Voici votre texte avec uniquement les corrections orthographiques apportées. La ponctuation, le style et la grammaire n’ont pas été modifiés.
⸻
L’aller-retour est probablement une expérience commune de la plupart, si pas de toutes et tous les participants d’Écrire à Tokyo. Allers-retours pluriels entre lieu vécu au passé et lieu habité au présent, allers-retours motivés ou provoqués par différentes circonstances individuelles et tout aussi communes en termes d’expériences au cours du temps. Ces allers-retours sont à la fois intimes, privés et d’une grande communauté de vécus se croyant peut-être uniques dans son for intérieur (le château-fort intérieur). L’hypothèse ici est que l’aller-retour est un multiple objet thématique de possibles d’écritures. À défaut de textes clés, sauf si lisant ces lignes, quelque chose vous vient à l’esprit que vous pourriez partager, on se propose d’évoquer lors de la session #60 du samedi 30 août des pistes de ce que l’aller-retour ouvre comme perspectives de récits.
Un aller-retour pour autant, dans sa répétition inchiffrable, n’est pas à proprement parler constitué de la simple succession d’un aller et d’un retour. On peut finasser ou faire son intéressant, ou se surprendre à se dire qu’il s’agit tout autant d’un aller-aller, et/ou d’un retour-retour, ce dernier doublon trop ancré à mon goût dans la nostalgie brute de brute, à l’ère de la nostalgie augmentée. Un aller-aller s’inscrit dans le présentiel aigu de la modernité, mais il est, plus dans un sens que dans l’autre peut-être, une gageure, moins de l’ordre de la remise des pendules à l’heure, mais de se dire in situ que l’on est dans la carte ici même pas plus tard qu’hier encore observée, scannée, scrutée tant et tant de fois avant que d’y être.
Et en rétrospective, une fois le fait accompli, le retour à la carte permet la remémoration mais aussi une sorte de clarification supplémentaire que l’expérience d’y être retourné – d’y être allé donc – sur le motif ne permettait pas, tant la gestion de la mobilité exigeait une concentration de tous les instants brouillée par la fatigue d’un trop long vol et du manque de sommeil.
Donc je me vois sortir, déboucher du sous-sol sur la terre ferme.
Donc, je me vois. Chaleur mais pas écrasante, déboucher sur le trottoir, immédiatement dans la foule pas aussi dense qu’à Gion en journée certes, mais rendue tendue et compacte par l’étroitesse des trottoirs justement, moi en anomalie assumée pantalon et veste sombres mais d’été, chaussures de toute l’année sans glamour mais de la force de prise au sol d’un tracteur tout-terrain, tirant une petite valise à roulettes souffrant des imperfections du bitume (pas comme au PPOTH donc), un gros sac de chez Don Quijote acheté à Shin-Okubo qui sert absolument à tout sur l’épaule droite souffrante qui elle aussi sert à tout, concentré ennuyé veillant à ne pas gêner mais avancer tout de même selon un autre rythme plus soutenu que la version mondialisée des touristes bovins comme il se doit, la horde des bermudas tee-shirts iPhone donc normaux alors que la pointe refaite à neuf d’une cathédrale connue se braquemarde dans la perspective.
L’industrie du tourisme qui manipule sa propre critique possède comme formule incontournable celle de railler la critique des touristes par ceux qui prétendent ne pas en être – les locaux prétentieux donc – en soulignant – il suffit d’écouter les podcasts sur le sujet pour entendre avec ce sourire en coin de connivence invariant – que ce mépris de l’animal touristique est aussi vieux – donc has been – que le touriste lui-même. Et ainsi, la boucle est bouclée, et on la boucle.
