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Riz, typhon et particules

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Au supermarché, des hébésus, peu mais suffisamment pour se démarquer. Au très vaste rayon riz que je ne vise pas, il ne reste rien. Quelque chose sonne étrange aujourd’hui dans le paysage humain au sous-sol, qui a probablement rapport avec la pénurie soudaine de riz. En tout cas, c’est ma théorie dénuée d’analyse. Celles et ceux qui mangent moins, les personnes âgées, sont en nombre, en nombre remarquable ce jour. Paysage humain fait d’inquiétude. Des hommes âgés seuls parcourent les rayons. Paysage masculin peu courant.  Bientôt la clémence de la météo aidant, il sera de nouveau possible de parcourir sans trop d’efforts certains territoires proches de la station. La multiplicité des angles, perspectives, dénivelés, les marches de pierres, bifurcations, escaliers, détours d’un jardin artificiel sauf le cours d’eau - presque comme les Buttes Chaumont - où il faut faire bien attention à ses pas, ascenseurs, pont de pierre à tablier courbe de bois, inconfort stratégique des rares lieu...

Confession

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  C’est décidé : à Noël, je m’offre un taximètre, une pendule d’avocat comme aux échecs, et je me fais payer à la minute d’écoute. Très cher la minute même si je n’ai pas encore fixé mes tarifs. On se confie à moi depuis l’âge de 12 ans je crois. Il est temps d’en faire un job, ni confit ni confiture mais écoute. Si vous lisez ces lignes et souriez, sachez qu’il n’y figure aucun humour intentionnel. Cela va être très dur d’y croire, mais c’est votre problème de lecteur. Je ne vais pas non plus m’occuper de vous tout de même, entendre vos griefs! J’ai déjà ailleurs à écouter.  C’est comme cela et ainsi : je suis, donc, j’écoute. Je sais que cette affirmation va en surprendre plus d’un, mais c’est parce que vous ne m’avez jamais entendu vous écouter. Peut-être la dernière fois n’aviez vous rien à confier, à vous confier, à vous confir. On ne me demande pas si je veux écouter, on se confie, depuis l’âge de 12 ans. Peut-être 11. Un type qui écoute ne peut pas faire de la radio com...

Pyramide : exercice de mémorisation cartographique

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Lier les bouts connus avec les moins connus, les oubliés remis en orbite des savoirs-se-repérer, accueillir aussi les inconnus. Soit une pyramide, base simple : Ryogoku, Kinshicho, Kameido. Au-delà commence l’Oural oriental. Cette sensation d’éloignement totalement infirmée en regard des temps de parcours est un sentiment étrange et clé, clé de ce qui fait percevoir à soi ce qui est loin, en regard de ce qui est proche. Loin est négatif même si physiquement proche. A l’est de Kameido donc débute l’Oural. L’Oural est le summum de l’éloignement. #### Quoi donc au nord? Et sur cette base donc. Graphiquement, il faudrait exposer le réseau aquatique, mais on ne gardera ses traces-repères complexes qu’en mémoire à soi. Inutile d’encombrer encore plus le plan. Grosso-modo, Kyojima est sur la rive droite; ce qui est au sud de la tour arbre est sur la rive gauche. Kyojima, est un V avec la ruelle marchande bâillante Kira Kira comme branche est, et la rue Hikifune Takara qui lie les stations Hik...

Soupçon de cannelle

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Photo reçue, du Brésil. Tu vois bien que l’appel de pied de l’ailleurs qui nourrit ton quotidien est permanent. La baie de Tokyo ressemblait à cela, il a 2027 ans.  Longtemps je suis allé acheter mon tofu de bonne heure. En fait, non, mais en termes de possibilités du matin sortant de chez soi, cet acte entre dans les cordes du quotidien praticable.  Je suis allé acheter du lait de soja dans l’après midi. Deux pis, deux mamelles donc, de distances proches. L’un de ces deux établissements est de quatrième génération … … et tu peux parier, la dernière, mon coco. L’autre … … je n’ai pas encore demandé.  Cet autre d’ailleurs a des douceurs, des boules de moût de soja cuit pressé, produit résiduel, okara, frites en bain d’huile comme des beignets … c’est très bon. … mais a-t-on besoin de savoir que cela se dit okara hormis si l’idée de déposer le nom, ouvrir une boutique, être découvert par la finance, se déployer mondialement, devenir ordinairement mauvais dans tous les aérop...

Rectonique des claques

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Photo d’un homme de dos retenant avec difficulté son parapluie tout retourné qui n’a qu’une idée en tête de manche, toutes baleines hurlantes de douleurs comme tendons tirés à vif : fuir. La dramatisation médiatique, le catastrophisme de trains et avions pourtant annulés “en prévision”, expression systématiquement absente comme si une critique des JO censurée, montre encore une fois la preférence supérieure pour un Japon narré en mode catastrophé, ou comme destination au doux hédonisme consumériste tranquille prisé des migrants de style de vie. Kagurazaka a parfois des allures de plages de retraités blancs heureux en quête de fromages.  Alors que j’écris ces lignes, un jeune barbu nécessairement français expose son chien en laisse sur le trottoir pour la plus grande joie des dames gloussantes à l’avenir centenaire attablées, laisse mauve accordée à la couleur de son short. D’un seul coup, Ningyocho me donne envie de vomir. Où se trouve le fromager à dynamiter, le débit de jambon de...

