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Littérature allochtone - Extrait

(…) Voici un terme à tenir dans la main, à palper, soupeser, caresser, frotter, humer même, lécher comme on goûte un galet, un terme à observer sous toutes ses faces, la main tendue vers le ciel avec le soleil aveuglant, sous une lampe douce le soir. Comment ce terme est-il apparu? J’étais parti encore une fois sur une recherche dont je ne me souviens déjà plus de l’amorce, quelque chose de l’ordre de  la littérature d’expression française au Japon . Coup sur coup sont apparues diverses choses intéressantes, mais  allochtone  est en fait venu en dernier après avoir modifié le tir de la requête pour taper  littérature migratoire . Ce qualificatif ne m’est pas venu à l’esprit pour autant mais est apparu en cours de recherche, à un moment de survol rapide des résutats. Parmi les traces, il faut retenir : La  fiche d’information  du 12 juillet 2019 sur Fabula au sujet d’un appel à contribution pour une revue intitulée Alternative francophone avec un numéro consacré au  Néojaponisme et reno

Apologie de la ligne droite à hauteur d’Arakawa-Nichome -Extrait - Août 2021

Je voudrais ici vous faire part de la beauté apaisante de cette portion de ligne droite du tram de la ligne Toden-Arakawa entre les stations [Arakawa-Nanachome] et [Arakawa-Nichome]. Pour goûter cette sérénité piquée d’étrangeté, vous vous tiendrez sur le quai de la seconde station en toute saison, dans le sens des rames en direction du terminus proche Minowabashi. De là s’exposent plusieurs caractéristiques de la disposition des éléments narratifs de l’espace, la première étant l’invisibilité au loin de la station Arakawa-Nanachome qui se trouve juste avant cette brusque courbe du tracé, quand les voies contiguës bifurquent soudain de leur élan vers l’est pour tomber littéralement plein sud. De même, la station suivante - Arakawa-Kuyakushomae - est tout aussi invisible du fait d’une seconde courbe. La seconde caractéristique puisque vous l’attendiez est qu’entre ces deux courbes se trouve une portion parfaitement rectiligne du réseau avec pour conséquence un délicieux effet cinétique

Cet air de rien - Extrait

Dans la rue sombre l‘autre soir à la fraiche, nous sommes reconnus. Une voix féminine, joyeuse, nous interpelle. D’abord, nous ne la reconnaissons pas. La personne s’approche de nous à pas pressés, et puis à une quinzaine de mètres et malgré le masque, nous reconnaissons M, la maîtresse. Elle n’a pas changé, elle est joviale, heureuse de nous voir et le clame. Elle a tout juste pris un tout petit peu de rondeurs et aussi beaucoup d’assurance comme elle avait la vingtaine il y a une bonne vingtaine, et qu’elle en a donc une bonne vingtaine de plus. On s’enquiert réciproquement des nouvelles de la progéniture. Je trouve sa réponse remarquable au sujet de ses deux plus grands qui sont nous apprend-elle dans les affres d’examens d’entrée au lycée pour un, à l’université pour l‘autre.  > J’ai maintenant le souvenir de les avoir croisés au carrefour pas loin en journée et d’avoir échanger aussi dans cette même ambiance de bonheur simple de se rencontrer par hasard. Je me souviens que ses

Le sens de la frontière - Extrait

(…) Ce fut spontané que d’être invités sur la messagerie à passer prendre un verre le lendemain, ce à quoi je répondais qu’on pouvait y être maintenant, dans un quart d’heure, comme on sirotait un café à une encâblure de là. Mais à l’arrivée, le comptoir compartiment de troisième classe était plein à ras bord et visiblement pas prêt de décanter. Je passe au présent de l’indicatif, mais la situation nouvelle, une première, demanda de ne pas lâcher l’occasion et de chercher donc une autre solution de boissons dans le quartier. Il y a E qui apparaît sur l’écran faisant des signes de sémaphore. Elle revient de la gym. Elle et moi sont sur la même longueur d’onde, celle des femmes au foyer. Plus tard confortablement assis, on parlera de tofu, celui qu’elle préfère et où elle l’achète. Mais en attendant se met en place une scène improvisée et heureuse quand S entre dans la partie pour suggérer quelques débits de boissons dans le coin. On passe d’abord à la cantine de soba à deux pas pour ap

Les écritures qui viennent - Extrait

J’ai trouvé l’énoncé de l’auteure Minh Tran Huy sur l’impact de la lecture de Haruki Murakami remarquable de clarté. Cela figure dans l’arme de propagande dénommée Journal du Japon : « Comme Hajime et Shimamoto-san, je savais ce que c’était que d’être à la poursuite d’une terre rêvée, d’un monde où l’on se sentirait enfin chez soi, éprouvant la même plénitude que dans l’enfance ou l’amour. Ne pas ou ne plus avoir de sentiment d’appartenance, errer dans un univers flottant, aux frontières poreuses, m’était chose familière, et je n’imaginais pas tenter de (re)trouver une forme d’unité et de permanence en me rendant, par exemple, dans le pays où mes parents étaient nés. Ma patrie véritable n’était pas celle de leur souvenir, ou de l’illusoire représentation que je pouvais m’en faire. Ma patrie, je l’arpentais chaque fois que j’ouvrais un roman de Murakami. Je n’en avais pas hérité ; je l’avais choisie et elle avait ceci d’extraordinaire que je pouvais réaffirmer le choix de m’y enraciner

Route 458 : Un moment américain à Tokyo

Le passage du train ... ... au niveau de la route 458 une fois descendu des hauteurs de la station Tabata ... ... est un moment américain.



