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Avis de faiblesse


1. Histoire de ressentir ce que cela fait sans, je descends à Kanamecho, sortie en queue. Je passe à la boutique d’emballages pour acheter un cent de sacs poubelles, je poursuis sur l’avenue où sur le trottoir opposé bientôt, le récent supermarché Life me remercie d’être “venu à la vie”. La surprise est de constater que l’immeuble de Dream Coffee est toujours debout, inchangé, sans aucun signe d’une démolition proche. Sur le rideau baissé demeure une grande feuille A3 au collant renforcé qui résiste aux intempéries, comme un livre d’or où figure un ajout en anglais depuis la dernière fois dont je connais l’auteur pour ne l’avoir côtoyé qu’une seule fois.

2. Youyi Asian Market au quatrième étage de l’immeuble ancêtre Yamato Sangyo est devenu sensiblement plus odorant. L’hygiène y est négligée. L’extraction d’air dans la surface confinée est une gageure.  

3. Papa Noël pense à la suite, c’est à dire à la fin. Soit la machine à torréfier le café se déglingue avant lui, soit lui se déglingue avant la machine. Il veut faire en sorte que la machine tienne le coup plus longtemps que lui. Nous sommes d’accord sur le fait qu’aucune chaîne ne sera intéressée par le local. Au bout de la galerie couverte, malgré tout, un recoin café est en passe d’ouvrir. Murs et ambiance blancs, comme il se doit. La petite chaîne de café Aome 

4. Le marchand de fruits et légumes à Minami-Senju 1-10-3 est très calé dans son domaine. Nous nous saluons avec une certaine retenue réciproque mais aujourd’hui, il me montre sur l’écran de son smartphone une photo d’asperges “sauvages” et me demande s’il y en a en France. Avec mon doctorat es-légumes, je suis particulièrement au courant du marché de l’asperge sauvage hexagonale mais je fais semblant de n’y connaître pas grand chose. Je lui demande au contraire s’il y en a au Japon. Probablement me répond-il en s’éloignant à ses affaires de réassort des bacs. “Mais cela doit coûter un bras. Traduction-adaptation pour que cela ne sente pas le traduit. C’est le retour des karamidaikon. Il a corrigé mon erreur sur les Gogatsu Hassaku. Cela se dit Satatsuki. Ah oui! Les Satsukis. Etape finale des Hassaku de l’année. K nous a envoyé une pleine caisse de Sun Fruits qui ont justement un air de famille avec les Hassaku. Dans le carton se trouvent quelques autres agrumes jaunes volumineux qui devraient ne pas s’y trouver.

5. L’écriture hors-sol : penser la mobilité internationale physique et virtuelle dans les narrations. Enoncé toujours pauvret et tâtonnant, mais on s’approche de quelque chose d’important. Le quotidien est infiltré par une myriade de touches intimes qui ont pour origines des ailleurs multiples. Il ne s’agit pas d’un simple détournement critiquable du présent physique géographiquement localisé qui se retrouve disloqué, mais d’une situation où l’esprit voyage presque en permanence, c’est à dire souvent. Il s’agit de vies hors-sol comme jamais historiquement. 

6. Dissolution suite … Ce qui serait souhaitable à la suite de ce livre de Pierre Douillard-Lefèvre  intitulé Dissoudre, ce serait un volume consacré à des exemples multiples et internationaux de ce qui se fait, pour ne pas finir sur une forme de voeux pieu sympathique mais sans portée, comme c’est le cas. 

7. En regard de tout ce qui a été déplié, perçu, démonté, démontré, compris, ressenti, élaboré, révélé, exposé, ces schémas, manoeuvres, formules, dynamiques d’entres-soi et de mépris, affabulations aux services des flux, etc., qu’il n’y ai pas plus de participants à Ecrirea.tokyo est une anomalie et un avis de faiblesse. Ce n’est pas un cercle littéraire mais un banquet mensuel d’idées. Vous n’avez donc pas faim? 

8. Ningyocho on my mind : voilà un quartier sous la coupe de la pratique de la déambulation répétée ces temps-ci, condition d’en devenir le propriétaire. Deux petits marchands de fruits et légumes dans les rues en retrait, l’un de gamme standard inférieur avec un beaucoup de passage d’habitués, l’autre de gamme supérieure qui doit fournir les restaurants regardants. Ningyocho a pour intérêt encore une concentration moyenne à faible de petits commerces indépendants, suffisamment pour ne pas être encore anonyme. Rien à voir avec le touffus de Koenji, en terme de densité comme de classes socio-économiques de fréquentation. Identique par contre dans le ressenti clair de la finitude, des frontières qui font les quartiers. Sur l’angle charmant, Koenji est en sans commune mesure supérieur.