Les cartes inutiles
Oui, merci pour la photo. Il se trouve qu’il y a une autre version de cette carte promotionnelle pliée sur le buffet de la cuisine actuellement. Personne ne l’a dépliée jusqu’à présent. Je me suis sacrifié. Il est mentionné le prix de 300 yens au revers mais en fait ces cartes sont distribuées gratuitement. Il est aussi mentionné que celle-ci applique une intéressante technique de pliage - miura-ori - qui permet, moyennant un peu d’exercice - de déployer la carte in situ avec élégance et efficacité - imagines-toi debout immobile sur le trottoir de gauche en montant emmerdant tout le monde parce que tu bouches le passage - et tu tentes de comprendre quelque chose, sans doute à travers une succession de regards qui passent de la carte au paysage - mode d’être dans la rue totalement disparu - ton regard à toi progressivement fiévreux comme tu emmerdes tout le monde et que des regards en coin courroucés même clairement énervés derrière les masques te toisent furtivement. Le problème de cette carte - la pliable - est qu’elle n’est pas un objet d’aide à la mobilité mais une sorte de souvenir-talisman qui ne sert à rien, tout bonnement parce qu’elle est exhaustive. Celle que tu m’as envoyée couvre la partie supérieure de Kagurazaka à partir de la rue Okubo jusqu’au sommet de la rue Ushigomé-Chuo, juste là où ça dégringole sur la droite vers Edogawabashi.
Ça va? Tu suis? Et tout cela, sans carte.
Celle qui se replit effectivement très harmonieusement - bravo miura-ori! - couvre la partie inférieure, de la rue Okubo down to Kagurazaka-shita. Il y a donc deux associations de commerçants sur cette même belle pente dont la tonalité est effectivement très différente de part et d’autre de la rue Okubo qui figure une frontière. On ressent très bien ce passage de la frontière au feu, un petit quelque chose de poignant aux tripes. Ta carte semble moins exhaustive que la mienne où je n’ai même pas pu repérer Bronx tellement l’exhaustivité épuise le regard, alors que je pourrais t’y amener les yeux fermés avec les risques associés de se casser la gueule et provoquer encore plus de regards discrètement méprisants. Deux associations de commerçants donc deux budgets de promotion distincts, ce qui ravit les imprimeurs comme ces cartes qui ne servent à rien sont publiées en version mise à jour apparemment de façon régulière. L’impression papier qui ne sert à rien doit constituer encore un poste de dépenses non négligeable dans tout programme de promotion touristique.
Non, tu vois, nan, tu vois, comme dirait OS, j’imagine plutôt ces cartes étalées sur la table de la cuisine ou à même le sol dehors, et que l’on serait deux à zieuter et à se chamailler et s’aider mutuellement pour y pointer les lieux que chacun reconnait en particulier. La carte devient alors ludique, enfantine.
On me demande à l’instant une recommandation de pâtisserie à Lisbonne. 2017, café restaurant pâtisserie Lenita, du matin au soir, Rua Santos-O-Velho 30. Une dans la famille de Dream Coffee, lieux d’ancrage.
Mais c’est très hédoniste aveuglé que d’écrire cela.