Hiroshima taxi


Cela tombe bien. Quarante minutes de taxi jusqu’à Hiroshima. Circulation normalement fluide. Pas mal de feux de circulation longuets sur le parcours. On ne voit plus la mer dès qu’après le démarrage. Le chauffeur parle d’une voix douce. On a progressivement une de ces rares conversations familières où apparaissent des bouts de son enfance. C’est ce dont je suis avide de. Des bouts d’enfances. Il a, hypothèse, une dizaine d’années de plus que moi. Je comprends en passant que son épouse est décédée, qu’il a travaillé dans divers endroits très éloignés les uns des autres, jamais dans le transport, jamais au volant, qu’il n’avait jamais envisagé après sa retraite sous-payée de passer derrière le volant, que l’occasion a fait le larron. Qu’il aime plutôt cela. Il n’a - il exagère juste un peu - que des touristes comme clients. Les Japonais moyens ne peuvent pas s’offrir le taxi. A 3000 yens au compteur, si vous vous faites l’effort de chercher une échoppe de 40 ans avec un couple de 70 à la barre, vous avez à peu près le budget pour un midi correct, en province. Un de ces midis qui vous ralentit les risques de maladies cardiaques. A 4000 yens de taxi à deux, vous avez de quoi vous faire un midi plus que correct. Ensuite, on entre dans le domaine d’exception où les risques de queues sont minimales. De là où on est parti, si jusqu’à l’aéroport qui dessert Hiroshima, il me dit que le compteur dépasse les 20 000 yens. Sur un vol low cost, vous allez payer moins en aller simple. Le vol commence au tarif retour. En conséquence de quoi, il a très peu de clients Japonais. Mais il a eu tantôt le patron de cette fameuse grosse boîte de bâtiment derrière l’ensemble ouvert il n’y a pas plus tard que quinze jours de l’extension de la station Hiroshima, qui avec son Bic Camera, avec toutes les enseignes nationales homogéníficatrices donnent à l’ensemble un air de … partout nulle part ailleurs de rien. Hiroshima gare est devenu l’identique de partout ailleurs. Seul le tram tranche. 


Tranche de tram. 

Cette transformation ultime du node gare de train en méga shopping center répond autant aux envies d’identique d’une frange des résidents que des flux de passages, y compris les milliers de voyageurs qui descendent pour 8 heures maximum en masse d’un Queen Elisabeth comme annoncé ce jour-là pour baffrer sur des enseignes escomptées identiques à celles des plus grandes villes. Ce qui l’on a oublié d’acheter à Yokohama se trouve à coup sûr à Hiroshima.

D’ailleurs, on était pas plus tard que la veille au shopping center attenant flambant neuf, indistinctement banal, fourré comme un oeuf de Pâques d’une foultitude de jeunes à douter des statistiques démographiques. Toutes les marques réunies en îlots dans un bâtiment dont le patron d’une des entreprises du bâtiment coupable de ce truc glose à l’arrière du véhicule. Je l’imagine le teint bronzé mi-lampe UV, mi-golf. Il a dit au chauffeur que l’ère qui suit sera dédiée aux tours partiellement en bois. Ça y connaît le bois ici, sans même un clou. Attendre trente ans au bas mot. On parle cafés, de ces acides pâtinés en fin de course qui sentent le tabac qui a lustré les murs comme un vernis de momie. Il me parle de ces cafés qui s’ouvrent partout - les beiges bases bétons avec le comptoir en bois pour l’éco et la Marzocco - comme une tenancière de bar rance, incontournable comme l’iPad. Il me dit ne pas aimer cela, que les jeunes qui font cela sont des intrants d’autres départements, que leur café est très cher, qu’il n’est pas concerné, qu’il n’a pas l’âge, qu’il l’aime acide et flotteux. Aux abords de la rotonde à taxis et bus, là se trouvait après la bombe une zone d’habitations glauques, toutes en bois, appartements des employés de la Japan Railways quand elle était de l’état; que là-bas, il me montre une direction où l’on voit encore le ciel, se trouvait un pont en bois, glauque aussi, mais qu’il traversait avec joie parfois, avec ses grands-parents, pour aller manger dans un vaste restaurant populaire proche, que de tout cela, il ne reste strictement rien. 


De la gare d’Hiroshima part une avenue qui se nomme la rue devant la gare. Elle offre cette expérience unique et droit dans ces bottes de continuer à s’appeler la rue de la gare, indifférente à la distante croissante de l’éloignement. Elle va ainsi très loin. Elle sort dit-on de l’univers connu. Elle se poursuit indéfinement au fur et à mesure de l’extension de la fatuité. 

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