Saladologies



La 52e session d’Ecrire à Tokyo aura lieu samedi 16 à partir de 19h, heure du Japon. Les explications sont à lire ici.


Pas de salade, tu n’écriras pas de salade. Après quinze jours à pousser un fauteuil roulant et soutenir une dame du matin au soir, le corps à soi n’est pas seulement ankylosé fourbu, il a acquis des réflexes maintenant idiots, comme chercher les freins, fignoler à l’approche de la lèvre du trottoir au carrefour qui même si rabaissée ne l’est jamais suffisamment si tu veux lui éviter une secousse que tu annonceras systématiquement à l’avance de celle-ci, et sans parler de ces pentes dont la déclivité réelle t’échappe qui te font par mesure de prudence l’aborder en marche arrière précautionneuse qui stoppe les autos. Mais il s’agit de ne pas écrire de salade et ce qui précède en est une. Tu te dis qu’elle aurait pu être ta grand-mère, révélant ainsi une litanie de bévues soulignant ton immaturité. Comme dans les contes, elle est née grand-mère donc assise sur une chaise roulante dès le premier cri, le dernier ne concernant en rien les personnages de contes. C’est comme Blanche Neige qui est née blanche et neige, comme le Petit Poucet qui est petit du début à la fin qui ne le concerne pas, un stock de cailloux en poche sans fin puisqu’Amazon lui en livre régulièrement. Les personnages de contes ne sont pas statiques, ils tournent en boucle. Et puis comme tu veux ne pas te laisser emporter par des saladologies, tu écris qu’au bout d’un moment bien long révélant ton immaturité, ta faiblesse, tu prends conscience que N n’aurait pas pu être ta grand-mère quand bien même affublée de l’étiquette bienveillante et infantilisante obachan. Ta grand-mère non, ta mère oui.


A distance, ce qu’il faut reproduire pour ce genre de voyageur, ce sont les routines, dont les plus essentielles sont les routines de communication. Une fois cela compris, nous pratiquons l’après-midi une session d’appels au pays, aux ami-es dont le cercle apporte attention, rires et les nouvelles du canton. On ne soulignera jamais assez - débile ce bout de phrase - l’importance du rire pour ne pas penser aux échéances. J’entends presque toutes ces conversations joyeuses qui débordent du mobile, d’une grande banalité thématique, où est absente la moindre étiquette infantilisante. J’apprends l’état du chien, du temps qu’il fait, je note mentalement la préparation de la remise en route des routines une fois que de retour au canton, les restaurants où aller, les visites chez elles qu’elle attend impatiemment. La transposition des routines de vie même quand très éloigné du chez-soi est l’essence même du voyage contemporain possible. Cette attention à la reproduction de routines à destination s’intensifie avec l’âge des voyageurs.   


Je trouve sublime le calme d’une alchimie.

Au diable et aux idiots l’amour fou.

C’est dans l’évidence d’un quotidien lucide

que s’écrivent les plus belles histoires.


DES FOIS J’ECRIS DES TRUCS

Auteur : WAD’Z 

Editions Faces Cachées

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