Le feu comme lanterne d’accueil qui guide l’âme à destination du domicile, le lieu d’avant. Plusieurs pourraient être sollicitées mais c’est la plus proche qui est singularisée, la plus proche dans l’arbre familial qui est ainsi l’objet d’attentions dont l’exécution nonchalante cache à peine une tension de toutes ces petites choses, ces intentions qui consistent en définitive à la réintégrer dans le quotidien d’ici et maintenant avec familiarité, la seule communion qui compte étant le repas ensemble. L’áme est mobile mais sans voix. Sur le perron où brûlent les tiges balises lumineuses, impossible de ne pas penser que cet exercice privé, dans le sens du privé du giron familial, a lieu plus ou moins au même moment et à l’identique, mais sans visibilité aucune, dans quantités d’autres girons. Communauté des rites mais chacun dans son coin, comme l’arbre de Noël. Pas de réunion sous un toit que l’on pourrait nommer église, ou au bord d’un lac ici absent. Comme toujours, ce chacun pour soi dans son coin faisant la même chose dans un entre-soi étroit me laisse songeur sur les sens du communautaire.
Mais ce qui me râvit par contre, c’est la primauté du quotidien autour de ces rites, la centralité du repas où il s’agit d’être particulièrement attentionné aux préférences de l’âme visiteuse quand elle était terrestre. La préparation de ce repas débute même la veille quand on me demande de rapporter des gyozas d’une fameuse échoppe à Ueno qui était un lieu favori de l’âme visiteuse avant de ne plus devenir qu’une âme. Il s’agit donc bien de (re)conjuguer le passé au présent.
Des adaptations comme bricolage ne sont pas rares. A défaut de shochu absent, on verse un petit verre de Soave tout en sachant, et en l’énonçant, qu’il n’était pas buveur de vin. On trinque ensemble à l’apéritif avec son verre qui va rejoindre divers mets sur l’autel qui reviendront plus tard sur la table nourrir les vivants. L’âme partage le repas mais ne s’assoit pas à table. La séparation des mondes est préservée. L’autel est le parloir silencieux.
Au supermarché, un coin d’espace pas négligeable est consacré aux divers artifacts du rite, objets nombreux et sans explications apparentes comme ils vont de soi. Un autre petit boisseau de matière végétale à l’identique très inflammable sera brûlé dans quelques jours pour signifier à l’âme voyageuse qu’il est temps de s’en retourner. Chacun à sa place, affaires rangées.
C’est l’histoire d’une âme voyageuse qui décide de passer un an à domicile, et qui se met à parler.
Personne n'a de voix mise en rapport aux autres. L'âme est muette comme le sont les vivants. Le dialogue est en pensées, silencieux, lors de la pratique d'une prière. Changer de points de vues, ou développer le point de vue de chacun des personnages, jusqu'à celui de la caissière au supermarché, de l'âme voyageuse qui en aurait des choses à raconter.
