Il est autosatisfaisant de pouvoir lire en cherchant bien l’introduction du livre Lire, écrire, pratiquer la ville, édition Kimé, 2016. On y trouve une litanie de noms propres, écrivains écrivants, gloseurs des villes de Marcel à Bon en passant par Perec et une foultitude de grandes plumes. Les petites n’ont pas d’existence. On y trouve des mots compliqués, des phrases excellement excellentes : “Ce sont les spatialités interactives des individus en société qui trament la réalité sociale et instituent le monde”. Michel Lussault. On y trouve bien sûr Georg Simmel et plus d’une fois, Simmel qui s’incruste partout ces temps-ci, en voyage, dans le train sur écran entre deux villes japonaises, dans le tiroir de la chambre où se trouve le sèche-cheveux, dans la salle de bain au milieu de la brosse à dents et de la brosse à cheveux sur la petite étagère du unit bath, qui le lendemain matin partent aussi, mais à la poubelle. Simmel au présent, à la conjecture du présent d’être en ville.
Le livre susdit est apparu après quelques âneries dans les résultats de la requête “Comment être en ville ?”, livre déjà remarqué, mais pas jusqu’à procéder à une recherche plus poussée comme aujourd’hui et dénicher ainsi l’intro gratos à lire. Il faut dire que cela vient juste à la suite de la lecture en trains pluriels - redite - entre diverses villes japonaises du dernier cru de Nathalie Quintane, Soixante-dix fantômes (choses vues) à La Fabrique, respect, qui à 10 000 kilomètres de là est un livre et une lecture d’une incongruité sans nom, entre Tokyo, Kyoto et plus loin, un ovni en regard du quotidien d’ici. Tout comme Annie Ernaux expose ses courses et les courses des autres à Vélizy, Quintane mentionne Lidl et une chute dans Lidl sur le sol de Lidl conséquente à une pellicule de gras au sol de Lidl. Lidl, c’est un peu Gyomu Super ici, non ?
Chez Quintane, il est aussi question de poireaux, brièvement. Il est question de vies. Et c’est de cette perspective qu’est venue l’envie de titiller la fonction recherche appliquée à l’intro du livre susdit pour confirmer — comme Bernard Stiegler sur je me souviens bien mais pas dans quelle intervention vidéo — l’absence totale, énorme angle mort, de termes tels que magasins, boutiques, commerces, consommation, consommateurs, consommatrices, marketing, publicité, faire ses courses, acheter sa baguette ou son onigiri, et accessoirement hyperconsommation et hyperconsumérisme. Mais pour ne pas circonscrire à la seule consommation — cette infra-broutille de la vie des jours pourtant au centre condensé de l’être en ville à moins de 15 minutes de marche — je souhaite pour pense-bête et aide-mémoire à soi aussi remarquer l’absence totale des termes école et enfants. Et donc, tout étant autosatisfait de lire des considérations extrêmement… serrées au point qu’on n’en voit plus les mailles sur la géopoétique et autre géoXXX et YYYtiques, force de frappe majeure, totale, est de constater que oui, tout ce qui est du ressort de la consommation est totalement absent de ces gloses-là de la ville, ce qui est proprement… asphyxiant d’incompréhensibilité. Comment font-ils pour ? Comment osent-ils ainsi zapper l’énormité de la consommation, qui plus est en milieu urbain?
Longtemps j’ai fait un crochet par 7Eleven.
Géopoétique du convenience store.
Pratique de l’angle mort à l’université.
