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Articles

Ordinaires des quartiers

Paris. Tu sais, la rue de l’Ecole de Médecine quand elle fait un coude juste avant la Pâtisserie Viennoise dans la montée. Impossible de faire le lien entre cette rue richement installée dans la mémoire - plein de détails, de sensations tactiles avec les murs de pierres et les librairies, alors qu’on ne lèche pas les pierres en marchant. Tout cela pour avoir parcouru à Tokyo quelques articles sur Catherine Ribeiro. La géographie mentale pour peu qu’on l’exerce fait des bonds dingues et parfois insensés. Ningyocho. Lumière du dehors, visibilité sur une rue de moindre passage qu’aux abords de Rikkyo, mais beaucoup de pics de fréquentation, le matin avant d’aller au travail, et le midi quand l’offre de pains va vite diminuer jusqu’à portion congrue, sans être remplacée par une nouvelle fournée. Le boulanger produit le matin seulement. Ichigaya. L’autre jour au marchand de tofu, son épouse est debout au fond à gauche manipulant de longues baguette dans le bac à friture des namaage. Selon l

Relire Bouvier

Bouvier du Vide et du Plein. “Nous vivions alors dans un temple sévère et superbe que nous partagions avec un potier australien, quelques mille-pattes géants, une grande couleuvre centenaire et des araignées aux mœurs paisibles mais qui sortaient tout droit de la science-fiction. Frondaisons merveilleuses, cigales, et les clochettes et sutras de l'office des morts chaque matin dans les cimetières voisins. Pivoines et bambous. Thomas chassant les papillons avec une filoche entre les tombes. Éliane attendant son enfant et peignant lorsque cette grossesse abominable lui en laissait le courage et le temps. Moi vagabondant à pied dans les campagnes du Kansai en longeant les rivières pour pouvoir m'y tremper quand le sang commençait à bouillir. On a traversé ainsi l'été le plus chaud du siècle. Vous auriez dû voir la ville : un paysage de petits boutiquiers étendus comme des morts sur le pavé pour tirer de la pierre la première fraîcheur du soir, et d'ouvriers endormis la jou

Dram Coff

Est arrivé par la poste le livre Geisha de Liza Dalby. La notice énonçant en japonais l’état des lieux de l’ouvrage d’occasion avant achat était comme si souvent peu engageante, une liste de petits maux, de microdéliquescences, bref, une invitation à ne pas acheter. Y manquait aussi comme d’habitude l’énoncé somme toute important que “ce livre n’a probablement jamais été lu”. Il est temps de le lire, comme il y a des temps et des moments pour toutes les lectures. Le papier jauni, acidification qui est l’équivalent sans doute de l’inflammation du corps, est le seul signe du temps remarquable, d’un ouvrage qui n’a pas été lu donc.  Maintenant qu’il y a nécessité de s’informer sur le sujet hors tout affect, dégagé du moindre engouement - le COVID a tué l’enthousiasme, et ce n’est pas une perte - reste une certaine dose de curiosité et d’attente intriguée. L’ouvrage d’origine date de 1983, en plein dans la bulle qui n’en avait plus que pour dix autres années à peine. La seconde préface de

S’attache-t-on aux planètes lointaines?

####A Dream Coffee Bientôt la fin du calvaire. Cinq pots de fleurs sur la table commune. Manque un livre d’or, de condoléances, des bâtons d’encens. Ne subsistent au menu que du blend coffee, et selon les heures, des oeufs durs. Cela finira-t-il pas un verre d’eau ou rien, le retrait des sièges?  Il n’est écrit nulle part que l’établissement ferme.  J’avais remarqué plus d’une fois ce jeune estudiantin accro des lieux, et hésité plus d’une fois à lui adresser la parole, mais aujourd’hui, je l’ai assis en face de moi et comme le temps presse, je m’enquiers de savoir s’il est étudiant de Rikkyo, ce qui le fait sourire. A. travaille en entreprise - avec beaucoup de liberté de mouvements - et est issu de Todai, du Kentucky à l’origine. 11 ans de Japon. Un scientifique. Il habite à 10 minutes. Je lui demande comment il compte survivre à la fermeture de Dream Coffee. Il me répond qu’il n’a aucune destination de rechange, qu’il n’y a aucune chance de survie, que seul nous contemple le vide.  

Prises de bribes

Une boutique d’occasions une fois la nuit tombée. Bribes de l’interview longue tant mieux de Romain Huët sur Lundimatin au sujet de son nouveau livre. J’avais lu un ouvrage précédent intitulé Le vertige de l’émeute. La prise de bribes en parallèle de l’écoute d’une émission, avec risque d’erreurs, et de perdre le fil quand bien même il ne s’agit pas de tenter de transcrire tout … … est un protocole intéressant, qui questionne. Des gens qui en veulent au monde. Un jour le monde les a rattrapé.  Ils deviennent des sujets politiques. Créer des espaces d’hésitations.  Je préfère bégayer, je n’arrête pas de bégayer Sortir de l’insignifiance sociale Relation active désirante avec le monde : il s’agit de faire une révolution, protéger l’intégrité d’un territoire Je - deviens un sujet de l’histoire On ne la vit jamais seul Formes de solidarité ####Café de la Mairie - Saint-Sulpice - Littérature consumériste. Pérec, un classique parisien - absent. Pas un seul mot de l’auteur. Juste un copier-co

