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Koenji sur Manhattan - extrait - mai 2022



“But the curious thing about New York is that each large geographical unit is composed of countless small neighborhoods. Each neighborhood is virtually self-sufficient. Usually it is no more than two or three blocks long and a couple of blocks wide. Each area is a city within a city within a city. Thus, no matter where you live in New York, you will find within a block or two a grocery store, a barbershop, a newsstand and shoeshine shack, an ice-coal-and-wood cellar (where you write your order on a pad outside as you walk by), a dry cleaner, a laundry, a delicatessen (beer and sandwiches delivered at any hour to your door), a flower shop, an undertaker’s parlor, a movie house, a radio-repair shop, a stationer, a haberdasher, a tailor, a drugstore, a garage, a tearoom, a saloon, a hardware store, a liquor store, a shoe-repair shop. Every block or two, in most residential sections of New York, is a little main street.

Here is New York, E.B. White, 1949

Depuis quelques jours, je me balade de nouveau avec Here is New Yorkdans le sac. Couverture dure, ouvrage fin et léger, passe-partout, solide, sûr, chien fidèle. Quatrième lecture, cinquième peut-être, cette fois-ci avec une acuité aigüe. On remerciera le virus au moins pour le gain d’acuité. L’introduction d’un certain Roger Angell date de 1999 et passe très mal tant elle a vieilli. E.B. White lui par contre passe parfaitement bien, sachant que son New York de 1949 se limitant à Manhattan n’existe plus tel que décrit. Le texte court, une cinquantaine de pages, est une commande, mais quelle livraison! C’est d’abord un New York avec anecdotes qui n’en font pas - quel texte équivalent sur Tokyo? - parce qu’elles font partie du paysage normaldu quotidien. Et puis rapidement il passe à la poétique urbaine, à la liste des choses, mais des choses vivantes, bien plus vivantes en fait que Perec.

D’abord la poétique urbaine 

... avec ce petit bijou à placer au fronton :

“A poem compresses much in a small space and adds music, thus heightening its meaning. The city is like poetry: it compresses all life, all races and breeds, into a small island and adds music and the accompaniment of internal engines.”

Demain est le jour de la manifestation contre le plan de gentrification de Koenji. Ayant mal lu le flyer, j’y suis allé la veille, d’abord surpris à l’arrivée de la normalité de Koenji un samedi, puis prenant conscience qu’il y avait erreur de ma part. Qu’à cela ne tienne. Cap au nord, la rue commerçante Junjo, puis à main gauche vers l’autre rue commerçante Koshin-dori, deux noms recherchés en cours de rédaction comme ils ne sont, ni ne seront jamais engrangés en mémoire vive, mais je ne vais pas remettre le couvert sur cette déficience majeure du non-nommable de l’urbain d’ici. Non, il s’agit de retrouver White dans la richesse descriptive de Manhattan à Koenji, parce que ceci s’applique encore parfaitement à ce secteur là :

Each neighborhood is virtually self-sufficient. Usually it is no more than two or three blocks long and a couple of blocks wide.

Demain j’aurai sans doute des éléments de réponses sur les questions et étonnements suivants :

  • Pourquoi un flyer en anglais pour cette manifestation? Pour qui, pour quoi, pour quelle efficacité, pour quelle mise en sens, pour quel gain d’acuité?
  • Qu’est-ce que la gentrification en japonais? Il suffit de lire la fiche Wikipedia pour sourire. D’abord le mot en katakana - on sait à quoi cela sert sinon qu’à contribuer à l’incompréhension - et une traduction comique 紳士化 tout aussi absconde. 

ジェントリフィケーション(英語:gentrification、ジェントリフィケーション(英語:gentrification、紳士化)とは、地域における居住者の階層の上位化とともに、建物の改修やクリアランス(再開発)の結果としての居住空間の質の向上が進行する現象のことである。)とは、地域における居住者の階層の上位化とともに、建物の改修やクリアランス(再開発)の結果としての居住空間の質の向上が進行する現象のことである。

A noter aussi que dans le jargon gentrification associé à Koenji, le terme japonais utilisé est 再開発, donc dénué de toute considération sociale, financière et hyperconsumériste. Un terme totalement torve et vide de sens, parfait donc.

Plan Béton

Je ne connais rien des plans du maire de l’arrondissement, mais appelons-le le Plan Béton sans risque de se tromper. Comme avec Shimokitazawa, Koenji, un jour prochain ne sera plus et sera encore, de l’authentiquement kitch. Pour les jeunes générations, Shimokitazawa est adorable. Ils ne connaissent ni le terme bobo, son équivalent, ni le terme gentrification. Et puis, tout commerce calqué sur le modèle beige de la boutique de téléphonie pour servir café ou hamburger ou gin est adorable sinon rien. 

La gentrification, cela commencera donc d’abord par une modification drastique facilitant les flux qui sont la clé. Pour ce qui est du réseau ferroviaire, Koenji est suffisamment desservi et la largeur additionnée des voies en font une gare de dimension très honorable. Il y a bien le View Altte de la Jr sur l’extension est de la gare, mais il est de dimension modeste. Pour mémoire, View Altte est la version déjà plouque du cancer E-cute (dont la plouquerie viendra suffisamment tôt), shopping center poussant au-dessus des stations JR de tout le Japon où il y a des flux de consommateurs voyageurs à capter, ou à créer. A la station adjacente Nakano, la métastase est actuellement en construction. Même si le train suffit - il faut vraiment être bête pour y venir en voiture mais il y en a qui - le percement d’une route bien large est le moyen sidéral de reconfigurer un quartier en cassant sa dynamique de territoire piéton d’autrefois, c’est à dire encore au présent, maintenant. On en laissera un peu pour les piétons et les exclamations d’adorabilité. (…)