Aucun des lieux pourtant nombreux escomptés comme possibles candidats à y pratiquer l’écriture ne s’est révélé être adéquat, exception faite de la chambre de location en Italie. Ailleurs, le patio terrasse, le réfectoire, le salon de lecture, la salle d’étude de la bibliothèque, les quelques églises visitées, le café hipster 1 pourtant climatisé, le café hipster 2 pourtant climatisé, la chambre étouffante du couvent, le couloir plus frais où le chat cherchant la fraîcheur sur les dalles s’y étalait avec application comme mimant à la perfection une serpillière à une certaine heure de l’après-midi, l’intérieur du grand café figé dans son jus années 50 ou 60, l’habitacle des trains de factures et dimensions diverses, la chambre sous les toits cuisante sous les rayons hormis le matin tôt quand une fraîcheur indécente s’exposait jusqu’autour de 10 h, le jardin derrière l’église avec son point fraîcheur politique inactivé, preuve de l’attachement de la municipalité à prévenir l’hyperthermie, la terrasse couverte du café proche avec son brumisateur fraîcheur, apparemment seul dispositif efficace immédiatement pour baisser la température, mais quelque part un brin suspect sur les risques sanitaires, diverses terrasses qui reviennent en mémoire, certaines agressées par le bruit de la circulation, certains moteurs bien plus rageurs que d’autres, le patio qui aurait pu du petit musée avec la collection émouvante de Jacques-Émile Blanche sous des rayons fusant de la verrière, les chaises sobres dans les coins des salles d’exposition qui vous rendent immédiatement une fois assis l’air sobre tel un bedeau épuisé confondable avec un surveillant de salle d’exposition ou un visiteur déguisé en membre du personnel, les rues bien sûr impraticables sinon qu’en mode mobile constant avec la chaleur rendant la transition soucieuse puis bientôt souffreteuse, l’arrêt sur place n’étant concevable que pour regarder la carte sur l’écran scintillant saturé de soleil, le métro peu propice, les divers métro-tramways et tramways façon métro au freinage final arrivant au quai d’une rudesse affolante - algorithme de pilotage à revoir - et incompatible avec la sérénité bonhomme du paysage cossu d’un lac immense, les bancs nombreux, signe de respect de l’assise, ne déclenchant pas pour autant cette envie de sortir le clavier pliable qui se sera révélé pas vraiment approprié car source de tension lors de la frappe, identiquement les divers sièges d’avions dont on n’imagine pas qu’une évacuation rapide si nécessaire puisse être effectuée sans un désastre – revient en mémoire ce moment étrange où la sortie de l’aéronef a été rendue possible non seulement par l’avant mais aussi par l’arrière – moment rare et troublant, le personnel au sol dirigeant les passagers vers un passage couvert où une soufflerie d’évacuation pulsait un air atroce et syncopal certainement autour de 50 degrés – comme quoi, on retrouve invariablement le facteur chaleur comme démobilisateur en chef.
À Tokyo idem, Dream Coffee et Vivo n’étant plus, aucun remplaçant vraiment digne surtout quand avec la bossa nova dénuée de sensualité ou la soupe sonore série de zéros et uns en fond neutre potage sans sel – synonyme d’affligence – le seul candidat à un certain contentement envisagé se trouvant à 500 km de distance – 458 pour la précision réglementaire comme dans les gares en Suisse où les horloges sont des montres de marque – alors que dans les wagons du métro à Tokyo, des affiches et clips vidéo montrent des garçons éphèbes au visage luisant maquillé épilé qui suintent le malaise – on n’en veut chez soi à table, surtout pas – et ne ressemblent à aucun des passagers visibles l’œil fixé sur divers écrans, certains lisant, forme de résistance inconsciente, certains manipulant des claviers.
Les deux photos aux tonalités évaporées annoncent l’auteur en 1915, sans préciser l’âge qui est une information importante que la requête en langage naturel permet maintenant de connaître dans l’instant diffracté de taches multiples – 17 ans donc, en 1915, époque où l’adolescence n’existe pas et où le vestimentaire de la bourgeoisie urbaine fait que les garçons sont habillés comme leur père et ont un air d’adulte sans plus de signes notoires d’enfance. Sur la photo de couverture à Berlin, la foule des trottoirs est importante. Qu’est-ce qui fait la densité de la foule à cette époque sur une avenue clé de la ville en regard de la disponibilité des transports en commun et des modes courants de mobilité dans les rues ? Les vêtements supposent un automne ou un printemps très frais. Des véhicules au milieu de la chaussée dans des directions opposées suggèrent que c’est peut-être là que l’on se garait.
On est revenu dans la discussion sur la sous-jacence de l’éruption de violence comme potentiel inclus, le glissement d’un jeu de mots vers l’argumentaire verbal avant que d’en venir éventuellement aux mains – cette possibilité pas du tout improbable qu’offre le paysage humain et son théâtre de la bonne humeur et de la courtoisie comme des katas chez certains selon les heures, forcés par épuisement de paraître, qui ne peuvent totalement cacher l’exaspération qui pointe dans l’espace public où l’injonction à la civilité expose sa difficile exemplarité même si, observant au naturel – affects tenus en retrait – c’est la placidité qui dominait au quotidien, de même que les trains étaient à peu près à l’heure et les toilettes normalement fermés trop souvent pour cause d’inutilisabilité. Le confort de l’espace public est-il un facteur impactant de l’amabilité en ville ? Comme on m’avait dit avec cette note de ça-va-de-soi, le paiement conditionnel de l’usage des toilettes publiques s’explique par la stratégie d’éviction des sans-abris. Bourgeois blancs bohèmes satisfaits de leurs conditions de retraite à venir ou déjà perçue.
Quitter Berlin, journal de jeunesse de Gershom Scholem. C’est intéressant ce que provoque comme remugles dans le fouillis de la pensée, toujours comme dans une brume de chaleur, l’usage de ce verbe dans le titre d’un ouvrage, quitter sans revenir, ni même revenir sur l’idée de partir.
L’écoute de la dernière d’un podcast consacré à la littérature m’a exposé le totalitarisme précaire de l’atelier d’écriture chez des autrices et auteurs professionnels qui pour la plupart survivent à peine de l’écriture. Donc, afficher ou affirmer la solitude comme ingrédient nécessaire à l’écriture et ne pas être évasif sur son malaise à ce communautarisme communicationnel de rigueur, celui du devoir faire belle figure et s’animer en public comme si lors d’un examen oral condition d’être, ces sessions de lectures orales des textes que par contre j’approuve mais conditionnellement, ces mictions de vidéos et bouts de podcast et bouts de choses diverses sur des plateformes sans fin où l’absence est comme la mort mais en pire de l’inexistence si tu ne t’affiches pas, est signe, stigmate auto-infligé de ne pas coller avec son époque – un bout de chatterton et ni vu ni connu – une formation universitaire maîtrisante menant apparemment la plupart du temps à venir à la carrière de bateleur meneur de revue DJ de communautés écrivantes – organisateur d’ateliers d’écriture produisant d’autres ateliers d’écriture en espérant décrocher le gros lot d’une retraite d’écrivant, table et chaise et lit dans une maison douce de campagne ou un coin de bibliothèque et lectures animées le soir auprès de la population locale – m’a attristé et éclairé sur bien des choses. Comme souvent, si pas toujours, aucune once de mépris ni de condescendance. Juste un partage de soucis.
