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Ebauche - bribes en cours - mai 2022



Que sont mi ami devenu
Que j’avoie si près tenu
Et tant amé ?
Je cuit qu’il sont trop cler semé ;
Sur écrans twittés à longueur de journées
Hors-solés du lieu présent
Distillant traits cyniques et singeant 
À soi et tierces disants
Copié-collant comme affiches politisant 
En brèves démonstrations 
Giclées de 256 runes assassines
Piaffants se croyant cinglants 
Rendus ignorants du labeur autre
De mai l’usine
Addictifs de l’automate ironisant
Comme chien courant après le bon mot 
Comme mèmes vautres
Ceci à 10 000 lieux du moment
Bientôt glissant de l’Ukraine aux plans estivaux
Et autres crèmes à bronzer désignant d’autres veaux
Se faisant autres en ignorant autres 
Ici présents mais jamais atterrissant
Ici présents comme si y avoir été jamais vraiment

Rutebeuf Bourguignon

Je sors de Moritaya avec un épouvantable mal de dos trainé jusqu’à la maison. Un véritable malaise. Ils ont tué Moritaya! Ce n’est pas Marat saignant dans sa baignoire, non, mais le nom d’un lieu affabulé, un lieu d’attachement donc qui a compté poétiquement de manière considérable pendant plus d’un an, au coeur du marasme covid, covidant, covidisant. Cet engouement, cette affabulation est du même acabit que celle des amourachés transis du Japon, à la différence près mais considérable qu’elle se situe de manière très située dans l’espace. Je me fous du Japon comme objet impossible de contentement global, mais Moritaya changeait la norme, en bien, en hyperlocal, oubliant qu’on avait affaires au final à des marchands. 

(...)

... ce qui permet aux circonstances de tout vous transformer du jour au lendemain et vous êtes sans doute le seul à vous sentir grugé, violenté. On vous a tiré le tapis de dessous les pieds du contentement et des narrations heureuses; on vous a couvert les murs de béton neutre pour café hipster, pseudo-artisanat pseudo-authentique, ou téléphonie mobile, anémie Muji, retiré tous les bibelots archaïques et la cacophonie joyeuse et loufoque des photos grises en hauteur qui signaient le lieu, y compris les sièges pour un tiers de fesses maintenant disparu dans un halo de nostalgie reconnaissant que le confort précaire était tout de même du confort. Ce n’est pas que les habitués ne soient pas là, au contraire. Ils sont stoïques dans la nostalgie, mais nostalgie dure et intraitable n’est pas leur truc, celle qui vient affublée de lamentos, arrachage de toison, mise en pièce de teeshirts Uniqlo et douche de poussière grises comme cendres sur le scalp. Et aussi, et surtout, cette envie d’en découdre. 

(...)