Il faut sur les trottoirs étroits se fendre un passage coûte que coûte. Ça décante sans surprise à bien y penser lorsque d’abordant rue Lagrange dont le nom n’avait jamais accroché. C’est qu’un dîner imminent attend du côté des Arènes alors que Henry Miller se tient éternellement encore pour un temps devant la sortie du métro de la rue latérale – un boucher en face qui s’avérera quelques jours plus tard être jeune et plein d’assurance borderline arrogance façon hypster café, empathie en berne donc, tranchant au couteau avec le souvenir d’un couple de personnes allant vers l’âgé bien des années auparavant qui débitait dans la même boutique.
La fatigue aidant mais surtout les pensées alternatives, ce gribouillis acouphénique remugle conséquent du décalage horaire en pleine vrille, bien des points observables sur la carte maintenant, des repères historiques connus même – typiquement les églises – jamais pénétrées, n’ont cette fois-ci laissé aucun souvenir d’y être passé devant. J’ai même manqué de saluer d’un regard un square d’importance pourtant incontournable sur la carte ; la carte en mode pré-voyage et maintenant post-périple aura compensé si pas pardonné l’impossibilité en manque de temps d’un passage au Jardin des Plantes et du Luxembourg. Mais en pensées, parcours accompli.
Tu vois ? L’énorme réservoir narratif de l’aller-retour ! Tu sais, ces collisions entre lieux et temps-espaces-temps conjugués au passé-présent-surtout-présent.
Dans l’habitacle alors que dehors le cagnard cagne, la conversation a glissé – comme souvent amorce disparue – vers la différence des urnes funéraires du Kanto et du Kansai. C’est l’approche d’Obon on dira, c’est l’approche de la mort on dira, mais c’est une découverte, de savoir qu’au Kansai, elles sont petites et ne contiennent pas la totalité des cendres. S énonce ce qu’elles contiennent, faisant preuve d’une connaissance avancée de l’anatomie squelettale post-crémation. M qui résume peut-être ajoute que les cendres sont versées en vrac dans l’alcôve à cet effet, contrairement au Kanto où les individus sont chacun confinés dans leur urne. On passe à autre chose.
Pas de déni de chaleur non pas ici, mais de conséquences physiques de celle-ci ; je fais face à un mur souriant et bienveillant comme on affiche au benêt exposant une affligeante incompétence mes soucis de cuisson fatale. À 35 ressentis 43, il fait 43, donc plus que la température du corps. Quand la thermorégulation est hors service, on est dans le danger. En milieu humide, les serviettes rafraîchissantes sont impuissantes.
Un coup de pouce pour la sortie du second volume de Culinary Encyclopedia of Japan – Tools, Techniques, Traditions de Keita Wojciechowski. Comme le premier lourd volume, c’est une encyclopédie sans aucune illustration, un dictionnaire à lire, à épeler, impressionnant.
Les mentions géographiques fonctionnent plus que jamais comme des éléments de détournement de la lecture, comme quand apparaît Barnes and Noble dans un article du NYRB sur Joan Didion, qui provoque une sortie de route contrôlée vers la carte, la librairie brièvement visitée à Manhattan, remettre à jour (rekindle, ranimer) quelques articulations de rues, ranimer le nom du square Union Square tapissé de neige, celui d’Eisenberg, etc. La mention de la Californie, elle, ne rappelle presque plus rien. La carte et ses éléments associés est un outil de ranimation, de remise à jour. La réanimation est une urgence, la ranimation une pratique routinière.
Un bout de palissade empêche de franchir le goulet de Kagurazaka le matin. Il faut bifurquer, ce qui est frustrant, non pas en conséquence du surcroît d’effort requis, mais de par la déception de ne pas pouvoir se glisser dans le goulet comme d’habitude.
Que la personne qui m’a contacté tantôt au sujet de la Zone d’écriture à Tokyo passe outre une éventuelle timidité à entrer en conversation. Il n’y a aucun obstacle sinon qu’imaginé par soi.
⸻
Souhaitez-vous maintenant une révision stylistique, grammaticale, ou une mise en forme éditoriale ?
Non. Et quoi encore?


