Nous ne mourrons jamais
Un élu au sujet de sa ville se lamente sur l’impact des locations saisonnières. L’âme de sa ville se transforme : c’était une vraie ville, elle avait une âme, elle devient une station balnéaire. Sauf que si l’on s’informe sur ce qu’est historiquement sa ville depuis le 19e siècle et jusqu’à maintenant, on apprend qu’il s’agit dès le début d’une destination de villégiature, d’une station balnéaire. Y a-t-il eu un moment où la ville récente dans le vécu de cet élu était plus ville que station? L’explosion des locations saisonnières n’aurait-elle pas dégradé “l’âme” très bourgeoise idéalisée des lieux transformés en zones d’hyperconsommation hédoniste à degrés de pouvoir d’achat variables, de marches incessantes, de terrasses et food courts débitant de la nourriture authentique industrielle, de chefs toniques poivre et sel venu de Paris qui ont fait Tokyo?
Rien de cela à Asakusa. Pas de classes, juste des strates parallèles d’entertainment, des tempuras trop chers pour la qualité, pas assez de toilettes publiques, des flux permanents sauf aux heures creuses, de multiples colifichets, des grigris du quotidien, de multiples sentes pour pénétrer le territoire, pour s’exfiltrer. C’est bien.
B au sud m’envoie un message : “Nous quittons Beppu (qui est d’une laideur sans nom …).”
Cette plaque de chocolat allemande à 92% de cacao de Panama est venue à Tokyo en conteneur des mers. Le sucre est issu d’une floraison de noix de coco. Son fabricant offre un “monde de chocolat”. L’emballage de la plaque de 80 grammes en cellulose est compostable. En l’absence de compost familial, veuillez contacter votre organisme local de traitement des déchêts pour vous informer du procédé adéquate de recyclage de la cellulose à base de fibres de bois certifiée FSC. La plaque de chocolat coûte aussi cher qu’un déjeuner à Fudo servi depuis 60 ans.
Le livre Ecrire à Tokyo - Japon : d’autres récits est maintenant disponible à la vente au départ de Paris. L’aboutissement d’un projet signe sa fin sans retour, sinon que de constater bientôt avec remords des coquilles passées inaperçues. Cette fin de projet est aussi une forme de petite mort, pas dénuée de tristesse donc.
Elle est aussi une naissance à accompagner par la main. L’ambition actuelle est de recueillir des interviews de contributeurs, de donner plus de corps au livre par des textes annexes, au moins, de regarder dans le tiroir du congélo si des idées autres s’y cachent à passer au mico-ondes, de sonder ce qui pourrait être fait pour aller au-delà du livre physique. Ne pas s’en tenir à l’objet. Ne pas le figer.
A destination, nous sommes soucieux de notre empreinte carbone. Nous ne mangeons que dans des convenience stores. La vie consumériste qui esr la vie est ambigüe, une gêne à gérer par des contorsions.
Nous voyagerons, nous marcherons beaucoup dans les villes, nous entretiendrons nos corps, nous gymnerons, nous nous désucrerons, nous nous infralipiderons, nous nous ozempicquerons, nous nous hyaluroniquerons selon le montant de notre retraite, nous éviterons l’incontournable ultra-processing du food, nous mangerons du fromage de la boutique de l’ex-financier, nous boirons du vin nature de la boutique de l’ex-marketeur, nous achèterons du boeuf traçable à la craie comme une marelle sur le trottoir, du boucher ex-acteur, nous ferons de petites folies sucrées à la pâtisserie de l’ex-communiquante, nous ferons light avec un mochi glacé souple et doux comme un sein artificiel. Comme Michel Onfray, nous traverserons le carrefour de Shibuya, prêt à remplacer l’éculé Barthes, un oeil sur notre nombril d’homme pas en bermuda. Ceci au moins ne change pas. Nous ne mourrons jamais. C’est acquis.