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Tokyo vaudou



Tokyo before Tokyo de Timon Screech est enfin arrivé. Commandé en août, atterri presque six mois après. C’est un très beau livre illustré, papier lourd glacé avec en couverture cette superbe estampe de Hiroshige comme une nuit américaine, angle de vue dronique. Si les moyens - la version couverture cartonnée est certainement supérieure. Impression et reliure effectuée en Inde, maison d’édition britannique. On voyage! L’estampe de Hiroshige est une merveille que le MET à New York offre à la vue détaillée avec un scan haute définition rendu public.


Question pour lesquelles je ne demande pas de réponses, pas avec entrain, les énoncer suffisent. Cette digue , ce remblai avec un tablier-route confortable correspond-elle plus ou moins à la rue Dote-dôri actuelle? Le contraste entre la pente de terre grise et terne à main droite et le paysage opposé - la Sumida donc? - est remarquable. En zoomant, les personnages qui déambulent ou sont statiques pour certains semblent être intéressés uniquement par la perspective vers l’eau avec une petite presqu’île boisées, ou bien leurs regards se portent sur les cabanes sans doute de restauration. On en voit à l’identique lors des fêtes à proximité de temples. De quelle saison s’agit-il? Vue la nonchalance qui exsude de ce paysage, je dirais l’automne quand la chape de chaleur moite s’est évanouie au couché, rayons solaires rasants, flopée d’oiseaux migrateurs à l’appui dans le ciel?


Les dimensions géomanciques d’Edo dont les échos persistent est l’un des deux axes majeurs du récit. Screech écrit avec énergie, comme si une écriture en mouvement dans la ville, pas un mouvement de flâneur mais d’arpenteur, ma vitesse de croisière urbaine favorite, celle qui sied aux villes denses. Je ne crois pas aux esprits, mais je sens leur présence. Apprendre le fait de l’existence d’un axe géomancique qui lie le Senso-ji d’Asakusa au Zojo-ji juste à l’ouest de Hamatsucho n’est même pas une surprise, qui provoque tout juste un acquiescement de connivence. 


Pas plus tard qu’hier est apparu dans la conversation Nihonzutsumi, nom de bloc territorial, la rue commerçante fatiguée Irohakai dans la perspective des restes glauques de Yoshiwara. Le glauque géomancien est une vibration fondamentale de la sourdine tokyoïte. De cela, aucun doute. Les esprits n’ont pas d’efforts de persuasion à performer. Les quartiers déshérités se situent dans la pénombre de ces vibrations axiales que j’imagine comme des couloirs invisibles de circulation de vents, des vents soucieux typiques de l’hiver. Le spectrale des ratages architecturaux contemporains, masses cyniquement imposées à la vue, le “redéveloppement” de Nihonbashi par exemple et ce qui s’étend comme une nappe frelatée, dégorgement hyperconsumériste, à Shibuya pourtant neutre de géomancie, ou le destin à la sauce Dubaï qu’induit la transformation qui vient autour de Hibiya, n’est pas de l’ordre de la tectonique spectrale, même si ces immeubles peuvent géographiquement croiser des courants qui sourdent et vous rendent soucieux en traversant les territoires sillonnés de coups de vents artificiels, tels que ancien déjà … Atago, les abords de Tsukiji, etc. Le bienfait d’un ouvrage comme celui de Screech, contrairement au Emergent Tokyo: Designing the Spontaneous City de l’architecte Jorge Almazan, partie prenante du “redéveloppement” moche en espace soi-disants communautaires et masses de béton commerçants aussi originaux que des shopping centers d’aéroport - typiquement Ginza Six où ne manquent que les portes d’embarquement - pointe à travers quelque chose qui n’est plus là - Edo - des constantes géomanciennes qui ne demandent pas d’y croire. Quelques antennes sensibles à soi suffisent pour percevoir leur évidence.