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Spectacles

La mise en scène du livre de Kazin avec une tasse de café sur la table est aussi de l’ordre du spectacle, peut-être. Kazin est très sensible aux odeurs de l’enfance avec toute une palette de souvenirs. Aussi les nourritures. 

Au dos du pharmacien sur un présentoir bien en vue à la caisse s’étalent 48 marques de cigarettes. Une petite plaquette artisanale publicitaire comme si tracée à la main déborde un peu sur l’exposition tabagique. Il y est question de santé et de douleurs menstruelles. Je paie pour une boîte de Norshin, du paracétamol, qui sonne comme le nom d’un train de nuit ou d’un rêve boréal foncé.

Malgré le souci d’éviter ces choses, je suis tombé sur une photo, puis sur le site d’un restaurant-cabaret à Tokyo sur le thème du sumo où les visiteurs - tous blancs sur les clichés - déjeunent de porc pané et assistent à des démonstrations de sumo débité par des combattants à la retraite. Les touristes peuvent mettre la main à pâte et s’engager dans la lutte vêtus d’un vêtement conçu pour être parfaitement ridicule et éviter les contacts physiques directs avec le corps des lutteurs. 

Une brève chute de grêle neigeuse avec vent violent s’est abattu juste au sortir de la station. La température avait dégringolé grave entre le quai lors du transfert à la station Tamagawajosui et plus tard l’attente brève sur le quai de la station Haijima. Quand on est reparti dans la nuit, il ne restait presque rien de ce coup de blizzard.  

Le dispositif photographique du mobile empêche d’obtenir quelque chose d’approchant cette vision aveuglante, signature de Tokyo en hiver, quand pointant directement vers le soleil sur la plateforme à la sortie ouest d’Ikébukuro. La technique impose sa vision.

Quatre étudiants que je suppose issus de l’université d’à côté tentent d’entrer à Dream Coffee. Se déroule un bref échange avec le comptoir comme il n’y a pas quatre places de libres contiguës. La négociatrice déçue commence à rebrousser chemin. Assis à la table communale - celle où négocier l’évitement des regards mais sans stress demande de l’expérience - je lui fais signe alors que son visage va s’éloigner du chambranle de la porte sur la rue pour lui signifier que que je vais me déplacer sans problème - vraiment? - pour qu’ils puissent s’y assoir. Elle et ses compagnons s’insèrent dans l’habitacle. J’entends de l’anglais, du japonais, du mandarin. Elle me tourne le dos assise juste à côté de moi mais je ne lui en veux pas. Je pense mais un peu tard que j’aurais du lui dire que non seulement il n’y a pas de problème pour me déplacer, mais qu’ici vaut 100 fois Starbucks. En ce début d’année, le café à ce moment plein comme un oeuf, la bande son jazz qui assure et le buzz des conversations font de s’y trouver un moment intense de satisfaction à être ainsi seul au milieu d’inconnus.

A Chinchinken à Ueno, il me semble que tout le staff et peut-être le propriétaire ont changé. La dame avec sa permanente de zinc façon photo rue de Lappe en noir et blanc n’est plus là. Ce nom de rue apparaît tout simplement parce qu’elle est mentionnée dans le texte d’Etel Adnan lu il y a tout juste quelques minutes. Comme quoi, hein … . Les gyozas sont devenus inférieurs en qualité. L’enveloppe de pâte est trop épaisse, sans doute un lien avec le mécanisme de production. Le cuisinier ne les cuit pas assez. La femme qui fait le service a un visage oblong. Le dessin de son profil, rappellent très exactement les personnages féminins d’estampes. C’est une parfaite Japonaise d’un autre temps. 

Le boucher me sort du frigo un filet de porc entier qu’il commence à parer avant de que de le peser. Il me dit que c’est du bon, me demande depuis quand je suis ici, je lui réponds depuis longtemps; il ne se souvient pas qu’il m’a déjà posé la question mais je ne fréquente pas assez la boutique pour être reconnaissable. 

Il ne faut pas citer ici une photo d’un enfant palestinien pétrifié gris dans une gangue de poussière de gravats parce que c’est une prise de risque et un hors sujet. Il a cinq ans j’imagine. Mais de quel sujet s’agit-il?