Sur d’autres angles urbains

Sushi Sada ferme après 101 ans de service et quatre générations

Où écrire à Tokyo - Un guide pour s’ancrer en ville - est un modèle post-touriste, post-guide, un ensemble de propositions qui ne concernent qu’une marge microscopique de récepteurs intéressés. Derrière ces propositions ne se cache pas une affirmation de posture, car la question fondamentale pour sortir des schémas touristiques qui se distinguent peu des schémas du résident en temps libre est celle-ci : comment y être.


On ne quitte pas la pensée touristique pour proposer “un autre tourisme”. L’industrie du tourisme QuiNousTient rattrape tout, à commencer par le discours qu’elle monopolise, y compris les discours de critiques du tourisme. Il ne sert donc à rien de ferrailler avec. Il ne s’agit pas de prosélyter, de recruter. Quand la Maire de Paris diffuse sa lettre d’information Que faire à Paris, je lui renvoie en écho silencieux à 10 000 km la réponse qui me sied et expose toute la problématique : y être. Et donc, comment y être.


####Notation du réel dénuée de ses propres affects et interprétations 

Description neutres de scènes, de propos, de graffitis 


Compilation de textes, montage, assemblage pour montrer Retranscription/sélection de textes factuels pour exposer 

Mise en poème de textes non-littéraires 

Activation de dispositifs d’interrogation, des textes et du monde par l’acte de rendre compte 


Tokyo, une patate chaude. Je propose qu’on se la repasse. Se mettre d’accord sur un territoire commun. Ecrire chacun sur ce territoire sans se concerter. Réunir les écrits sous forme d’un livre.


####Expérience de l’urbanité


Dans Café Society chez Palgrave MacMillan (2013), un recueil de textes universitaires de sociologie (pourrait être de la sociologie littéraire, donc non-universitaire) sur les cafés dans la société, Erling Dokk Holm, un contributeur doctorant, analyse dans un texte intitulé Design for Solitude les conditions de l’aménagement intérieur d’établissements particulièrement fréquentés par des habitués recherchant la solitude en société. 


Aparté : la lecture d’études sociologique souvent calme.


Il interroge des clients et recueille entre autres commentaires courants ceci : “Many of them considered the combination of a (rather) crowded room with a solitary position as “urbanity”: “This is what urbanity means to me, to be alone in a room with other people in the same situation. Sharing something, sharing the coffee, and the notion of sharing it...something like that,” said one of the informants, summing up what many of the regular users of these coffee bars seem to experience.”


En attendant l’ouvrage, la lecture du texte Ecrire le quotidien aujourd’hui : formes et enjeux de Marylin Heck, 2019, informe sur les lignes de crêtes à investir dans l’écrire à Tokyo, à mettre en parallèle avec l’interview combattante de Sandra Lucbert que je ne manquerai pas de citer encore et encore, intitulée Pour une littérature hégémonique. 


####Cheminement


Au départ d’Ikebukuro, il s’agit de faire un détour d’abord par le square Nishi-Ikebukuro puis bifurquer le terre-plein circulaire sec nommé parc Ikebukuro Nishi-guchi qui figure en vert sur la mappemonde Google.


On rejoint l’accès sud en hauteur de la station JR via les escalators et l’on s’évite ainsi la foule en sous-sol, qui n’est pas fondamentalement désagréable mais, à Ikébukuro en particulier, exige beaucoup d’attention pour naviguer dans le flux. Direction Ueno, montée en tête du train, descente sortie Shinobazu. Il s’agit comme routine esthétique habituelle de bifurquer à angle droit sur la gauche après les portiques pour déboucher sur le hall de la gare d’Ueno qui est de belle facture, si belle d’ailleurs que son amplitude diminue considérablement l’écho de la présence commerciale alentour. 


Sur une partie du parvis couvert se trouve aujourd’hui une exposition vente de produits d’Aomori. Hormis de rares produits frais - des légumes - tout le reste est de la production touristique alimentaire qui n’a que peu de choses à voir avec ce que les Aomoriens consomment à Aomori qui est très peu distinct de ce que l’on consomme à Tokyo.


.Après avoir envisagé de descendre au sous-sol pour prendre la ligne Ginza, je décide de poursuivre à pied avec déjà la tension du savoir qu’à un moment il faudra invariablement traverser l’imposante  route 452 où passent les semi-remorques pour s’engoufrer sur la rue Kappabashi-Hondori, celle qui vous met la Sky Tree en plein dans la perspective, qui est la position éloignée suffisante et esthétiquement intéressante pour ne pas la mépriser outre-mesure. Je vais à Kitchen World TDI pour acheter de nouveaux couvercles en plastique des pots en émail, la partie qui s’use par dépôt minuscule d’aliments dans la rainure de fermeture difficile à nettoyer qui constitue un remugle contaminant à force d’usage au quotidien.  Le couvercle en plastique coûte 300 yens l’unité. 


Achat de poivre noir concassé de taille 1/8, et 1 kg de sel de Guérande pour remplacer le sel fin japonais qui ne l’est pas. Prendre un café à Sensing Touche of Earth, et plus largement dans ce quartier, est devenu peu important si pas au bord de la désenvie, tant d’autres routines plus fondées se sont développées ailleurs depuis. Un passage tout de même à la boucherie Tochigiya pour un menchikatsu froid à manger sur le pouce dans une rue adjacente - idéalement, on aurait en permanence avec soi du jus de citron - et confirmer qu’effectivement, celui-ci est bien meilleur que celui du marchand de fritures dans la ruelle en renfoncement derrière le magasin d’alimentation Takano sortie nord de Koenji, ruelle dont les qualités esthétiques rendent ce territoire irremplaçable, d’autant plus en regard des alentours de Kappabashi très dépressifs.


L’ambition de l’exposition de ces routines personnelles n’est pas de se vanter d’en avoir, mais d’énoncer ce que font les routines dans la mobilité du quotidien. 


####Efficience


A L’hôpital, au comptoir de paiement après la visite, une petite pancarte invite les patients qui ont enregistré à l’arrivée leur carte MyNumber à le signaler, signifiant ainsi que le système informatique de l’hôpital n’est pas couplé au système informatique de l’état, ce qui rend l’usage de MyNumber inutile d’autant plus que cette carte ne remplace pas celle de l’hôpital qui reste indispensable pour signifier son arrivée et obtenir la feuille A4 d’enregistrement pour la consultation. La corrélation entre les données non-liées se déroulent au niveau du back office par entrée manuelle sur clavier. 


####Limiter le liquide à l’eau chaude


La direction des affaires sociales de la mairie, section care des personnes âgés de 65 ans et plus m’informe que je pourrai bientôt bénéficier d’un pass bains publics couvrant un total de 9 établissements, 4 dans l’arrondissement et 5 proches ailleurs, pass valable un an à compter d’avril prochain. Je suis invité à répondre en cochant 1. Intéressé, 2. Pas intéressé. Les bains publics ne sont pas des établissements publics pour autant mais privés. Le choix devrait être étendu à d’autres établissements de care, un café de son choix, un bar à sakés favori, plutôt que de limiter le liquide à de l’eau chaude.


####Plus tard, un prétexte pour passer à Koenji et s’émerveiller encore de l’ambiance avec les rares tas de neige déblayée fondant sous le ciel de printemps




Encore un effort avant que d’atteindre le stade d’une notation du réel dénuée de ses propres affects et interprétations. 


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