Extension du discours sur une utopie concrète

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  Toujours en évolution et tentatives, la présentation de l’utopie concrète d’une résidence itinérante d’écriture à Tokyo continue. La résidence d’écriture d'Écrire à Tokyo Une utopie concrète Présentation Vous pensez résidence d’écriture à Tokyo? Lisez. Il n’existe à notre connaissance que trois exemples de résidences artistiques internationales au Japon où s’insère l’écriture : la Villa Kujoyama, la récente résidence d’écriture à Kyoto, le Palais des paris à Takasaki. Ecrirea.tokyo propose une résidence d’écriture à Tokyo hors norme. Le mot "résidence" est ici à prendre au sens le plus large possible, large et vaste comme la métropole tokyoïte, mais sans la rengaine de la vue dronique extatique invariablement attachée à la description pavlovienne à grands traits de Tokyo (y compris l’inévitable ville qui ne dort jamais et autres idioties). Il s'agit bien d'offrir un environnement propice à la création littéraire et de soutenir les auteurs, les personnes qui écri...

Un nord-est à soi

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Je veux témoigner du quotidien à Tokyo, la banalité d’acheter des poireaux. Il est plus facile d’engager la conversation après. J’ai demandé tout de go à l’infirmière que j’avais remarquée la dernière fois, et elle aussi à mon sujet, si elle était d’origine de Tokyo. Elle m’a répondu que oui. Elle m’a demandé pourquoi. Je lui ai dit tout de go que je lui trouvais un quelque chose de typiquement Edokko. Ça l’a fait rire. Elle m’a dit étonnée que oui, exactement, qu’elle est de Katsuhika, au nord-est donc, du côté de Tatéishi où l’on peut atteindre l’ébriété pour mille yens. A Minami-Senju, S a aussi ce quelque chose d’une signature humaine qui tranche, sympathique, sans maniérisme, directe, populaire. S est empathique. L’infirmière est infirmière. Elle me remet ainsi sur l’écran de la pensée géographique Tateishi, et aussi une sorte de promesse lâche, pas tenue cette année, de déplacer le curseur de Tokyo vers un nord-est à soi, avec des extras qui ne sont pas du tout du nord-est, comme...

Café moulu, ire et jus pisseux sanguinolant

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#### Apparitions Est apparue au fond du fond de la cuisine une bouteille de jus de hassaku à robe d’urine tâchée de sang, vue annonciatrice, à date de péremption du 7 décembre 2022, donc de la récolte de fin d’année 2021. Et apparu aussi avant cela un paquet de café torréfié et moulu de Dream Coffee oublié au fond d’une étagère. Le jus est parti au lavabo; le café s’est avéré par deux fois mauvais, et le reste de poudre est parti à la poubelle. Tout ceci est irritant, tout comme passer l’autre jour à bonne distance de Dream Coffee pour constater malgré tout que l’immeuble est dans le même état que depuis la fermeture, et que seules les feuilles de papier blanc, ultimes livre d’or du lieu, ont disparu, emportées par les éléments récents ou par un collectionneur obsédé. Deux questions restent en suspend : 1. Edmond Dantès est-il un transfuge de classe? Aucun papier docte trouvé sur le sujet. L’abbé Faria l’instruit de tout et mêmes des codes? 2. Pourquoi Dantès ne vient-il pas à Tokyo re...

Notes du 29 juillet 2024 à Tokyo

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#### Université du cochon Ajout de Fruit Ozawa à la liste des lieux Où écrire à Tokyo. Comptoir de jus de fruits et légumes frais dans le New Shimbashi Building, où l’on voit maintenant passer quelques touristes. On n’en voyait pas dans ces endroits au plus près du quotidien avant le covid. Ils viennent boire nos jus et bouffer notre riz. Surtout, ils banalisent le paysage urbain comme si à Barcelone. Certains angles de la ville ressemblent à un article bâclé sur le surtourisme, comme tous les articles sur le surtourisme dont la recension en boucle a pour objet de l’entretenir. ####Postes de vigie urbains Envisager de créer une sous-catégorie “Lieux d’observation”,  Postes de vigie urbains ou quelque chose dans cette veine pour ces lieux moins appropriés pour sortir son iPad et écrire, mais parfaits pour observer. En perspective le cul sur un micro siège attenant à la micro table avec un verre de jus de pêche à 450 yens pas très bon ce jour, soit 50% au moins du prix moyen d’un déj...

Temps irréels - Version remaniée 19 juin 2024 -> 25 juillet 2024

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  ####仏壇. Butsudan En parallèle à la promesse de l’expérience d’un consumériste harmonieux de bout en bout - sans doute encore pour longtemps promesse implicite japonaise exclusive - les nouilles pas chers, les trains à l’heure, les wagons de trains immaculés et toilettes abondantes nettoyés par des précaires heureux de l’être, contemplatifs, comme au cinéma de bobos, l’invisibilité des violences et des déchets, l’invisibilité des pauvres par incapacité de lire les signes de la précarité noyés dans le derme de l’organisation, l’harmonie étant d’abord ce que voit et expérimente le consommateur au bout de la chaîne de services, les derniers 10 mètres de cette chaîne, à côté de laquelle se trouve un tracé perpendiculaire. On peut en faire l’expérience par exemple à Kappabashi où à côté des couteaux affabulés par les garçons, et la vaisselle un peu moins par les filles, se trouvent des éléments clés du commerce de la mort. Des temples bien sûr avec de petits cimetières attenants, et po...