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Intuition-remémoration-remémorance-réapparition




Le couloir marchand Dainistore 第二ストア à Zoshigaya. Encore oublié même si tout le quartier alentour est en mode démolition péri-urbanisation intra-muros architecture glâbre identique aux banlieues, matériaux faux à péremption programmée, isolation thermique mensongère, maisons individuelles de pacotilles plastifiées. 

Relecture des Ruines de Paris de Jacques Réda. Réda est un modèle, le modèle d’écriture en mouvement face auquel ce Tokyo de l’écriture d’ici résiste, m’échappe constamment. Ne pas résister par contre à la bouffée de nostalgie en embuscade.

Page 11 alors que les feuillets précédents se sont détachées de la tranche : “La librairie anglaise vient de s’éteindre sous les arcades.” C’est Smith & Son Paris plutôt que Galignani, non? J’ai même le souvenir des ces fins de soleil couchant flamboyant où la rue de Rivoli à ce niveau devient or et noir, donc en été, et qu’il ne reste qu’une circulation d’autos qui va s’évanescent, et que le piéton est devenu soudain rare et ombré d’autant plus au passage des porches.

Et puis une intuition-remémoration. 

“le parc rumine en contrebas d’une allée en terrasse ...”.

Il doit s’agir du jardin des Tuileries mais la géographie enfouie se réveille à l’énoncé, encore plus avec des bribes qui suivent comme ”Quelques marches et la terre ensuite heureusement recommence : un sol uni, humble, très lourd ...”.

Oui, ce n’est plus des Tuileries dont il s’agit désormais. L’auteur n’a (tous les auteurs n’ont) pas idée de comment le texte déborde comme le lait de la casserole un instant de trop laissée sans surveillance pour faire tache expansive, s’étendre vers d’autres lieux vécus. Je pense que le faisceau de remémorances se nourrit de bribes éparses, comme cette photo ancienne bien sûr de la construction du Parc des Buttes-Chaumont, lieu central de l’enfance. Mais il ne s’agit pas de faire dans la mélancolie, encore que celle-ci n’est pas une salissure. Non, il y a ces bribes qui forment ultérieurement faisceau surprenant, ludique et de connivence. Cette photo donc dans un chapitre du pavé La beauté d’une ville, et puis de découvrir dans le même livre qu’un chapitre suivant est consacré à Réda, ni plus ni moins, ce qui a du mettre en branle des remugles, cette fermentation vers l’envie de retrouver le bouquin dans la bibliothèque, débuter la lecture neuve fraîche et mouillée comme un galet poli sorti d’une rivière. Et donc les Tuileries deviennent Buttes-Chaumont aidées en cela par des bribes de terrain : sol uni, humble, très dur, empièrement, damage, frottement continu des semelles, vastes aires. Et tout cela s’énonce en page 11, coule avec aisance et gourmandise comme la tache de lait micro-tsunami que l’on ne rattrape pas sur la gazinière blanche d’émail. Et pas même encore la page tournée vient l’intuition d’un manège puisque les Buttes-Chaumont, c’est aussi un manège. Ne voilà-t-il pas qu’en page 12 justement apparaissent les expressions chevaux de bois et spirales de manège. Comme quoi les mots, c’est un complot d’images, de géographies et de remémorances, pas rances du tout. Penser manège, tomber dessus en page suivante. Petit miracle. Et c’est bien. Il faudrait un filet à papillons pour saisir ces bribes au vol, ou bien le couple carnet-stylo toujours prêt à décocher.

Sur l’écran

L’application de minutage et contrôle de présence se nomme King of Time. Roi de la barbarie. 

Sur la gentrification de Berlin

Recette standard. Journalisme inculte. Le marketing, ça sert justement à cela. 

It’s all the more sad, then, to see marketing materials for luxury apartment buildings or corporate event planners selling clients a Berlin lifestyle that they are so instrumental in damaging. If they continue to close the clubs that the queer community and its allies helped create, the city they so eagerly market will no longer exist.

Ecart de sens, sens de l’écart

Six of Europe’s best cities for vintage and retro shopping.

Sick of Europe’s best cities for vintage and retro shopping.

Réapparition de Swingle

Ne pas escompter, mais cette nuit est arrivé un mail surprenant. En mai 2020, j’étais tombé sur un article d’un blog d’une américaine investie dans la production de dattes. Elle y parlait d’une cliente qui l’avait contactée pour l’achat d’un produit, une pâte à tartiner de chocolat mélangée à de la mélasse de dattes. Cette cliente mentionnait comme en passant qu’elle était la petite-fille de Walter Tennison Swingle, son père Frank Swingle étant donc le fils, fils qui a pour habitude d’envoyer à sa fille à chaque Noël une boîte de dattes Medjool. L’auteur de l’article poursuivait en expliquant qu’elle avait finalement rencontré Frank Swingle. J’avais contacté cette marchande lui demandant de bien vouloir faire suivre à la famille Swingle quelques questions précises sur Walter. Il aura fallu attendre cette nuit pour recevoir un courrier de la petite-fille m’informant brièvement que mon mail d’origine venait juste de lui être transmis par la marchande qui l’avait égaré, et que si j’étais toujours de la partie, elle allait, elle avait déjà transmis ma missive à Frank Swingle who is 98 and smarter than I.