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Bloc d’indé-sens

Un effet d’optique au réfectoire de Waseda projette l’image des tables surtout vides en fin de service sur la baie vitrée, transformant le jardin plane dehors comme si un amphithéâtre à gradins. 


Il faut reconnaître que cette écriture diariste n’a pas pour objectif de déboucher vers “un livre”. D’où l’ironie de s’entendre dire au fil des années “mais tu devrais écrire”, s’entend, un livre, mieux si publié parce qu’ainsi un vrai, le reste étant faux.


Ici aussi, il est question de lancer un agent IA qui fera le job d’écrire, mais de manière stratégique, enfin…


Avec des titres d’articles accrocheurs comme :


OùBaiseràTokyo, bloc d’indé-sens.


Bon débarras à l’écriture qui ne rapporte rien…, à l’écriture, tout court. 


Mais il y a bien mieux, comme aller faire des achats de nourritures à Ningyocho alors que le jour est tombé. La luminosité de l’avenue courte et des parallèles et tangentes sans trop s’éloigner est ce qu’il y a de plus proche d’une estampe du XXe siècle d’une rue de Tokyo. Alors que Nihonbashi a totalement perdu cette texture, que Ginza est essentiellement un gag parking financier ronflant - plaisir certain à le répéter tout en sachant que cela participe de la vacuole de l’ironie sans portée aucune - Ningyocho m’apparaît être à part, calme humain malgré les gargotes pas denses, calme sonore conséquent aussi de l’absence d’un viaduc à trains et arcades, calme visuel du au bâti strictement dans la perspective immédiate de l’avenue courte encore assez bas, calme aussi de par la présence encore sensible de petits commerçants de nourritures qui appartiennent avec inertie au quotidien des foyers le soir. Ça sent la maison, les courses de retour du travail, le local en bref. S’il y manque quelque chose qui ancre, c’est une galerie marchande couverte.


M’est revenu sur ce sujet Kobé, le glaçant de l’air dans la nuit il y a de cela quelques mois à peine, le savoir de la présence proche de galeries marchandes couvertes signatures urbaines massives et l’absence de temps pour y circuler hormis un petit-déjeuner tôt au calme une seule fois. Ces avenues dures mais pas écrasantes pour le piéton comme l’est la Yasukini à Tokyo qui semblent annoncer sans sympathie particulière mais pragmatisme que “cela se passe derrière” où courrent les galeries sinon invisibles hormis des vues en traversant une ruelle perpendiculaire. Kobé m’a semblé clairement mériter de s’y arrêter quelques jours, puis de poursuivre dans la même veine à Osaka, deux villes où la texture et la densité des lieux denses sont d’un grain qui ne ressemble pas aux grains de Tokyo. Le grain urbain qui marque n’est pas statique mais vibratoire. Le je-ne-sais-quoi de l’ordre du sillage perçu en passant, entretenu par la lecture ultérieure de la carte boule de crystal  pour contemplation est le mystère moins mystérieux à force de remémoration mais où le vocabulaire échappe, et dont la traque dans sa fuite dans les coursives fait le grain de sel d’y être et de se remémorer y avoir été.


A Ningyocho, un regard sur la queue à Imahan, queue un peu autoritaire, bentos que l’on sait désormais décevants, le marchand de tofu - trois angles après - où la dame est voûtée et l’homme certainement son fils et le père absent, le marchand de poissons macérés dans du miso jaune clair délavé peu salé, échange tonique et sympathique sur l’essentiel de la technique de cuisson, l’ex-boutique d’éventails où demeure l’enseigne mais plus d’éventails, le McDo un peu ridicule dans le contexte, le pachinko, les nouveaux vastes restaurants de sushi à la luminosité blanche imposante qui exposent en panoramique ce qui s’y passe, nouvelle formule pour tenter en s’affichant, ce que le consommateur moyen ne doit pas particulièrement apprécier, les taches sombres des perpendiculaires avec le marchand de légumes que je sais être au loin mais pas de légumes aujourd’hui, les deux marchands de ningyoyaki fermés ce jour, le marchand de faïence du quotidien un peu désuet qui pare à l’essentiel, la belle boucherie avec le restaurant attenant, son escalier qui part vers on ne sait quoi de caché à la vue par un noren de toile. La tension monte du savoir que dans une heure ou moins tous ces commerces vont fermer, tension pas désagréable, elle globalisée, point focal pour se remémorer où elle a été ressenti, pour simplement faire apparaître avec une facilité déconcertante des souvenirs de tension identique à des milliers de kilomètres.


Tu vois, une longue phrase est comme une rue marchande de qualité, multiforme et sans mépris de classe, qui entretient la cadence de la marche au risque de ne pas suffisamment s’arrêter. Elle expose la vitesse de circulation, le sens du macadam, les multiples éléments solides qui font la rue et l’attention qu’elle exige. Rue qui vaille est touffue, complexe comme une longue phrase, avec des bouts joints disjoints et des petits accidents sur le plan du trottoir qui s’agit de bien négocier, de bien traverser. L’avenue à Ningyocho a grand mérite à être traversée un peu en quinquonce, à deux feux stratégiques qui ne sont pas ceux des deux extrémités, celui au niveau de l7ex-restaurant chinois rouge et l’autre qui relie des deux berges un fruitier de coin et une pâtisserie traditionnelle faisant l’autre coin. On peut de parler de berge oui c’est cela. C’est Venise un peu mais sans se mouiller.