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Faire de l’ombre à l’écriture … suite



A destination après 14 heures de vol en pensée, on est allé rue Delambre à The Coffee ザ・コーヒー. J’ai cliqué, on a vomi sur le comptoir beige-blanc copié-collé, dépité. Observer la carte des changements à distance est aussi source d’effarements.


Le hasard d’une recherche avec Eric Hazan traversant Paris dans la tête veut qu’apparaisse sur l’écran ce chef-d’oeuvre de littérature mercantile de Michaël Ferrier paru dans la Revue des Deux Mondes d’avril intitulé Tokyo, ville du bura bura. 


Extrait


_Très peu d’odeurs, sauf dans les quartiers les plus défavorisés, et aucune qui vous suive ou qui vous intoxique. Quelquefois, une senteur de poisson grillé ou le parfum discret d’une jeune femme en fleurs. _


Fin de l’extrait


Tout à fait dans la même veine que le texte cité hier - Tokyo is the new Paris - avec ce tropisme du sérail de ces écritures de langue français là, l’usage d’un terme japonais dans le titre qui n’admet que la pâmoison, mais aussi situé sur un piédestal socio-économique et générationnel bien plus élevé que le premier auteur en tee-shirt sans chaussures en cuir, il n’en reste qu’après lecture entrecoupée d’éclats de rires et haussements d’épaules, non pas l’envie d’une critique ni d’investir dans un pieds-à-terre à Tokyo où les rues sont propres de détritus et de certains gens, mais de se détourner malgré l’absence d’odeurs et la promesse de sexe frais (la fille de la poissonnière?) vers la question déjà soulevée et toujours ouverte à l’exploration : à quels possibles d’écritures littéraires sur Tokyo ces brochures font-elles de l’ombre? La seule question qui vaille.


Une foule considérable occupe les trottoirs autour de Rakuen Ikebukuro, corpulences un peu dodues, la trentaine passée, beaucoup de femmes pas en fleurs aux visages fatigués. Plus loin, une autre queue, bien plus longue, des centaines de personnes sagement (mais faut-il le préciser?) agencés le long de l’énorme immeuble de la station face est, une queue qui se poursuit jusque dans le tunnel pastel WeRoad bientôt dans toute sa longueur. Je demande à deux jeunes femmes en fleurs qui gèrent la fin de queue de quoi il s’agit. On me répond qu’il s’agit d’un popup store de l’influenceuse virtuelle Akami Karubi. Dans cette queue, les jeunes femmes en fleurs majoritaires tout comme les jeunes hommes en épis ont dans la vingtaine, sont sveltes et mangent moins et peut-être plus sain que celles et ceux de la première queue.


Au bout du tunnel claustrophobique, on débouche sur des trombes d’eau de saison au point que j’oublie de passer rien que pour le plaisir, pour ne rien acheter mais juste voir le rayon encyclopédique des nouilles au supermarché chinois dans l’immeuble. Il n’est pas possible de faire le trajet à pied jusqu’à la station suivante où se trouve le marchand d’emballages et cartons chez qui je dois confier mon doute sur une boîte de la série 170, qu’ils n’ont pas, comme ils ne proposent que la série 160 au maximum. On m’invite à aller voir dans un home-center, mais avant tout de téléphoner d’abord pour s’entretenir de la disposition d’un carton peu usité. On me dit à juste titre que de toute façon, c’est une très mauvaise idée d’acheter un carton un jour de pluie diluvienne, carton qui va se désagréger en plein vol.