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Tu sais

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Cet échange m’est très agréable tu sais. Je partage un peu de ton quotidien à distance. Tu me signales ce restaurant coréen à Lyon que j’avais repéré à Tokyo sur la mappemonde et suspecté d’être à ton goût, et se révélant en direct effectivement excellent. Et les gens sont sympas écris-tu. J’ai parcouru les commentaires élogieux. La mention sympa est quasimment systématique. Elle est rare ici comme tu le sais, friendly, katakana, terme étranger. J’en ai profité pour cliquer à l’ouest près de Fourvière autour de la gare Lyon Saint-Paul où le fait d’y avoir passé deux nuits à proximité ensemble a rendu le territoire autour de la placette comme si familier, un air de déjà vu, ailleurs. Tu vois comment ont peu mêler dans une même phrase des lieux si éloignés, géographiquement. Les airs de déjà vus ailleurs se percutent sans violence comme au billard. Pas de souvenirs de touches de sympathie pour autant. La boulangerie moderne sur la placette qui ne fait que cuire des produits industriels g...

L’intégrale : Tokyo - Journal de résidence - 2005-2013

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  Vous pouvez récupérer via ce lien l’intégralité des textes de Tokyo - Journal de résidence de 2005 à 2013, c’est à dire ceux publiés sur feu le blog de LeMonde.fr. Il s’agit des textes uniquement, non-édités, non-révisés, non-corrigés. Manquent les photos et illustrations qui existent, mais dont l’intégration m’est hors de portée. Format Epub uniquement. Selon le mode d’affichage, comptez quelques 2400 pages.  Bon courage.

Ecrire beige

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Escalier à pic à Koenji. Relecture du Journal du dehors d’Ernaux Annie qui sonne maintenant différemment avec le capital de lectures et d’investigations accumulées.  “J’ai évité le plus possible de me mettre en scène et d’exprimer l’émotion qui est à l’origine de chaque texte.“, ce ”plus possible” soulignant le (presque) impossible de l’ambition, ou sa difficulté extrême à s’y tenir, comme l’auteure elle-même l’expose.  Se trouve ainsi en tout cas réglé le problème du risque de glisser dans l’anecdotique plaisant, le bon mot et le sourire associé de connivence qui fige, tout comme peut-être un procédé technique quand à décider d’écrire un ouvrage par exemple sans la moindre lettre “e”. Je ne sais pas si Perec s’était imposé la tache avec humour en coin comme fleur au fusil, ou avec soucis, ou si l’exploit générant invariablement un étonnement rien qu’à l’écoute du procédé n’engage pas pour autant le lecteur potentiel à lire. Tout comme moi-même qui n’a pas lu ce Perec là....

Sur d’autres angles urbains

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Sushi Sada ferme après 101 ans de service et quatre générations Où écrire à Tokyo - Un guide pour s’ancrer en ville - est un modèle post-touriste, post-guide, un ensemble de propositions qui ne concernent qu’une marge microscopique de récepteurs intéressés. Derrière ces propositions ne se cache pas une affirmation de posture, car la question fondamentale pour sortir des schémas touristiques qui se distinguent peu des schémas du résident en temps libre est celle-ci : comment y être. On ne quitte pas la pensée touristique pour proposer “un autre tourisme”. L’industrie du tourisme QuiNousTient rattrape tout, à commencer par le discours qu’elle monopolise, y compris les discours de critiques du tourisme. Il ne sert donc à rien de ferrailler avec. Il ne s’agit pas de prosélyter, de recruter. Quand la Maire de Paris diffuse sa lettre d’information Que faire à Paris, je lui renvoie en écho silencieux à 10 000 km la réponse qui me sied et expose toute la problématique : y être. Et donc, commen...

Les hauts de Kagurazaka

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La face cachée de Moby-Dick ####Factuel Les hauts de Kagurazaka ont maintenant une boulangerie et un traiteur autour du jambon cru et autres salaisons et pâtés.  ####Ressenti Les hauts de Kagurazaka deviennent toujours plus commercialement orientés dans la gentrification consommatrice occidentale bobo, plus qu’immobilière peut-être, illusion de l’extension de la palette des choix. Mini-chambre de maturation des jambons suspendus comme objet central de la déco. Retirez-là et vous avez un bar à espresso tendance bois béton. Extension du domaine du partout ailleurs bourgeois comme partout ailleurs.  Est-ce d’intérêt? ####Soutien enthousiaste et pas payé pour les flux agro-alimentaires gentrificateurs Super! On peut maintenant acheter sa baguette de Tokyo, son jambon, son pâté, son saucisson et son fromage bien de chez nous, sans oublier les douceurs, dans les hauteurs de Kagurazaka! Au top! ####Soutien enthousiaste et payé par les flux agro-alimentaires gentrificateurs Ça se pass...

