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Murailles de mots



Le voiturier sur l’avenue Jean Jaurès, polo jeans et sneakers noirs sur semelles blanches se fourre un doigt dans le nez. 

Le menu petite faim propose un steak de 200 grammes.

La boutique de téléphonie avec cabines est des plus louches. 

Il y a un malaise palpable quand j’y entre pour demander un adapteur USB-C USB. 

Ne plus être de cette ville est ne plus savoir lire le louche.

Les discours sur la ville ne permettent pas de faire évoluer une vision à distance. 

Le paysage le long du tramway est atroce. 

Des clés devraient permettrent de le lire pourtant autrement. 

Elles ne sont pas dans les ouvrages. 

Eriger des murailles de mots pour décrire les murailles qui se succèdent. 

La signature auditive des avenues est la grande absente des évocation écrites. 

Toute une rééducation à la ville, à imaginer, s’impose.  

Dans quelle mesure les applis modifient-elles les grilles de lecture de la ville non-vécue in situ sinon qu’à l’occasion d’un bref séjour?

Ou ne serait-ce pas tout simplement l’environnement commercial qui est le grand illisible?

Dans ce rade finalement décevant de la rue Legendre, ex-vieux café perclus de services qui n’a plus rien d’un rade sinon que les murs et la déco, je serais incapable d’expliquer ce qui s’y vend, entre le loto et des trucs à fumer.

Fier de supporter le XV de France. 

T'as pas le choix, faut le supporter.

Vous avez quelque chose à manger? 

Nan y a pas.

Des cacahuètes ? 

Ah oui mais c'est pour l'apéro, pas pour le café.

Au café, un autre, le serveur très causeur me dit dépité que l’an prochain il se réfugiera chez sa mère par les grosses chaleurs. 

Je lui demande où se trouve sa mère. 

A Saint-Denis. 

Il s’y trouve une cave, huit marches seulement de descente. 

Il y fait tellement frais qu’il faut des couvertures pour y dormir. 

Toute la famille y couche. 

La cave comme solution temporaire à l’absence de clim et le réchauffement sans retour? 

Retour très tard en métro, un sandwich de lignes souterraines avec une suspendue. 

Trois changements.

Succession de courts escaliers dont le ressenti, hauteur des marches, largeur des pas, est autre. 

Faire attention aux marches prend tout son sens. 

Essentiellement des voyageurs jeunes, retours de sorties. 

Beaucoup de joies silencieuses dans certains regards.

Des petits enfants aussi, sages de fatigue. 

Très calme, estival encore.

La signature auditive du réseau ferroviaire est aggressive, en particulier au niveau des portes, portillons, portières, sas et tourniquets. 

Et tout le reste d’ailleurs, matériel ferroviaire, messages sonores.

La modulation de cette signature n’entre peut-être pas dans le cahier des charges.

Presque une altercation mais très courtoise quand un voisin au restaurant m’impose sa vue de voyageur de commerce fréquent au Japon, que je lui déconstruis. 

Hors-solisme contre vie quotidienne. 

Hégémonie classique. 

Et toujours la supériorité de ces vues couplées au confort socio-économique. 

Les Japonais sont ... par contre les Coréens sont ... durs en affaires. 

Et les Chinois émotifs. 

Et la tranche de foie de veau dont j’avais oublié la texture se laisse réapprivoiser après quelques bouchées et la surprise initiale. 

Accompagnée d’une tombée d’épinards.

A tomber, d’épinards.

A s’écraser de pomme de terre dans le mur.

D’accord avec Miller, le Chinon c’est excellent.

Marchés dominicaux.

La vraie signature distinctive.

Y en n’a pas au Japon.

Point barre.

A ce moment là, K à Ehimé sur LINE me demande ce qu’est la Gold Nugget Mandarin.

Citrus Reticulata Blanco.

T’es bien avancé avec cela.

Ponkan en japonais.

Ah bon, des ponkans?

Tada no ponkan?!

Il me demande quand je rentre.

Il me promet une caisse de satsumas fraîchement cueillies.

On lui enverra une bouteille de vin en retour.

Comme d’habitude.

Unique ce K, K unique.

Oui, marchés dominicaux.

La vraie signature distinctive.

Ce qu’il y a de plus proche en dimension poche à Tokyo, c’est bien Shin-Okubo.

Vaste comptoir de charcuterie hallal.

Pastrami au poivre.

C’est New York.

En terrasses, tout le monde parle entre soi.

Service Non-stop.