Bille de flipper négociant un virage

C’est de métaphore dont il s’agit bien sûr. Berlin n’est pas Tokyo, ni même Kyoto. Berlin comme exemple phare de la ville de littérature, donc d’écritures contemporaines, est le sujet du livre Moving Words, Literature, Memory, and Migration in Berlin, auteur Andrew Brandel. C’est, de ce point de vue géographique de ce côté-ci, un énoncé de tout ce qui est absent et qui continuera de l’être à Tokyo. Migration culturisée, librairies internationales, les écritures comme biais d’adaptation - on n’a pas besoin d’intégration - les écritures parmi d’autres activités artistiques comme vecteur de mobilisation d’inconnus qui se réunissent un temps, contrastes, conflits, etc. On peut déjà tenter de faire avec le minimum, la portion congrue, tenter de lier les rares points de convergences potentielles. La 56e session d’Ecrirea.tokyo aura lieu samedi 26 avril. Il sera question encore une fois, avec plus d’acuité sans doute, d’écriture diariste, la première option quand l’écriture démange.


Dépôt de livres à la librairie Tamura-Shoten. Tout ce qui est contemporain sociologique qui expose des aspects du réel d’ailleurs est accepté mais pas payé. Il n’y a pas de lecteurs pour cela. Seuls les classiques français trouvent débouchés, des bouchées, des bouches avec des yeux. La société contemporaine, ses tendances, on s’en tape, en quelque sorte. En anglais, le tome exhaustif de la vie de Francis Bacon est immédiatement mis en bonne visibilité, le poupon flasque visage légèrement ébahi de Bacon sur la couverture hyperphotoshoppée - avant que l’IA prenne la relève - est une force d’attraction majeure du regard. Lui se vendra.


La question fondamentale est : peut-on déposer ses cendres en urne dans une alcôve de la librairie Passage? Ce n’est pas de littérature dont il s’agit certes, mais elle n’est pas le sujet. A terme (et jusqu’à quand?), c’est moins cher qu’une place dans un columbarium. Et puis, comme protocole performatif d’exposition hédoniste du spectacle de soi en animal cultivé, c’est le stade ultime. Pas de doute.


Berlin à distance et comme métaphore et objet de réflexions multiples est vraiment remarquable, avec la promenade le long de la Kamogawa au nord du nord de l’Okura et du Ritz.


C’est charmant Shimabata. J’y suis tombé sans intention d’y aller. Vraiment charmant.


Une piste : la série de podcast de France Culture sur le périphérique parisien m’est actuellement l’exemple phare de ce qui s’articule encore mal dans des expressions telles que nostalgie augmentée, et/ou nostalgie mise à jour du contemporain. Encore très maladroit. Evocations de géographies, mouvements dans l’urbain, multiples points de vues parfois contradictoires ou franchement opposés sur la perception d’un milieu, mais tous conséquents de vécus, et aucun n’annihilant l’autre. Aussi , idées de performances comme celle de faire le tour du cercle en 23 minutes et quelques secondes commentées par François Chaslin, évocation d’espaces viables sous le ruban de béton - y a-t-il des exemples sous la ribambelles des autoroutes urbaines de Tokyo? - et au final des ouvertures vers d’autres manières de voir même si à distance. Géographie comparative des villes pour nourrir son présent situé d’autres présents lointains. 



M’est apparu que l’attrait émotionnel, topgraphique et ludique que je trouve à Teramachi est concentré dans la courbure inattendue de la matrice des rues au point d’imbrication de la rectiligne rue marchande couverte Teramachi quand elle s’accouple à la rue découverte Sanjo-dori, et offre la possibilité pas si évidente de tourner à main gauche, quand on vient du nord, sur le segment couvert de la Sanjo-dori, ou mieux, poursuivre sur la Teramachi-Kyogoku couverte et ample. Ce contraste du couvert soudain découvert - la Sanjo-dori découverte qui part d’un coup vers l’ouest y perd terriblement en dynamisme et vélocité - puis une nouvelle fois couvert avec une courbe réminiscente à postériori de celle des tuiles du jeu Trax est l’exemple parfait d’un lieu à soi, un point dans l’espace décoré de la mention Bien. 

Ici l’exemple éclatant de ce qu’un accident de tracé “normal” du centre de Kyoto est le facteur causal d’une jubilation à être en ce point, le traverser, reretraverser, y faire son trou pour y écrire, tout ceci en conséquence et preuve cartographique à l’appui de la géographie.

Là où le monde sourit à un crabe articulé surmontant un restaurant, je me sens bille de flipper négociant un virage. 






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