Investir le factographisme à Tokyo, achever le fétichisme

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A Nihonbashi comme à Shibuya, objectif : effacer le ciel. Sur “La forme des jours. Pour une poétique du journal personnel”, l’auteur Michel Braud énonce que son “propos est de relire les textes déjà classiques et de lire ceux qui ont été publiés dans le dernier quart de siècle, pour redessiner les contours du genre”, ceci après avoir souligné que le “journal personnel est devenu aujourd'hui, dans les publications de grande diffusion et sur internet, l'une des formes les plus communes de témoignage individuel, quelle que soit l'expérience vécue. Il s'est aussi progressivement imposé dans le domaine littéraire, et notamment dans le domaine littéraire français et francophone, comme un genre”. Il y a donc le genre journal personnel, et le journal personnel littéraire, c’est à dire d’auteurs publiés, les autres n’étant que de minables scribouilleurs amateurs comme aucun de leurs écrits ne figurent sur les présentatoirs de livres. La bas ne blesse-t-il pas? C’est totalement h...

Tentative d’épuisement d’un lieu tokyoïte - test 1

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  La date : 31 janvier 2024 L’heure : 12 h 59 Le lieu : Excelsior Caffè Kichijoji Sortie Nord, à la terrasse Jeune fille dénudée jusqu’au haut des cuisses bottes noires anorak blanc disparaît dans le FamilyMart en face. Bruit de bouteilles sur chariot de livraison poussé par un homme accompagné d’un autre. Quatre fûts métalliques de bière. Le bus 14 passe.  La jeune fille de tout à l’heure sort du FamilyMart et disparaît vers la droite. Un couple passe, chacun un étui de guitare en bandoulière sur le dos. Ils parlent joyeusement. Un hélicoptère passe invisible.  Le bus 06 passe précautionneusement. Il est bondé. Bruit de fond du passage en trombe du Super Express de la ligne Chuo JR qui ne s’arrête pas à Kichijoji. Un cuisinier vêtu de blanc, calotte façon marin, masqué de blanc aussi, bottes en plastique blanches passe. Passage du bus 01 très clairsemé. Bus 06. Jeune homme debout en attente juste en face de dos. Manteau beige presque blanc, sneakers et pantalon noirs, co...

Toujours pas de bus 86

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Macro. Sur le poteau rouge, l’affichette indiquant peinture fraîche reste en place trois jours d’affilées malgré l’hygrométrie hivernale. Peinture coriace. Dialogue soutenue en chinois dans le café. Elle tousse un peu. Elle vient d’avaler un sachet de médicament en poudre. Leur conversation sonne joyeuse, tonique. Elle évoque peut-être ses agacements assez anodins sur son lieu de travail , sur un ton amusé, et les bourdes de ses consœurs et confrères. Juste une hypothèse.  Toujours pas de bus 86. Un homme d’apparence vestimentaire assez miteuse, masque ne recouvrant ni le nez ni la bouche. Il tergiverse puis s’adresse au patron pour passer commande. 3125 yens de café en grains. Il enfourne ses achats dans un sac à dos fatigué blanchâtre où figurent des idéogrammes à la couleur délavée. Je pense brièvement qu’il s’agit peut-être des noms de sanctuaires visités lors d’une tournée sur un chemin de pèlerinage en province. Un voyage dévot il y a longtemps. C’est un habitué de l’achat de...

Non-récit

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La calligraphie de l’immeuble Inokashira Expériences de la vie ordinaire à Tokyo. Aucune vie n’est ordinaire. Seul l’ordinaire tranche. Pas d’aventure, de tournant soudain. Même un tremblement de terre bref l’autre matin me fait littéralement tomber du lit, mais ce n’est pas un évènement.  Quelques lignes de Gare du Nord de Joy Sorman et abandon rapide de la lecture que je me souviens vaguement avoir tenté il y a un temps long. Il n’y a rien d’ordinaire à être invitée par un organisme culturel à déambuler librement six jours durant pour en faire une chronique de l’ordinaire. Il n’est pas ordinaire d’être accueilli dans le poste de conduite d’une locomotive ou dans le poste de commande d’aiguillages. Tout ce qui peut sortir de descriptif de ces opportunités d’exception n’est pas de l’ordinaire mais du journalisme. Bon, ce n’est pas que ses cuisses dénudées mais ce que son profil évoque elle assise à Dream Coffee devant son compagnon très classe, élégant oreilles percées. Elle, un ...

Longtemps je me suis couché de bonne heure dans mon futon

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Cette thématique que nous allons aborder bientôt à Ecrirea.tokyo - écrire dans la langue autre - est un moteur de penser.  Il y a Beckett, mais avant tout Conrad avec ce texte de 1994 découvert très récemment, THE MULTILINGUALISM OF JOSEPH CONRAD, Alicia Pousada, English Department, College of Humanities, University of Puerto Rico, Río Piedras. En amont, il y a le translinguisme avec The Translingual Imagination, auteur Steven G. Kellman - les 60 premières pages - qui permet de couper court à toute envie de s’ébahir de ce que Ryoko Sekiguchi écrive en français, ou Yoko Tawada en allemand. Grand bien en fasse aux lecteurs. Pour l’écrivain potentiel, qui hésite peut-être, dans une langue autre, hésite parce que la procrastination est plus forte, il faut énoncer les conditions pratiques de la possibilité de ce faire, dans ce résumé essentiel du cas Conrad :  Throughout his entire life, despite an incredible grasp of the flow and rhythm of the English language, despite a prodigiou...