrer dans un des cloaques criards où une verge payante l’attend. Et puis encore dans l’autre sens, c’est un quadra barbe poivre et sel, veste de cuir élégante qui sort du cloaque lui aussi le regard évasif au niveau des pas de portes.

This Kyoto fits me well. Vraiment.


Heureusement que Kikusui est ouvert alors que je m’étais imaginé allez savoir pourquoi que l’établissement avait disparu suite au virus. Café acide et sandwichs pour édentés, mais les sièges beiges en cuir ou assimilé skaï sont top, et c’est sans parler de la lumière. L’espace m’y offre ce sentiment précieux et toujours un brin arrogant, et assumé, de faire parti du paysage local, d’être dans le jus. Deux choses essentielles à destination : rencontrer des amis, se sentir dans le jus local.


Dans l’ascenseur, un QRcode pour se faire une cérémonie du thé débitée comme du prosciuto industriel en tranches, à la volée, en flux tendu. Un air inspiré mystérieux, des gestes lents, un kimono et de l’eau chaude, et c’est emballé. Il paraît que cela se complique quand le client pose des questions et que la lettrée de la décoction n’a pas de réponse. 

Le lendemain aussi, c’est détour aux aurores par Gion pour aller au turbin, au pas de charge, repasser devant les cloaques, remarquer qu’ici aussi cela semble fonctionner en flux tendu. Voilà bien un Kyoto qui me sied, en marche rapide. J’y passerais bien bien plus de temps.