Accéder au contenu principal

Cet air de rien - Extrait



Dans la rue sombre l‘autre soir à la fraiche, nous sommes reconnus. Une voix féminine, joyeuse, nous interpelle. D’abord, nous ne la reconnaissons pas. La personne s’approche de nous à pas pressés, et puis à une quinzaine de mètres et malgré le masque, nous reconnaissons M, la maîtresse. Elle n’a pas changé, elle est joviale, heureuse de nous voir et le clame. Elle a tout juste pris un tout petit peu de rondeurs et aussi beaucoup d’assurance comme elle avait la vingtaine il y a une bonne vingtaine, et qu’elle en a donc une bonne vingtaine de plus. On s’enquiert réciproquement des nouvelles de la progéniture. Je trouve sa réponse remarquable au sujet de ses deux plus grands qui sont nous apprend-elle dans les affres d’examens d’entrée au lycée pour un, à l’université pour l‘autre. 

> J’ai maintenant le souvenir de les avoir croisés au carrefour pas loin en journée et d’avoir échanger aussi dans cette même ambiance de bonheur simple de se rencontrer par hasard. Je me souviens que ses deux gamins étaient particulièrement éveillés, dénués de la moindre retenue ou du moindre malaise à ma vue, égaux avec tout un chacun comme leur maman.

Dans la pénombre et seule cette fois-ci, elle dit la chose suivante au sujet de l’affre des examens :

_C’est vraiment dur pour eux! _

Suivi en riant de ...

_Mais bon, mais ce n’est pas mon problème!_

Je me suis dit que cette affirmation était purement remarquable, apaisante, digne d’une éducatrice, une puéricultrice qui a du vécu, du passif et le caractère associé qui lui permettent de se détacher ainsi des affects de ses enfants, et de l’affirmer. Ce faisant elle les singularise, fait la part des choses sur les sujets du stress du bachotage. Elle ne s’octroie pas la propriété et donc le contrôle dirigiste absolu de la situation, elle fait la part des choses et des personnes quand la mère moyenne ne ferait aucune distinction, ne mentionnerait jamais clairement qui est le sujet cible du stress, comme si ce stress est de fait un bien ou plutôt un poison commun de toute une cellule familiale, particulièrement dans le binôme mère-enfant qui stresse et se stressent réciproquement. Voilà qui m’a travaillé toute la nuit avec bonheur, et même jusqu’au matin.