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Les écritures qui viennent - Extrait





J’ai trouvé l’énoncé de l’auteure Minh Tran Huy sur l’impact de la lecture de Haruki Murakami remarquable de clarté. Cela figure dans l’arme de propagande dénommée Journal du Japon :

« Comme Hajime et Shimamoto-san, je savais ce que c’était que d’être à la poursuite d’une terre rêvée, d’un monde où l’on se sentirait enfin chez soi, éprouvant la même plénitude que dans l’enfance ou l’amour. Ne pas ou ne plus avoir de sentiment d’appartenance, errer dans un univers flottant, aux frontières poreuses, m’était chose familière, et je n’imaginais pas tenter de (re)trouver une forme d’unité et de permanence en me rendant, par exemple, dans le pays où mes parents étaient nés. Ma patrie véritable n’était pas celle de leur souvenir, ou de l’illusoire représentation que je pouvais m’en faire. Ma patrie, je l’arpentais chaque fois que j’ouvrais un roman de Murakami. Je n’en avais pas hérité ; je l’avais choisie et elle avait ceci d’extraordinaire que je pouvais réaffirmer le choix de m’y enraciner en racontant à mon tour une histoire d’initiation, de perte et d’errance. »

- Noter l’usage du mot patrie, comme patrie virtuelle. 
- Noter l’usage du mot enracinement, comme s’enraciner dans une fiction.
- C’est donc ce que le Japon offre aux affabulés? C’est autour de cela que s’articule la mécanique Cool Japan?

Plus tard viendront.

1. Les écrits du Japon qui compteront un jour seront issus de personnes s’y trouvant de longue date (mais pas seulement, lire la suite), et dans un futur lointain ces auteurs ayant trouvé des formules autour de l’hors-solisme, du nomadisme qui va revenir sur scène bientôt, dans les deux cas, formules hors des champs constitués par l’hédonisme et le spectacle absolu de soi. Autant dire qu’il s’agira là d’écrits de rupture avec le théâtre actuel en arrêt temporaire covid. 
2. Ils travailleront l’écriture sur, autour de et à partir de l’ambiguïté, du malaise, de l’étrangeté d’une a-patriation permanente, expérience somme toute ancienne et mondiale de ne pas y avoir trouvé de patrie, justement, la virtuelle ayant été largement annihilée par le vécu. 
3. La première condition sera de reconnaître ce malaise, et de ne pas le qualifier de défaut, et de ne pas être impacté par le regard réprobateur et méprisant pavlovien de ceux qui savent, marchands influenceurs nés ou devenus parvenus. Ces écritures improbables encore un temps, qui seront produites à  l’arraché, ne seront pas issues des réussissants économico-oligarchiques hors-sols, des sincèrement pâmoiśés ou des petites mains de la propagande génuflexiste ésotérisée qui constituent par exemple une bonne part des correspondants de presse à Tokyo - faut payer le loyer avec ces piges de misère et donc rentrer dans le moule éditorial - et plus généralement des voix japonesques qui sont comme les incontournables experts des plateaux télés et entretiennent la flamme du Japoniste 2.0, machine diplomatico-hédonistico-commerciale, mécanique à affabuler - tu bois mon Bourgogne, je bois ton saké - entre-soit réuni sur le yacht amiral de la flotte floutée du soft power. A ce sujet, lire dans le même organe de propagande l’article intitulé _Soft Power : que se cache-t-il derrière la « notoriété culturelle ? _écrit par un mastérisant en anthropologie, ou comment participer à la propagande en faisant mine de l’analyser. Ça craint pour l’anthropologie.
(…)
4. Lire le remarquable article [Return Flights] de E. Tammy Kim dans le numéro du 13 janvier du New York Review of Books, article de recension au sens large d’ouvrages autour des milliers d’enfants coréens adoptés hors de Corée depuis les années 50. Le chapeau dit :
Two hundred thousand South Korean children have been adopted since the Korean War. Adoptee memoirs, once full of confession and confusion, are now marked by confidence and rage.
Dans un contexte différent, prévoir d’ici quelques années l’apparition en français d’écrits d’enfants binationaux sur leurs expériences de la séparation, l’éloignement, l’ambiguïté, l’appartenance, l’ostracisme souriant, ou pas, suivant des phases peut-être identiques : confession, confusion, aplomb et rage. Ou pas. Cela ne peut qu’arriver et sera salutaire et ambigü à la fois, comme il se doit. C’est une question de temps. (…)