Se pelotonner dans les chambres de Tokyo


Cette fascination pour le garage en plastique jaune avec son toboggan et ses niveaux de parkings, les voitures Corgi, les camionnettes, le tracteur, la moissonneuse batteuse, le taxi jaune sans doute vu dans la chambre à jouer d’un autre plutôt que possédé par soi, le bus rêvé, la deux chevaux, les modèles anciens aux carrosseries rouges en fuseau bakélite, la grue sur véhicule, la dépanneuse rouge aussi, la pelleteuse, la moto qu’il faut certes citer aussi, machine apparue en fin de course d’intérêt pour ces choses là, aucun de ces engins ne m'aura rendu conducteur. Faillite totale et satisfaisante de l’industrie automobile. 

####Yaourt - ou tentative de détournement de titres à la une de Nature

La course mondiale est lancée pour atterrir sur la Lune. Comment les écrivains et maçons textuels testent leurs modules d’atterrissage d’écrits. Une première bibliothèque érigée dans un cratère. 

Découverte d’un récent océan en évolution à l’intérieur de la lune Mimas de Saturne. Nos reporters sont sur les lieux.

La surprise d’un océan dans les abîmes de Mimas provoque une remise à jour du Livre des Règles concernant les Lunes (LRL). Nos scribes sont sur les lieux. 

Livre des Règles concernant les Lunes (LRL).

Livre des Règles concernant les Runes (LRR)

####Mystères

Quelques lignes du début des Mystères de Paris jamais lu. Panache. C’est du Dumas simplifié.  C’est noir et misérable et putride, mais jamais les odeurs pestilentielles de la ville pauvre sont décrites. Mention du Palais de Justice de Paris et souvenir immédiat alors de passage de cette brève vision d’un homme grand très âgé marchand seul lentement dans le marché aux fleurs proche, celui jouxtant la rue de la Cité. Il était vêtu d’un long manteau de fourrure hors saison, ce devait être le printemps, d’une élégance autre.

####Les chambres de Tokyo

Julien Gracq, la forme d’une ville.

Habiter une ville, c’est y tisser par ses allées et venues journalières un lacis de parcours très généralement articulés autour de quelques axes directeurs. “

Axe n’est pas heureux, terme pollué par l’association _axe routier_ qui d’emblée évacue l’élément humain central de la ville au niveau de ses quartiers, ses bulles, ses poches : le marcheur, la marcheuse, les enfants qu’on ne voit que rarement marcher. 

Si on laisse de côté les déplacements liés au rythme du travail, les mouvements d’aller et de retour qui mènent de la périphérie au centre, puis du centre à la périphérie, il est clair que le fil d’Ariane, idéalement déroulé derrière lui par le vrai citadin, prend dans ses circonvolutions le caractère d’un pelotonnement irrégulier.

Jouant dans les rues proches, les enfants deviennent citadins, c’est à dire experts en proximités. 

Et toi, tu te pelotonnes où à Tokyo? 

Dis-moi où tu te pelotonnes et je te dirai qui tu es.

François Bon sur une vidéo récente qui affabule sur Shibuya et le carrefour - c’est dingue ce gobage copier-coller systématique, comme qu’on dirait “la plus belle avenue du monde”. Se pelotonner à Shibuya. 

tout un complexe central de rues et de places s’y trouve pris dans un réseau d’allées et venues aux mailles serrées (…) “

Hier à la petite terrasse sur la ruelle à Koenji-nord, je fais un cours de français de 30 minutes à 10 000 km de là. Nous commençons à 17h et donc vers la fin, on est passé du jour à la pénombre, et d’un passage de piétons très dilué à une soudaine densité que je ne m’explique que par la probabilité qu’il s’agit du début de l’heure des bars. C’est dimanche.

####Dépression de la densité-quartier

les pérégrinations excentriques, les pointes poussées hors de ce périmètre familièrement hanté sont relativement peu fréquentes. “

C’est tellement bien vu. C’est exactement de cela dont il s’agit, et ce qui compte même quand abordant une ville nouvelle. Ne pas s’éclater. Ne pas se disperser sauf à ne ressentir en rien les “mailles serrées ” des territoires. Rester dans le local, le coin et les redites de passage pour y sentir ce que seraient les routines à soi, si on y résidait.  

Revenir n’est pas radoter. C’est creuser, faire nid.

D’autant plus qu’à Tokyo et dans les villes japonaises, la densité-quartier se dilue soudain, brusquement, fortement, pour tomber - sentiment de chute de tension - dans le calme certes, mais la morosité des espaces résidentiels comme si inhabités par absence massive d’humains, même dans les jardinets si jamais mais rarement ils sont visibles derrière les murs. 

Il n’existe nulle coïncidence entre le plan d’une ville dont nous consultons le dépliant et l’image mentale qui surgit en nous, à l’appel de son nom, du sédiment déposé dans la mémoire par nos vagabondages quotidiens.

L’atonie lugubre du temps covid a permis cela, l’acquisition-révélation d’une conscience aiguisée d’où débute l’atonie, et en quels lieux et à quels moments de pérégrinations le manque du “cocon habité” se fait sentir. 

tout autour de ce cœur que mes déambulations réactivent jour, des anneaux concentriques d’animation pour moi seul décroissante sont peu à peu gagnés, vers la périphérie, par l’atonie, par une indifférenciation quasi-totale.

Et donc, apparaît et se confirme au fil du temps “le magnétisme des chambres centrales du labyrinthe” des quartiers. 

Ce sont les chambres centrales du labyrinthe qui exercent sur l’homme de la ville leur magnétisme, ce sont elles qu’il revisite indéfiniment, le pourtour tendant à ne plus figurer qu’un écran protecteur, une couche isolante dont le rôle est d’enclore le cocon habité, d’interdire toute osmose entre les campagnes proches et la vie purement citadine qui se verrouille dans le réduit central.

Ce verrouillage en chambres est une liberté gagnée, une lucidité acquise, sans retour, sans regret. Dans chacune de ces chambres se trouvent ses couettes favorites. 










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