“ It is not expected of critics as it is of poets that they should help us to make sense of our lives; they are bound only to attempt the lesser feat of making sense of the ways in which we try to make sense of our lives”
Franck Kermode
A m’a recommandé les sandwichs, malgré l’intérieur beige béton indigent.
Idée : tout vous porte à la fiction de soi. On vous a demandé cent fois votre nationalité. Sur les 100 fois, 99 se sont traduites par … rien. Vous n’êtes même pas un axe, tout juste un sous-développé, un point. Pas un point d’impossible, un point pré-défini. On ne vous a pas demandé votre avis. Vous êtes une nation, et plus tard éventuellement un représentant en vins, fromages et art de vivre, et plus. Vous pouvez basculer plus avant dans la caricature de l’homme sandwich, devenir corsaire du commerce international, devenir la dame figée entre 22 et 27 ans et demie rapportant ses faits de zizis dans le cadre d’un visa travail extensible, le filon du moment quand maisons d’éditions sont extensions d’agences de voyages comme librairies antennes auxiliaires de cafés beige béton. Mais l’ironie ne mène à rien sinon qu’à se renouveler, comme l’espoir d’une source d’énergie sans fin.
Pour autant, la rencontre suscitée, sa formule, cela ne fonctionne qu’avec la génération des 80 ans. Votre progéniture elle se prend un axe dans la figure, l’horizontalité, half, deux demie portions. Là encore, figure imposée de la rassurance narrative, début et fin et de l’échange, ou début de sa redondance.
Moi je suis parfaitement équilibrée dans ma binationalité, qu’elle disait.
Une chieuse donc.
On vous demande l’heure qu’il est à Paris. Vous êtes une horloge nationale, point fixe géographique et dans le temps imperturbablement figé. Le milieu n’a pas la moindre idée que le monde, le consommateur avec les moyens de venir en mars à Tokyo avec bébé dans la très grande poussette, habillés comme tous les samedi quand on va à Ikea, a quitté ou jamais connu de dimension nationale générique pour se couler dans le moule de la mobilité globale; tiens chéri faut qu’on se fasse le Japon. Vous seul avez compris quand ces idiots s’agglomèrent devant la petite boutique pas conne du tout qui propose des valises à un prix où le jetable à dimensions réglementaires de bagage en cabine se négocie autour des 6000 yens, soit le prix d’un très excellent déjeuner sushi comme on ne s’en offre jamais. Juste à côté de la boutique de valises à nourrir les océans se trouve un salon de sucré, une maison de tradition dont l’origine remonte autour des années 1860.
Axiome-règle : ne plus cité de noms géographiques. Partout, se croire à Berlin.
Vous êtes siliencieusement fier et méprisant de constater dans la boutique sucrée l’absence de touristes blancs, la minorité visible. En sortant, les agglutinés sont toujours agglutinés, l’hypothèse étant que le bagagiste se fait un fric de dingue, et que le fils absent de la 4e génération de confiseurs s’il était présent se demanderait s’il ne serait pas plus intelligent de devenir franchisé de 7Eleven où les épicuriens accourrent.
Laissons la valise en plan à même le trottoir où une peluche pokémon jaune pas encore trempée par la neige de mars escomptée brève ne connaîtra les petits bras chauds et dodus et généreux d’un petit enfant très petit.
Mais tu touches du doigt à la fiction!
Tu sais ce qu’elle te dit la fiction?
Reprenons, en marche sur l’avenue, se répétant la mantra : hors Omotesando, éviter toutes les avenues de Tokyo qui sont une injure si pas une nuisance, si pas une attaque, au moins une menace contre la raison du marcheur. Il y a de quoi hurler en course foudroyante sur le bord d’un quai. Du tableau en question tu vois, je le vois figurer au bord de la Sumida.
Tout vous porte à la fiction de soi, et si se perdant dans ce chemin, vous devenez une caisse de résonnance de l’attente générale idiote mais bienveillante qui ne cherche qu’à confirmer le modèle, ça rassure, c’est rassénérant, comme le thé vert, que vous collez/confirmez la déf, la définition, la formule.
