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| Effet loupe |
Un arrêt dans la ruelle pour remarquer les plantes faisant mur vert. C’est à ce moment que la patronne arrive à vélo, selle réglée basse qui limite l’efficacité du pédalage mais permet de poser les pieds au sol plus rapidement. Nous échangeons des courtoisies puis elle me demande si je veux un verre d’eau. J’accepte. Elle entre dans le restaurant par la porte de service puis ressort avec un verre d’eau bien fraîche. Nous continuons nos échanges. C’est bien la première fois que l’on m’offre un verre d’eau dans la rue.
Parmi les risques d’une écriture diariste figure celui d’exposer sa bêtise. Non pas qu’une écriture plus lente, plus travaillée, plus réfléchie soit garante d’estomper les preuves de son incompétence, mais l’écriture rapide, et sa publication en ligne dans la foulée, constituent une prise de risque considérable. On peut bien sûr corriger le tir. On peut par exemple s’autocensurer et retirer le texte. Seuls les abonnés, heureusement rares, et les divers systèmes mémorisants conservent la trace de l’inanité. Prenez par exemple le texte précédent maintenant retiré avec son hameçon pavlovien qui a provoqué, comme tristement escompté, un afflux d’accès suivi de rien. Sa relecture m’a mis très mal à l’aise, non pas qu’il s’agisse de cacher sa bêtise mais de mieux la travailler pour en faire quelque chose d’un peu valide. Bien sûr, l’exposition de ce texte aurait pu être suivie de mieux que rien à condition que les commentaires soient autorisés, mais la perspective de devoir gérer les quolibets et sentences brèves de lecteurs souvent anonymes, ou pire ou mieux, constater le bruit du silence, a mis un terme définitif à envisager de retourner sa veste et ouvrir les écoutilles. Le décrochage d’un texte, comme on dirait d’une toile, n’a pas pour objet un travail de réécriture qui n’aura pas lieu – et tant pis pour l’exposition du Musée national de Tokyo, tant pis pour l’auteur cité. Il s’agit bien de réfléchir à la bêtise, la sienne en premier pour changer.
Écrire comme Martial Solal improvisant au piano.
Gershom Scholem dans le métro quittant Berlin, le même la veille sur le comptoir de véritable marbre à Bronx. Associer un lieu à l’acte de lecture d’un livre spécifique.
Le matin, sortie administrative. Sur le mur du bureau figure une liste des documents obtensibles et des tarifs. Une idée : Attestation de Réticence.
Jusqu’à ressenti 37, tout va bien. C’est à partir d’un degré plus haut que cela se gâte.
Accueil le soir à Haneda. Dans le monorail se côtoient des qui s’offrent trois semaines de périple, et des qui n’ont jamais pris et n’auront jamais trois semaines de vacances.
C’est l’occasion en taxi de passer juste au ras du carrefour de Shibuya et de se demander ce qu’il en est de l’attraction de ce carrefour. Mais pas seulement cela qui est usé. Il s’agit de se demander en quoi cette réflexion est d’intérêt, ou pas, puis passer à autre chose, passer le chiffon sur son indifférence qui permettra bientôt de rebrousser chemin avec l’aisance d’un habitué alors que ce n’est plus le cas. Performer l’habitude, la familiarité dans l’espace urbain jusqu’à mentir doit détrôner la psychogéographie, pour ce qu’il en reste. Se perdre n’est pas une option sauf, comme bientôt quand l’absence d’un motif de signalétique va déclencher une giclée brève d’ennui, un ennui agacé qui n’est pas l’ennui de l’enfance.
Plus haut au niveau de Tokyu et Bunkamura, c’est un vaste chantier, palissades blanches mais je ne jurerais pas de la couleur car dans la nuit, ce sont d’autres couleurs qui attirent l’œil. Topographie connue vers Shoto même si plus pratiquée depuis longtemps. Au retour, avec une valise heureusement très mobile, votre mission si vous l’acceptez est de trouver moyen de descendre dans l’arène au fond pour accéder au métro en ascenseur, sans prendre les escaliers. Occasion de découvrir que, malgré les travaux longs, les options sont très limitées, trouver la A21, et qu’à un bref moment dans l’arène, la signalétique provoque, par absence soudaine du logo de la ligne visée, un doute sur la direction à prendre.
À rédiger : un catalogue des moments où l’on perd le nord.

