Tombe dans l’escarcelle un avis : Transfert punitif d'un auteur pour la publication de son livre. L’auteur nommé Moben est en prison. Son livre intitulé Mange ta peine, éditeur Le Bout de la Ville. Le sous-titre, Recettes du prisonnier à l’isolement. Un livre de cuisine dans un contexte contraint. Un truc anti-hédoniste peut-être - mais en fait pas sûr, ambigu à la lecture des pages affichées en clair - toujours prêt à être récupéré à coup sûr plus tard, parcours de la prison au restaurant étoilé, histoire pas unique, transformation-récit-narration pour supplément du week-end. Toujours est-il que le mail est un appel à la mobilisation. Et à 10 000 km, dans ce contexte, tu (te) mobilises comment? En achetant le livre. La censure économique a prévu le coup. D’ailleurs, la page de commande ne permet pas d’y inscrire une adresse au Japon - l’éditeur n’est pas unique dans cette vision pas mondialisée pour un sous du monde quand ses dépêches elles fendent l’air des réseaux bien plus vite que l’avion. Mais nous avons tous nos quotidiens à panoramas réduits comme les douleurs.
J’ai donc contacté l’éditeur pour lui soumettre mon idée. Vous connaissez peut-être quelqu’un dans votre entourage qui tantôt passera par Tokyo. Je propose à cette personne de devenir mule en échange d’un verre de saké et une conversation passionnante. La réponse aimable est elle venue très tôt :
Votre idée semble bonne.
mais, à vous de trouver la personne voyageuse ;)
nous n'en avons pas sous la main.
bonne quête, à bientôt.
Plusieurs choses figure dans cette réponse. D’abord la vitesse. Réception de la demande de soutien, 15h02, réception de la réponse aimable-négative, 17h22. Temps de réflexion de la personne, sans doute moins que le temps de réflexion disponible. Encore moins que le temps d’action nécessaire, en tout cas envisageable. Et pourquoi réfléchir pour un inconnu, comme le récipiendaire d’un avis et demande de soutien d’ailleurs? Le conseil énoncé, aimable, est d’un grand intérêt. Je zappe sur la sémantique de ;). Il s’agit d’une sorte de variante de Aide-toi, le ciel t’aidera. Ou, la balle est dans votre camp, ou encore, débrouille-toi, ou encore, comme cette publicité pour une chaîne nécessairement louche de service d’épilation : je trace moi-même mon chemin, synonyme de tout ce qui précède - do it yourself alone - qui exclut la possibilité même d’envisager un soutien, une action flash sans mob, mais commune, et que la vie est sociale idéalement hors des réseaux pulsions. Parce qu’il s’agit là d’un soutien donnant-donnant, et plus, une collaboration entre personnes qui ne se connaissent pas. Cela demande du temps, sonder autour de soi, ça s’est vu remarquable de sérendipité et d’efficacité comme avant l’été, mais pour une toute autre marchandise, pas un jambon, pas un fromage, pas un livre.
C’est du domaine du possible, et la réponse comme un revers de tennis ou un retour à l’envoyeur, donc immédiate étant donnée la vélocité de la balle, est proprement incompatible avec la collaboration, la solidarité, l’action commune même si et surtout éphémère, qui demande, du temps de réflexion, un sondage, un acte de sondage dans ses réseaux.
Tu connaîtrais pas par hasard? Parce qu’il s’agit de secouer l’arbre du hasard. On ne sait jamais ce qui pourrait tomber, sur la tête. Une noix.
Ou, un avis de recherche…
Petit passage virtuel au Lenbachhaus à Munich en conséquence d’une article dans le LRB en cours d’une expo achevée autour du surréalisme, But Live here? No thanks. Surrealism and Anti-facism. Un truc dans l’air vicié du temps. Un volume est aussi publié en anglais à l’occasion qui semble bien tentant. Je sonde Y en Allemangne qui devrait déjà dormir mais me répond en quelques secondes par la négative. Non, connais pas, ni même de France.
Bien. Personne donc ne connait qui va prendre l’avion pour une perf de matcha et les flaques d’eau de TeamLab dans une foule de dingue multigénérationnelle à crans, béate ou épuisée. Pourtant, cela fait un paquet de voyageurs. On pourrait transporter une bibliothèque et plus à partir d’un livre par valise.
Le livre catalogue de cette expo se trouve chez un vendeur en ligne à Kyoto. Il se trouve aussi sur Amazon.jp. Cela coûte environ 15 euros de plus que le livre sur place, ce qui est probablement moins que le coût d’affranchissement d’Allemagne jusqu’au Japon. D’autant plus qu’il est volumineux. Mais toutes ces considérations ne servent qu’à faire oublier l’intérêt humain de la formule de la mule. Un coup de gnôle à l’arrivée en remerciement.
Soit dit en passant, les photos montrent un beau musée à Munich jamais visité, des vues extérieures charmantes mais un peu froides, et surtout une unité architecturale apparente en tout cas sur les clichés avec les bâtiments proches, dans ce qui doit être le périmètre d’apparat muséal de la ville. Tout autre chose que le Mingeikan et la résidence des Maeda revus hier, séparés d’une rue cossue où chaque propriétaire de bâtiment fait la démonstration de son autarcie avec un grand écart entre le très beau, et le … vous avez dépensé tant et tant pour cette maison Playmobile?!
C’est un signe de faiblesse que ce retour illico de la balle à l’envoyeur, surtout une faiblesse au rayon de l’imagination. On est facilement pris dans l’inaction, et même dans l’impossibilité même de l’envisager comme un possible parmi d’autres.
Au Mingeikan, il s’agissait et s’agit encore jusqu’à mi-décembre d’une expo annuelle et vente d’objets d’artisants contemporains dans l’esprit Mingei. Ce qui est exposé suggère tout autrechose que le discours ambiant focalisé sur le déclin des traditions. Il y a des artisans qui ne sont pas des trésors nationaux qui perdurent. Les textiles sont de toute beauté. Cet artisanat là inscrit dans le quotidien fonctionne vraiment comme un lavement du regard. On peut, il faut, seulement regarder. On se passera de l’éxégèse - faible - des noms et rares informations. Juste regarder.


