Accéder au contenu principal

L’orange sanguine

Ne pas réduire l’orange sanguine à un fruit, non, on ne doit pas. La texture du fruit, le toucher, comme du cuir, la densité lourde d’un spécimen tourné au creux de la main, au bout des doigts, la couleur, le ton, les reflets, pure Italie rêvée, via Ehimé. Le seul fruit choisi sur l’étal pour sa couleur, le plus rouge foncé, le plus oranger rouge qui soit,  le plus contrasté au bord de l’explosion de lave, le seul fruit qui mérite une nature morte avec les fraises sombres, qui ne devrait pas flétrir, déssiquer, pourrir non, toujours en exposition sur le rebord du comptoir, écorce poudrée de carmin à la violence Médicis, qui mérite seule la dague comme instrument d’intrigue, qui que couper le fruit en deux est un crime sanglant, un accident de cuisine, l’orange sanguine ne mérite pas le pressage mais le bois, le cadre de tableau, l’exposition en contre-jour, l’immuabilité. On ne touche pas, on ne devrait pas toucher à l’orange sanguine.