Misérables beignets

Je préfère les circonstances de l’artiste que l’oeuvre, souvent. Lire la plus récente biographie de Francis Bacon, un tome comme qu’on disait autrefois, épais comme un annuaire téléphonique (le choeur : un quoi?!), c’est lire les circonstances de la personne dont les tableaux ne me parlent que peu. Mais quand il est question pour Bacon à l’âge de 17 ou 18 ans de se trouver à Paris après un séjour dans le Berlin de Weimar, et que les auteurs qui sont allés chercher dans l’imagination un surplus de détails hypothétiques au sujet d’une période de la vie de leur sujet dont il n’existe aucune trace ni même témoin, évoquent en quelques lignes son passage dans un hôtel de la rue Delambre, dont le Lenox, suivi d’une liste dense de tant d’autres artistes qui ont séjournés dans cette rue - tiens, Miller aussi!? - c’est une mini-explosion de souvenirs personnels qui affleurent soudain en surface. On a peut être couché dans la chambre de Bacon, de Miller ou de Zara! Mais comment en être conscient

En bref

Nyngyocho en contre-jour. C’est encore charmant ce quartier.  Vue d’un des panneaux vitrés du foyer de la salle de concert à Ueno, la canopée du parc est époustouflante. Sur le terrain, elle est plus difficile à cerner. Après une heure de concert, je sors prendre l’air dans l’incapacité de rester assis plus longtemps pour la seconde partie. Temps pré-glacial, pré-neigeux mais heureusement pas de bourrasque. Le sanctuaire Toshogu juste au sud du zoo est remarquable, de ces paysages qui me font penser qu’il est inutile d’aller à Kyoto pour voir la même chose, le même esprit s’entend. Un énorme sujet bouffi de fruits dans la perspective. Amanatsu? Natsumikan? Les travaux de réaménagement du parc qui seront achevés pour le retour des hordes amplifiées sont calqués sur les immenses avenues de fiefs urbains de dictatures. On ne reconnait rien ici de la canopée vue tout à l’heure, comme s’il s’agissait d’un trompe l’oeil. Avenue à gestion de flux et de surveillance. Les deux vont de paire. Ré

Intuition-remémoration-remémorance-réapparition

Le couloir marchand Dainistore 第二ストア à Zoshigaya. Encore oublié même si tout le quartier alentour est en mode démolition péri-urbanisation intra-muros architecture glâbre identique aux banlieues, matériaux faux à péremption programmée, isolation thermique mensongère, maisons individuelles de pacotilles plastifiées.  Relecture des Ruines de Paris de Jacques Réda. Réda est un modèle, le modèle d’écriture en mouvement face auquel ce Tokyo de l’écriture d’ici résiste, m’échappe constamment. Ne pas résister par contre à la bouffée de nostalgie en embuscade. Page 11 alors que les feuillets précédents se sont détachées de la tranche : “La librairie anglaise vient de s’éteindre sous les arcades.” C’est Smith & Son Paris plutôt que Galignani, non? J’ai même le souvenir des ces fins de soleil couchant flamboyant où la rue de Rivoli à ce niveau devient or et noir, donc en été, et qu’il ne reste qu’une circulation d’autos qui va s’évanescent, et que le piéton est devenu soudain rare et ombré d

Retour à Kitasenju

Une énorme bouffée de solitude en arrivant à Kitasenju, heureusement évacuée bientôt par les circonstances. Le carrefour QR23+44 des rues Kitasenju Eki-dôri et la rue commerçante Senjuhoncho - de son nom historique, route de Nikkô - ressemble à s’y méprendre à ce point de vue 2Q36+FC à Kyoto sur la normalement touristiquée boursouflée avenue Shijo. C’est bien pourquoi Kitasenju me rappelle le Kyoto plat autour de Shijô, mais sans les mignardises et boutiques bobos. Ce quartier est vivant pour lui-même qui est une bonne approche provisoire de ce qu’est un quartier vivant. De ce point de vue, il est aisé de désigner les quartiers qu’ils ne le sont pas ou moins.  Aussi différent de Kyoto est la masse de verdure, l’horticulture privative le long des ruelles et goulets perpendiculaires qui bât en brèche la mornitude de passages où la vie humaine ne s’expose pas. Kyoto de ce point de vue fait glabre. Le Chôenji est superbe, lui aussi fourré de vert et de fleurs QR34+C7. Juste à côté le temp