Patagons

 - Dans le métro, le nombre de sujets mâles souvent jeunes avec dans le dos le sigle Patagonia affiché en grand laisse penser que les visiteurs de Patagonie reviennent enfin en nombres. Il était temps. Ça manquait. 


- Avant le covid, on entrait et on était invariablement servi sans le demander d’une tasse de thé chaud ou froid selon la saison, en attendant l’emballage. Cela sentait la cannelle. Après le covid, seule l’odeur de la cannelle demeure. Sans avoir connu l’avant, on ne peut imaginer le décalage d’avec l’après. 


- Toute affirmation élégiaque et déjà périmée - comme sujet - d’un retour à la normale ne mérite qu’une claque, une gifle. 


- Les rues sont engrossies des charmes à venir quand la température sera enfin clémente. La tentation des plats, des angles, des pentes à degrés divers au sommet de Kagurazaka mène au bord de l’exultation. 


- On voit des agrumes verts camouflés dans les feuillages de teinte identique. Peut-on transformer les agrumes urbains en caméras de surveillance?


- D’ailleurs, le syndic avait annoncé le coût d’installation d’une caméra factice de surveillance pour dissuader les mauvais éléments qui pullulent peu dans le quartier. La somme annoncée était bien supérieure au coût d’une vrai caméra. Depuis longtemps au Japon, je suis d’avis que la fourberie est dans la facture.


- Une benne à ordure très odorante en arrêt sur la rue Waseda dite sur cette portion Kagurazaka presque au niveau de Paul. Ordures et boulangerie.


- Musique enregistrée de fête traditionnelle au temple rouge qui diffuse sur la rue.


- Tu vois que par moments, on peut faire du Perec à Tokyo, sans accent.


- A la radio ne sont annoncées que les températures réelles, pas les températures ressenties. A 10h, 33 degrés ressentis 41. C’est criminel de faire ainsi l’impasse sur une donnée essentielle. On cuit. On en crèvera. L’ignorance est gérée, les applis muettes.


- Le patron d’Abu Essam porte un keffieh. Un signe de soutien j’imagine plutôt qu’une mise en spectacle. C’est un chic type, d’une franchise remarquable. Je n’oublie pas qu’il m’avait offert une sacré quantité de za’atar il y a quelques années quand je l’avais questionné sur le sujet. Le staff semble être devenu exclusivement masculin, jeune - comment cela pourrait ne pas être le cas? - sympathique. L’apport des cuisines ethniques non-asiatiques est, au-delà du culinaire, la sympathie de l’accueil, la sympathie de l’accueil, la sympathie de l’accueil.


- Répétez.


- Il ne m’est pas gré, et même source de malaise de reconnaître et souligner que ces rapports humains fonctionnent majoritairement sur l’échange marchand.


- Bien que.


- C’est dans l’ordre des choses possibles que d’écrire ainsi par phrases plus courtes que la moyenne d’ici, comme une liste de courses, avec des produits verbeux. 


- D’ailleurs, tu rapporteras du supermarché une phrase fraîche avec des détours et un écart considérable entre le verbe et le complément d’objet enfoui dans un inextricable écheveau de digressions brèves et onomatopées insensées - snap, clic, klank - tout ceci emballé dans du cellophane transparent. 


- Compris?


- Heureusement que le soleil ne dardait pas sur ce côté-ci de la rue. Je me suis autorisé de faire la queue 10 minutes avant l’ouverture, sachant que j’étais seul à faire la queue, seule condition avec l’ombre pour faire la queue.


- Il y avait d’ailleurs une queue importante, 50 personnes peut-être, dans la perspective un peu éloignée au carrefour de l’avenue. J’ai mis un temps à faire le lien avec l’énorme enseigne Oasis au dessus. Conséquence de la chaleur sans doute.


- Les sardines marocaines ont disparu des étagères de Shin-Okubo. Ce n’est pas un message codé. Le riz revient dans les étals, pas les sardines en boîtes.


- En flashs visuels ces temps-ci, des portions du Yanaka excentré, là où soudain, on se remémore un certain Kyoto excentré. 


- K a totalement oublié le sens du privé dans la vie, conséquence d’un usage addictif de Facebook je crois. Elle pose des questions anodines mais personnelles, sachant que si on y répond, cela sera diffusé dans la foulée. On se sent obligé de ne pas répondre à ses requêtes et lui expliquer, au risque de la froisser. Ne pas lui répondre la froisse aussi. C’est un dilemme international. 



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