153 tonnes de bombes, 45 morts, soit 3,4 tonnes de bombes par individu.
Après le conflit, il est fait mention en passant des tentatives de reprendre ou de reconstituer un semblant de quotidien, puis le sujet est rapidement glissé sous le tapis. Le quotidien est anti-néolibéraliste. Il ne fait pas vendre. C’est l’objet qui fait vendre les objets par effet de domino.
Le qualificatif de Shōwa pour désigner l’établissement qui perdure dans la durée sans remodelage majeur de la couleur des murs et du menu permet d’éviter la distinction entre ce qui fait un établissement de quartier ancré dans le quotidien et un établissement devenu spot d’attraction figurant dans la liste à cocher. Le spectacle du quotidien de l’un est le pseudo-quotidien mis en spectacle de l’autre. Plus d’habitués, plus de quotidien, pas même son simulacre. Le staff blasé ne l’est pas seulement par la paie mauvaise, mais par le savoir qu’il ne s’agit que d’un spectacle. L’interaction des échanges via le code-barres ou la tablette objective encore plus l’offre, dénuée des moindres signes de ce qui s’inscrivait, ou pas, dans la norme du quotidien. À la performance du barista beau mec, l’œil soucieux sur le débit du jus, s’oppose la manière ostentatoire dont le staff de Dream Coffee préparait le café en vrac pour remplir les grosses cafetières en verre, déversant sans affect ni poses l’eau chaude directement des bouilloires dans les filtres de toile bourrés de café moulu. On peut reproduire cela à la maison. On le fait, en connaissance d’avoir vu le faire. Transmission de protocoles, pratiques pragmatiques du quotidien.
Les quartiers, dans leur description en boucles identiques, sont aussi des objets néolibéralistes dotés d’une propagande stratégique monomaniaque pour y induire les flux entrants et de passage. Cette propagande se situe hors du quotidien, si tant est qu’il en reste encore quelque chose, à commencer par des habitants y menant, et pouvant encore y mener, une vie quotidienne. Une fois la vie quotidienne disparue, la place est totalement libre pour y disposer les objets de l’illusion d’une vie quotidienne, où la mobilité, le passage pour consommation, y est autant la norme des personnes venues de loin que des personnes venues de moins loin. Les messages enchantés qui inscrivent couramment la flamme du contentement accompagnée d’une promesse d’y revenir expriment le rêve d’y performer dans un futur improbable l’impossibilité d’une pratique quotidienne dans un milieu dénué d’habitués, hors le personnel de service. Ces messages transpirent le rêve de performance et d’octroi à soi de routines. Le quotidien est fait de routines. Les routines s’inscrivent dans la lenteur, la stabilité, le statisme. Elles sont rendues désirables mais repoussées, car anti-mobiles, la mobilité étant le cœur du néolibéralisme, donc consommatrice d’espace et de choses. La mobilité néolibérale consumériste à but d’entretien de soi, inversement proportionnelle à la capacité d’empathie, peut se performer dans un espace clos aussi, la salle de gym étant l’exemple iconique de ce fait.
Les avis divergent sur la durée de trempage du riz : un quart d’heure au minimum si pressé par le temps mobile, mais on préférera une demi-heure. Les avis divergent aussi, et sont l’occasion d’oppositions de prétentions à la maîtrise du savoir quotidien sur la durée entre le moment où couper le feu sous la casserole à riz — par l’électrique algorithmée — et le moment approprié de mélanger délicatement le riz avant de le servir. Dans ce cas, ce n’est pas le savoir-faire accumulé qui est mis en exergue, en argument indiscutable du bien-fondé d’une durée ou d’une autre, mais des traditions. On sort alors le drapeau du placard. Sur la manière de faire traditionnelle et intangible, l’observation montre qu’en réalité, celle-ci n’est pas unifiée et dépend des pratiques du quotidien de chacun.
