Pragmatisme et pensée magique


L’IA a effacé les personnes mais pas leur bagages laissés en plan.

L’homme au rat, pas celui de Badiou, chasse les rats et souris à domicile. Je l’ai vu en action. C’est un homme d’action violente, un prédateur. Une fois que les pièges et les substances n’ont  rien donné, il ne reste que la traque suivie de la poursuite flash de l’animal repéré dans le périmètre exigu de l’intérieur, un journal plié en bâton à la main en guise de massue. C’est violent, efficace, stressant comme dans un film au moment de la scène du dénouement violent. Il semble ne jamais manqué son coup.


J’ai entendu dire que l’homme au rat a été recruté quelque part vers 2017 pour couper des arbres effondrés dans un temple suite à un typhon. Comme je l’avais vu un jour à Kishimojin bien par hasard, et à bien y penser, probablement à la même époque, où d’ailleurs aussi dans le temple très proche d’ici, un arbre imposant s’était effondré, l’opération de découpe fut précédée d’une cérémonie religieuse d’intercession avec la divinité sylvestre pour éviter que les ires de celle-ci menace la vie des personnes impliquées dans la manœuvre. Il s’agissait de couper un arbre à terre, ce qui s’apparente à achever une bête. L’homme au rat suspecte que la cérémonie, sorte d’exorcisme anticipé, a cloché quelque par, ou que la divinité était - est, au présent semble plus adéquate - du genre hargneux revêche revanchard tendance psychotique. 


Par trois fois déjà il dit avoir échappé de peu à se faire écraser par un camion sans freins alors qu’il traversait des chaussées. Ces rencontres proches d’avec la mort ne peuvent qu’être liées à la malchance d’avoir coupé des arbres déjà à terre mais toujours hurlants. Il s’inquiète et le fait savoir. Il a joint les mains et saupoudre du sel autour de l’arbre qu’il va découper sur pieds dans le micro-jardinet devant la maison, celui d’une vigueur sans pareille qui offrait ces dernières années une ombre de jungle. On ajouté du sel derrière. On ne sait jamais. La jungle a disparu. Je n’étais pas présent. Je relate ce qu’on m’a dit.


M est épouse de fermier à Chiba et ressemble maintenant totalement à une fermière, alors qu’elle est d’origine de la ville. Ils ont produit 18 tonnes de riz cette année totalement écoulé hors du circuit pieuvre de la Japan Agriculture. Ils sont ainsi une exception dans la région. Ils sont formels : 

- il n’y a jamais eu de pénurie de riz

- les achats paniques incontournables ont permis d’augmenter les prix

- il n’en ait resté pas un gramme pour poursuivre l’expérience de production d’un saké de type doburoku que j’avais goûté l’an passé, qui m’avait semblé exquis


Il n’y en aura pas cette année, qui est une bonne année commerciale.


Elle a la dextérité d’une cuisinière experte. Comme demandé à l’avance, elle nous sert un plat de spaghettis sauce tomate et aubergines d’une riche texture italienne, une salade composée avec les légumes du jardin, une remarquable soupe velouté d’édamamé. 


N me raconte comment elle a été placée dans le zodiaque à l’aide d’un treuil du navire, assise dans sa chaise roulante, comment le zodiaque s’est approché de l’énorme iceberg, comment ces étranges caisses en bois posées dans le zodiaque contenait des bouteilles de champagne qui fut servi avec vue sur une muraille de glace.


La maiko est très timide comme elle se doit et mutique. Son maquillage est maladroit qui accentue son rôle de novice. En contraste, la jeune geiko, kimono bleu ciel somptueux de simplicité, a atteint la maîtrise d’une nonchalance feinte en face de clients vraiment hors de l’ordinaire des complets vestonnés. La dame qui chante et joue du shamisen est l’ainée, avec des années de pratique de l’instrument, du chant et  de la courtoisie chaleureuse un brin érotique. Elle me saisit et me tapote la main soudainement, contact des peaux, à l’occasion d’un échange gracieux. Je note que l’argent est un sujet de leur conversation. La geiko souligne le luxe des mets, du coquillage dur qu’invariablement personne n’apprécie et laisse en l’état. La dame au shamisen nous montrent de très près son instrument en expliquant à quel point il est précieux. Elle nous montre les discrets tétons de chat sur la peau tendue de la caisse de résonance, nous apprend qu’un shamisen bien moins cher est tendu de peau de chien, que vue ses activités intenses de concertiste, d’agrément de clients et de sessions d’étude, les cordes doivent être changées tous les mois, que le remplacement d’une pointe de la mécanique de tension d’une des trois cordes du à une chute lui a coûté une somme importante. Elle mentionne le montant que j’ai oublié.


A l’accueil du parc, comptoir muni d’une vitre de protection, le staff informé de l’âge de la visiteuse reste bouche-bée. L’un d’eux lève une main avec trois doigts dressés. Dans trois ans, cent ans.

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