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Hyperbrèves de l’ordinaire

Photo empruntée.

Sur la grève de 50 minutes de certains enseignants de l’Athénée Français à Tokyo, ceux-ci sont  _manipulés par le syndicat_, selon l’ordre. Tentative classique de bris d’élan de grève par accusation d’infantilisme.

Lu dans des commentaires de soutien sur le sujet les regrets que les enseignants ne bénéficient d’aucune maille du filet lâche de protection sociale, alors que s’ils sont ici, c’est “par amour” du Japon. Ne vous laissez pas prendre dans les raies de l’apitoiement sur fond lacrymal de cet argument d’amour quand bien même sincère. On n’est pas tenu d’aimer.

Sans y enseigner, j’étais sur le trottoir par soutien. Cette manifestation discrète sentait la peur, parce que la témérité. 

Soft resistance : sera annihilée par strong repression. 

Oui, la grève ne sert à rien en terme d’attente de résultats. Non, elle est indispensable. Le bras d’honneur de la révolte vaine est un acte culturel irréconciliable. C’est comme ça. Ils recruteront de toute façon de plus jeunes enseignants nés dans le précariat, selon la formule classique appliquée dans d’autres lieux d’enseignement.

Au petit concert concours de piano hier, la plus brillante a treize ans, ne les fait pas, et dépasse d’une tête la prof. Elle est rendue quasi aphone par le trac de devoir parler un peu, mais pas le trac de jouer. Questionnée sur son choix du morceau, c’est en rapport avec un jeu vidéo répond-elle à petite voix.

A la librairie à Jimbocho, la bâche de plastique transparent qui isolait le staff masqué derrière le comptoir de caisse est déployé. Le virus aussi. Retour à l’anormal.

En manque de Waseda et du territoire alentours, tout simplement impraticable sous la chaleur.

Le déplacement géographique imaginaire, peu romancé, serait-il une solution de liberté d’écriture? Dans les jardins Médicis plutôt que dans la Sicile mafieuse des agrumes?

Coïncidence et télépathie encore une fois. Arrive un mail qui me demande si la destruction par hyperchaleurs de 80% des bergamotes italiennes ne serait pas l’occasion pour le Japon de se placer dans le créneau? Ma fois, le Japon fait ce qu’il veut. Les bergamotes actuelles en volumes confidentiels sont avant tout l’objet de l’incontournable parade chauvine d’en produire localement. Agaçante rengaine.

Arrivé tard au supermarché. Les avocats restants sont sans surprise trop durs. Ce soir, que du froid pour s’abstenir de chauffer la cuisine. Une première cette année, la ratatouille sera pour l’automne. 

Sur le chemin depuis peu, une nouvelle fétichisation-routine mais sans envolée qu’est ce micro-détour via une ruelle pour contourner la petite aire de jeu grillagée autour de laquelle des établissements du soir éclairent doucement la pénombre. Ce moment démontre que le sel de la routine part de la lucidité sur des micro-bifurcations possibles situés sur des parcours du quotidien. Changer de trottoir pour des raisons esthétique est un acte discret de singularisation de la mobilité automatique. 

L’uchronie interstitielle est de l’ordre de la chirurgie non-invasive. Il s’agit d’une formule basée sur un événement qui n’a pas eu lieu, mais qui aurait pu, chronologiquement, et dont ses conséquences vraies ou imaginaires n’ont eu aucun impact, n’ont laissé aucune trace sur le temps et l’histoire, d’où le terme “interstitiel” à défaut de mieux et de culture, parce que le personnage ainsi transporté ailleurs où il n’a pas été - ou pas été à ce moment imaginé - première formule qui vient à l’esprit - aurait pu sur la base de sa réalité biographique y être moyennant quelques artifices fictionnelles de petit calibre. Le personnage idéal est cette personne avec un trou, un vide dans sa biographie  pendant un temps donné. 

On croyait Marcel Proust dans sa cage en liège alors qu’il était parti en catimini à la recherche d’une poudre salvatrice contre l’asthme au Japon qu’il ne trouva pas. Il trouva autre chose.

Le cas sur lequel je me suis penché avant le covid est la venue uchronique de Walter Tennyson Swingle, botaniste spécialiste entre autre des agrumes, qui aurait pu venir en catimini en 1910 dans un contexte fictionnel riche avec un ensemble de circonstances vérifiées et d’autres fictionnelles ajoutées formant un édifice uchronique interstitielle qui n’aurait eu pas d’impact sur la marche du temps vrai. 

Au vu de la nouvelle Résidence d’écrivains de Kyoto, il est temps chez Ecrirea.tokyo d’énoncer avec aplomb le contexte d’une résidence identique originale située à Tokyo. Ce sera un sujet de débat et de tempêtes de cerveaux d’ici la fin de l’année. Dans la même veine (d’abord écrit vaine...), on envisagera le premier festival des écritures ordinaires en français de Tokyo. Recherche mécènes.