La perspective rend morose de ne pas passer au retour par Wakayama, de ne pas y performer des routines annuelles ou bi-annuelles plaisantes, mais surtout de ne pas pouvoir rencontrer le Professeur, qui justifie à chaque fois de faire un détour rituel par Wakayama, de performer ces passages traces-consuméristes hédonistes, un café à Shake Hands Coffee, un petit-déjeuner à Marina, et de prendre le train express qui secoue pas mal, comme si sollicitant à outrance les capacités techniques d’une voie sans doute ancienne, s’arrêtant malgré tout trop souvent à des gares toutes secondaires dans le but inavoué et lancinant comme la honte d’être contraint de procéder ainsi sur une ligne à voie unique pour laisser passer un tortillard, exposant ainsi malgré le nom zéfirien du convoi la promesse vide de vitesse et de crinière au vent alors qu’il ne s’agit que d’un convoi tout juste un peu plus fringant qu’un omnibus. Les trains n’ont pas de crinière certes, un défaut animalier. Un moment dans le paysage pointent les collines couvertes selon les saisons d’agrumes scintillants, et dire de cette perspective qu’il va falloir bientôt s’en passer, se passer de cela et retourner illico à Tokyo sans aucun arrêt intermédiaire pour le seul plaisir de marquer un arrêt intermédiaire tel un détour, m’est source de dépis. Le Professeur a 80 ans, ce qui ne dure pas longtemps et les occasions de se revoir pour performer ensemble des protocoles dînatoires à un comptoir sont comptées. La dernière fois, je lui avais montré sur l’écran le Pont de l’Europe dont il se souvenait bien. Wakayama, Pont de l’Europe, éloge des grandes enjambées.
Ce matin lors d’un petit-déjeuner près de la gare de Tokyo, elle me raconte comment son mari qui écoute à la même table a trouvé la tombe de sa grand-mère et de son arrière-grand-mère, plus précisemment une dalle commémorative, dans un cimetière romain où l’hypothèse était qu’elles s’y trouvaient - beaucoup de traces familiales encore existantes - dans le coin le plus ancien du lieu. Un promeneur avisé avait indiqué du doigt la direction vers le probablement plus ancien périmètre. Il s’était mis à sillonner les allées au hasard qui n’en était pas un, pour tomber sur la pierre. Elle a trouvé cela “spooky”. Moi plein de charme et de puissance narrative.
Ici, ma déambulation est ahistorique, ce qu’il faut probablement relier à une absence de sentiment de nostalgie de Tokyo, que ce soit nostalgie temporelle ou géographique. L’ahistoricité n’est pas porteuse pour le récit. Ainsi le filon géomancien se limite à une constatation, à un ressenti, mais à aucune envie particulière de creuser dans ce sillon par la déambulation. Se laisser porter sur les flux nord-estiens. So what? Dès lors que j’évoque le côté glauque, l’intranquille d’un quartier, d’une rue, d’une perspective, on me répond systématiquement par une affirmation assez nourrie d’aplomb, qu’ici en effet a eu lieu un événement historique majeur, un massacre, et que ceci se suffit comme explication.
Les voyageurs venus pour des motivations de remplir les cases du Japon à faire ne seront restés qu’à peine dix minutes dans le musée de la bombe à Hiroshima, alors qu’ils n’y étaient pas allés à priori à reculons. Les massacres ne sont pas universalisables, même s’il est scandaleux de le souligner. La propagande exploite le fait jusqu’au tréfonds de l’incapacité à compatir. En avril, ne pas se découvrir d’un fil. En mai, prépare tes vacances. Trump a rejoint Gens de Confiance. Et toi?
France Culture : l’art de négocier. Quid de l’art d’éviter les situations de négociations quand on n’a pas les compétences à négocier?
S’abonner à la newsletter de la librairie Educational Bookshop à Jérusalem et ne pas recevoir de newsletter est un signe sûr de figurer dans une liste de suspects.
Faire son théâtre des rues, investir l’espace public. La manifestation annuelle de Koenji contre la gentrification est une rare occasion de faire son théâtre des rues où seul le théâtre consumériste est autorisé.
Dialogue d’esthètes gastronomiques à distance.
- Je ne trouve pas d’Ajinomoto. On dit comment en français?
- Glutamate. Certainement dans les magasins de produits asiatiques mais inutile d’utiliser cela.
- Je n’en ai pas vu.
- Tu peux t’en passer.
- A remplacer avec quoi?
- De la poudre de kombu par exemple.
Au métro Jaurès, Miller nie la similitude avec Coney Island, en nommant Coney Island.
Viennent s’imbriquer des lieux qui parfois bénéficieraient d’un jumelage.
Paddington Bassin à Londres avec le canal Shirakawa à Kyoto.
“Twilight hour. Indian blue water of glass, trees glistening and liquescent. The rails fall away into the canal at Jaures. The long caterpillar with lacquered sides dips like a roller- coaster. It is not Paris. It is not Coney Island. It is a crepuscular melange of all the cities of Europe and Central America.”
H. Miller, Tropic of Cancer
La 56e session d’Ecrire à Tokyo aura lieu en principe le samedi 26 avril. Vous avez certes l’embarras du choix dans les myriades de milieux littéraires et salons de causeries où l’on parle d’écritures avec Tokyo et le Japon - Gertrude Stein en exilée temporaire de style de vie est arrivée à Daikanyama - fromages et jambons - en perspective aussi proche ou lointaine que Coney Island, particulièrement à Tokyo, grande métropole culturelle vivante et frétillante autour de l’écrit s’il en est. EàT, c’est mieux. Sortez de votre torpeur et votre déprime génériques. Ne guérissez pas. Faites-en des textes.
Pas de photo de cerisier.