号外

####La nostalgie augmentée C’est d’une nostalgie augmentée dont il s’est agi dès le début. My First Sunday in Paris quand Miller écrit en marche son périple élégiaque d’une journée complète de déambulation à Paris. Une journée est complète dès lors que ses bouts, matin et soir avancé, sont expressément mentionnés de par leurs densité et textures singulières respectives. La nuit est hors sujet, autre sujet, autre univers. Ce n’est pas grandiose comme texte, juste excellent. Lafcadio Hearn aussi écrit sur sa première journée à Tokyo, mais sans doute bien après l’action que Miller à Paris. Il faudrait réunir des textes ainsi de toutes les époques, recueil intitulé My first Day in the City. Miller pose le regard de l’étranger à Paris, ma condition inconsciente à l’époque de la première lecture pour poser un regard éloigné sur la ville qui ne soit pas seulement un regard nostalgique. Je n’écris pas “ma” ville, malaise du possessif. ####号外 Défaire voir - Littérature et politique de Sandra Lu

L’orange sanguine

Ne pas réduire l’orange sanguine à un fruit, non, on ne doit pas. La texture du fruit, le toucher, comme du cuir, la densité lourde d’un spécimen tourné au creux de la main, au bout des doigts, la couleur, le ton, les reflets, pure Italie rêvée, via Ehimé. Le seul fruit choisi sur l’étal pour sa couleur, le plus rouge foncé, le plus oranger rouge qui soit,  le plus contrasté au bord de l’explosion de lave, le seul fruit qui mérite une nature morte avec les fraises sombres, qui ne devrait pas flétrir, déssiquer, pourrir non, toujours en exposition sur le rebord du comptoir, écorce poudrée de carmin à la violence Médicis, qui mérite seule la dague comme instrument d’intrigue, qui que couper le fruit en deux est un crime sanglant, un accident de cuisine, l’orange sanguine ne mérite pas le pressage mais le bois, le cadre de tableau, l’exposition en contre-jour, l’immuabilité. On ne touche pas, on ne devrait pas toucher à l’orange sanguine.

Qui est le numéro 3?

N’en peut plus mais. Au point qu’une commande de toast se voit attribuer un numéro, dans le meilleur des cas. On m’annonce navré, avec cette expression de douleur théâtrale générique surjouée et ce sans aucun apprentissage, que les commandes sont stoppées dans l’immédiat. Ce qui n’est pas une déception, étant donné que ce qui compte n’est pas un toast, même un dernier, mais d’y être. Même le café est tiède ces derniers jours, mais tout est pardonné.  Et puis plus tard a lieu une scènette jamais vue jusqu’alors, de l’ordre de l’improvisation totale, quand une dame du staff demande à la volée portant d’une main une assiette de toast aux oeufs: “Qui est le numéro trois?”. Elle regarde inquiète autour d’elle, retourne au comptoir, repart en chasse et demande ainsi plusieurs fois le numéro trois qui ne réagit pas. Dans l’établissement soudain comme plus étroit en conséquence de cette annonce générale, se crée soudain une sorte d’intimité communale exceptionnelle, personne n’ignorant l’appel

La rupture d’un lien

Photo empruntée. Inutile d’en rajouter par soi-même.  Lu dans les commentaires récents au sujet de Dream Coffee sur Google Maps. Poésie Dream Coffeeは素敵だ。 お別れするのは惜しい。 夢のような喫茶店が 本当に夢のなかへ消えてしまう。 珈琲が美味しい。 レアチーズケーキが美味しい。 卵トーストが美味しい。 店員さん全ての優しさが美味しい。 ありがとうございました。 Nostalgie 大好きで、何回通ったことかという場所。離れている間に閉店してしまうと知りました。 自分にとって唯一無二の空間だった。街の思い出や街への思い入れはこうした小さなお店によって形づくられているのだと知る。池袋に戻る理由のひとつがなくなってしまった。 ####Ouf ouf! Bien sûr que l’écriture universitaire c’est ouf ouf. C’est à usage interne. Ça n’a aucune autre intention. Mais ça ouvre des pistes pour les non-universitaires. Ou dit autrement, ça expose des pistes ouvertes depuis bien longtemps alors que soi on rame à Dream Coffee à mettre la géopoétique des lieux en mots littéraires. Tu comprends? You see what I mean? De clavier? Ce dernier commentaire est particulièrement en phase avec la lecture en cours de La Ville et le Sablier - Sentir les temps urbains, auteure Nathalie Audas, 2015. Livre trouvé au détour d’un hasard très ciblé qui s’avère faire m

Un petit livre nippon extravagant

Photo empruntée ailleurs ####Chronique d’une fermeture annoncée (feuilleton) A Dream Coffee à 13h et passées de quelques minutes - il y a anormalement du monde - l’anormale, c’est l’anti-quotidien - mon truc, c’est le quotidien - le patron porte un béret de velours côtelé beige - jamais vu ainsi coiffé d’une faluche - il panache - il est loquace, parce que sollicité - tout comme le staff - la nouvelle s’est répandue - comme une trainée de poudre, une bourrasque de printemps - mais sur la devanture - aucune annonce que  - samedi 2 mars est la dernière journée - je n’irai pas samedi 2 mars - pas seulement parce que - comme le dit un membre du staff - à un habitué qui - s’enquiert et remercie de tout ce long temps - de service - que oui, samedi est la der des ders et - qu’il y aura beaucoup de monde - et donc, qu’un lieu qui dessert le quotidien - comme on dirait d’un train de campagne, une micheline - devant lequel se forme une longue queue d’attente - sort de l’ordinaire - devient événe