30-36-72

30 degrés ressentis 36, humidité 72% selon les sources. La confusion de celles-ci. Dans ces coordonnées, sillonner la ville est praticable, avec les attentions d'usage. On dira : 30-36-72.


Le soir dehors, c’est 26-31-92 aggrémenté d’une petite pluie. Cela sent l’Asie avec une touche d’automne. C’est tout aussi praticable, agréable même comme une casquette suffit pour faire office de parapluie. Ce n’est pas l’humidité mais bien les températures caniculaires qui gâchent tout.


François Chaslin souvenu immédiatement que lisant l’annonce de sa mort dans un podcast ancien figurant un extrait d’un tour du périph de 23 minutes commenté de voix de maître - on voudrait l’intégrale -  une série de quatre épisodes remarquables d’évocation et de provocation à la réflexion. Dans l'extrait de ce tour de manège donc antérieur au podcast, il cite Shinjuku comme repère phare de la nuit urbaine illuminée. 


Noctambules à Tokyo, Osaka et Kobé. Auteurs contemporains, absents. Serge Cassini certes.


Un tour diurne bref à Shinjuku justement, sortie est. Après le long couloir matraquage publicitaire censé marquer les esprits - aucun souvenir de ce qui s’y affichait, seul souvenir, la chaleur émanant des écrans lors d’une marche rapide intentionnellement au plus près de ceux-ci pour ressentir leur haleine - suivi une fois en surface d’un autre écran massif suspendu à effet remarquable de relief qui aimante les mobiles des touristes mais pas qu’eux. 


Déjeuner à Acacia, ses saveurs devenues totalement industrielles - le fond gustatif du MSG - ses sièges dont trop font face au mur. Ce qui est recherché n’est pas de l’ordre de la qualité mais du rythme, le rythme urbain, une note qui marque et provoque l’envie de revenir, un tempo singulier, un jingle notoire, une pulsion urban beat, pas estampilé d’un chat monstrueux en 3D au vocabulaire crétinisant, quelque chose old school comme le café Berg qui n’a jamais accroché, mais toujours l’espoir de tomber par hasard sur une perle, une signature du quartier. Un phare, un hâvre. Faut pas rêver.  Faut bouger.


Toutes les expériences propagandées, celles pour quoi ont fait de la distance à trace carbone compensée par des achats festifs à Don Quijote s'inscrivent dans le flux. Les exemples de quêtes d'ancrages s'inscrivent elle dans le statisme, même quand il y a mouvement d'un moyen de transport. Un tour de périph de 23 minutes est statique dans l'objet périph, qui plus est dans la carlingue d’une auto, pour qui être dans le flux est la raison d’être. Mais la raison rare d'y tourner qui consiste à en goûter l'ensemble dans sa continuité est identique à loger dans une station spatiale où il y a ancrage, espérons-le. Dans la bagnole ou la station, on pourrait refaire un tour après le premier à supposer que l'on n'en soit pas contraint, juste pour le plaisir d’affiner ses observations.


L'individu mobile dans l'urbain à la recherche de signatures si sensible encore à cela, de signes d'un possible ancrage même si de passage - façon de se distinguer des autres dans le flux et heureux comme sur des montagnes russes, est mobile par obligation, astreinte, pas pour faire le grand tour, ancêtre des passages obligés. Mais quand tout ce qui s’offre à lui participe aux flux consuméristes, avec ses étapes et enseignes identiques, l’idée d’ancrage est noyée. 


Le résident se doit non seulement d’être dans les flux massivement composés pour entretenir les passages des personnes embarquées-débarquées venues consommer, mais il doit aussi être seriné par leurs discours, leur besoin impérieux d’exprimer des avis avisés définitif façon César le pouce vers le bas ou le haut selon ressenti du jour ou mimétisme de plus arrogant médiatique que soi. 


L’expérience singulière de la résidence où l’ancrage est souhaitable si pas une nécessité est débordé quand pas annihilée. Chez soi est une destination touristique où selon les territoires, une foule à l’identique côtoie aux heures de pointes une foule d’un autre identisme, sans qu’aucune communication n’ait lieu. Et pourquoi y en aurait-il?


Sur Shinjuku-est diurne, ce qui tranche dur d'autres hubs tokyoites, c'est l'emprise de la bêtise consumériste, c’est à dire d’abord de la bêtise, le consumérisme venant au second plan. Il faudrait sacnner la version noctambule. Shibuya est dans une autre catégorie, mais Shinjuku-est diurne a monté en gamme au fil des années dans le crétinisme marchand béat. La rue de Lost in Translation a remplacé tous ses horipeaux fantasmes par du générique et du faux vintage, comme ce qui trône au feu-marchand de fruits, un vaisseau good old time populaire à patine IAsée. C’est très dérangeant, source de malaise, non, pas sur un air de nostalgie qui m’est absente. Un autre air, définir, à ffiner.


Ce qu'il faut forager pour apercevoir autre chose! 


Evitement de Golden Gay rien qu’en pensant à Golden Gay proche de Golden Gay de l’autre côté de l’avenue déjà saturé par l’idée d’y passer. Pause dans le temple pas loin puis heureuse évacuation par la Marunouchi vers Koenji. L’idée d’un guide à soi intitulé S’enfuir de … fait plus sens que jamais.

Les géographies qui ricochent. Au réveil, M m’a envoyé une photo prise de la gare de Frascati. Une vue nocturne sans aucune explication. On peut estimer qu’il s’agit du dernier train direction Termini, que le train s’arrêtera sur le quai 20B dont la tête est bien éloignée du bout des autres quais, qu’en marchant de son pas chaloupé vers les sorties, il a entendu les annonces en boucles d’où des noms de destinations domestiques affleurent. Je lui envoie en retour une photo d’une bouteille de Frascati achetée l’autre jour à Aeon pour lui montrer que partout est Frascati, et Frascati est partout. Mais dans la nuit cela devient une autre scène.


La veille, c’est H qui sorti du silence m’envoie en rafale des clips de sa rééducation spartiate de miraculé. Il en est à son troisième AVC et est sur le point de devenir le sujet d’une thèse, médecine ou étude des miracles. Une partie de son oeuvre photographique est entrée pour la postérité dans les collections de musées régionaux de renom. Le mystère de son absence depuis un an est ainsi résolu mais rend perplexe et douloureux. Seuls les académiciens sont immortels d’après les dires.


A 30-36-72, il est possible de faire des détours dans la ville prétexte à marcher par besoin vital et aussi se refaire des classiques. Descente à Ueno côté parc avec une bonne compréhension de ce que le réaménagement - dallage, bétonnage, cryogénisation des sols - s’est traduit par une visibilité évidente du zoo au loin. Le parc est lisible mais globalement emmochisé. Tout pour faciliter et élargir le flux. 


A gauche se trouve le chemin qui mène au Toshogu, heureusement inchangé, puis en contrebas, le toujours désuet accès au lac Shinobasu avec brièvement un air d’aller à la plage, le lac tapis compacte de lotus avec les fleurs sans pétales comme des pommes de douches desséchées.