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Dérangements : prélude - extrait - janvier 2021



Le dernier Quintane, La cavalière, remugle (présent de l’indicatif du verbe remugler) à la surface quelque chose des années 70, la prof d’Allemand blonde genre Miou Miou qui te trotte dans la tête en permanence, le passage du vouvoiement au tutoiement, la bise aussi, un acte révolutionnaire. Qu’on était allé avec M et sur invitation dans son appartement de la rue Monsieur Le Prince. Que son homme qui passait par là avait un air un peu supris mais conciliant, bon ça passera. Qu’il n’y eut pas vraiment de suite. Que de part et d’autre, cette tentative d’égalité au-delà des générations - et des strates d’autorité - était un peu maladroite. Que c’était notre relent-expérience de mai 68 qu’on n’avait pas vécu, sinon que par clameurs lointaines et diffuses sur les hauteurs de Belleville dans un Paris sinon silencieux et tendu. Que ça a fait rêvé tout de même. Que le Jardin du Luxembourg proche n’était pas cet aimant aimé qu’il devint bien plus tard. Que M était devenu ultérieurement enseignant, dans le même bahut, avec en queue de peloton les derniers enseignants connus en fin de course avec la retraite proche, dont Miou Miou plus âgée. Que ça lui avait provoqué une dépression. Qu’il changea de bahut avant que de devenir prof d’université. 

Dans la fiche Wikipedia en anglais sur Hanna Arendt se trouve cette mention : 

_“Kant who had written about Königsberg that "such a town is the right place for gaining knowledge concerning men and the world even without travelling".”_

... phrase pour l’instant introuvable ailleurs. 

Et puis aussi:

_“Je savais bien quelle espèce de désert sont les villes, et Paris, et Lisbonne – et D. On y fait les mêmes choses, dans le même ordre, en dilaté ou en réduit ; alors ?”_

La Cavalière - Nathalie Quintane

Sur la photo, c’est Koenji en mode songeur, ni Königsberg ni Berlin. Nathalie Quintane en mode inquiète, intranquille, le meilleur livre lu d’elle jusqu’à présent.

(…)

Dans Berlin Calling de Hockenos, un protagoniste se prend le mur. Il fond en larmes quand il apprend au téléphone que le mur est tombé. La conscience de la disparition soudaine de ce qui était, un confinement aménagé constituant une identitée, est plus pathétique que la liberté. 

Dans les hordes retrouvées - le télétravail a disparu sous le tapis - sourdent d’énormes malaises. M qui est psychothérapeute à Tokyo me parle d’une explosion des consultations, de jeunes en mode “je me tue ou je tue quelqu’un”. Elle me parle aussi de l’explosion de couples internationaux. 

Le dérangement est-il enviable ces temps-ci, je veux dire, recherché? Tout craque y compris les habitudes-refuges qui sont, qui vont être à réinventer.

Réinventer l’hospitalité par exemple - mieux que la convivialité - est justement ce qui est le plus souhaitable, non, ce qui est urgemment nécessaire. Mais ça résiste.

(…)