Kafka a vu se produire des acrobates japonais - le fameux exercice d'équilibre, de force et de voltige - en 1910, une hypothèse même si la date précise ne figure pas dans une des premières entrées (on dit cela?) de son journal. C'était les prémices de Japon Expo. Le petit Marcel avec sa tasse de thé et ses fleurs en papier qui s'y déploient est antérieur donc.
1910, c'est aussi l'année où Swingle aurait pu venir au Japon en catimini.
Le journal de Kafka dans l'édition NOUS, familiarité immédiate, et un volume d'une épaisseur considérable et d'un poids négligeable. Parfaite lecture de voyage.
32 heures à Tokyo : ce qu'il ne faut pas manquer, les musées, non, le carrefour, non, Ginza, surtout pas, Toyosu, mortel pour les poissons, indigent pour les visiteurs, donc non. Les circonstances créent l'exigence de concentrer les lieux et faire l'impasse. 15 kilomètres à pieds sous le cagnard et l'haleine de four à chaux comme Gauthier en Espagne. L'urgence permet non seulement de filtrer l'essentiel mais aussi d'approfondir des territoires selon l'échelle du temps.
A Shin-Okubo -Peshawar-in-Tokyo - le paysage humain est différent autour de 19h. C'est plus que jamais ailleurs donc chez soi. Majorité d'hommes qui sont de passage après le travail. Achats de sucreries dorées vendues au poids, peut-être pour la famille. Échanges familiers et plein d'humour entre les vendeurs et les acheteurs. Énergie typique des boutiques multiethniques en total contraste avec l'atonie tokyoite à générations identiques.
La petite table à la devanture est bien occupée, mangeurs de brochettes, buveurs de jus. Ils se délectent, rares femmes. Je me délecte aussi - affect un peu prétentieux - de ne rien comprendre à la langue, d'être dans le bain de sueur, d'attendre mon tour comme quiconque, anonyme, prétendument indifférent...
(...)