La médiocrité de vos écrits, un pavé exhaustif des rues de Tokyo, y compris celles nombreuses à éviter - si pavés il fut, vous les compteriez comme timbres de collection - voyage en vélo initiatique, mon tour des kombinis, que de gens charmants m’ont accueilli abrazouverts. Contrairement à l’idée éculée que le Japon n’existe pas, il existe trop, en métastases de récits marchands.
C’est mon amie K chroniqueuse culinaire japonaise (compétence à graver dans le marbre) qui m’a introduit dans ce omakasé. Après on a fait Coco Curry vraiment bien, et propre surtout!
A!onnenapadescomeçachénous. Pas encore. Ça vient.
Hors des avenues se trouvent de rares mais précieuses rues d’une urbanité profonde, ou l’ayant été. Flash de perpendiculaires à Nihonbashi pour ce qu’il en reste. Ne touchez pas à Ningyocho, autrefois quartier de débauche homosexuelle tarifée. On vient de l’apprendre.
Continuons hors des avenues donc.
Omakasé. Te confier le choix? Pour rien au monde!
Septentrionnellement, ça bifurque complexe. Pas Shintomicho, non, une névrose. Plutôt dans les parages derrière le théâtre de kabuki. Bien urbain façon tableau de ville impressionniste avec les trottoirs mouillés et visqueux de pluie à reflets merveilleux.
Le démontage vient quand? Le consumérisme a pour but qu’il ne vienne jamais. Glissement progressif vers le traitement de la canicule comme opportunité de voyage lointain. A 900 mètres d’altitude et plus, il fait sensiblement moins chaud. Mais toujours aussi humide. Sinon il fait frais à Ikea.
Mais reprenons sur l’avenue comme elle est incontournable dès lors qu’un pont doit être franchi. Virginia parcoure la ville pour un stylo, mais il s’agit là de se procurer de la colle pour faïence de laquelle s’est arraché un éclat en biseau réminiscent d’une pointe de flèche de silex d’une époque ancienne incalculable. Kintsugi : do it yourself kit.
J’imagine un Rollin avec un ou deux L doté d’un carnet de route pour narrer le rien. Une commande, c7est un ordre. N’avez-vous pas l’impression que tout écrit conséquent d’une résidence sent la résidence de laquelle on n’a pas ouvert les fenêtres pour aérer la chambre de l’auteur avec la petite table en bois de chez Ikea?
L’IA incorporé provoque la surrenchère de recherches aux résultats non-lus. Faire tourner encore et encore le hochet. Mais si on s’attèle même un peu à la lecture des énoncés aplombés, c’est foutrement bluffant.
Le café de l’hôtel attenant au théâtre, celui avec un air européen peu caricatural, était fermé après le déjeuner comme l’indiquait le pannonceau alors qu’à l’intérieur les derniers clients finissaient de déjeuner. Etrange impression de voir des gens déjeuner dans un café restaurant à l’instant précis déjà fermé tel que l’énonçait le pannonceau.
Dernière marotte en cours, les cronicas sud-américaines. Voilà bien un filon non? Une formule. Non?
Stream of consciousness, avec des vedettes fluviales à vapeur qui passent lentement sur les flots. Heureusement, le fleuve avec l’autoroute urbaine suspendue sur la rive opposée est ici partiellement évitable du regard.
Comme le train pour Narita part à 17h18, j’ai proposé, au cas où l’heure de discussion ne suffirait pas, de monter dans ce train pour la poursuivre alors qu’elle s’enfuyait.
Souvenir romanesque du dernier Shinkansen reliant Tokyo au départ de Kyoto avec sur le quai un couple qui s’embrassait. Mais tu sais ce qu’elle te dit la fiction? Guide des derniers trains où lire. Le summum du voyage sans valisette.
Ensuite, reprendre l’avenue, bifurquer.